A la fin de l’année 1788, quelques mois avant que n’éclate
la Révolution, Maximilien Robespierre, alors candidat aux Etats
Généraux, faisait ce constat édifiant :
La plus grande partie de nos concitoyens est réduite par l’indigence à ce suprême degré d’abaissement où l’Homme, uniquement occupé de survivre, est incapable de réfléchir aux causes de sa misère et aux droits que la nature lui a donnés.
Non, bien sûr, puisque la précarisation et l’aggravation des
conditions de travail des salariés – statut qui concerne désormais la
majorité des travailleurs en France -, ont un impact direct sur leur vie
et sur les moyens sociaux de la sauvegarder. C’est la protection
sociale de la majorité de la population qui est mise en péril dans la
mesure où le financement des institutions chargées de la promouvoir est
assuré par l’intermédiaire de cotisations impactées sur la masse
salariale. Le chômage ou encore l’allongement de la durée de la vie ne
sont cependant pas les seuls responsables d’une situation dont la
gravité nécessiterait peut-être de par son ampleur, un sursaut
salutaire.
Car, il faut dire que les salaires, non revalorisés par rapport au
coût de la vie, ne suffisent plus à financer les institutions censées
protéger l’ensemble des travailleurs – mais aussi l’ensemble de la
population – contre les accidents de la vie qui restent d’ailleurs
étroitement liés au travail…
Rappelons qu’à partir de 1983 les différents gouvernements, de
droite comme de gauche, ont libéré certains prix concernés par une
ordonnance de 1945 – laquelle donnait au gouvernement le pouvoir
d’interdire les hausses, de fixer leur montant ou encore, de contrôler
celles décidées par le secteur privé. Une ordonnance qui finira par être
abrogée par le Parlement en 1986…
Quels devaient être les bénéficiaires de ces grandes manœuvres,
dont l’heureuse conséquence devait être une rémunération du travail
intérieur bloquée à son minimum pour permettre à l’extérieur des ventes
grassement rétribuées ? Cette mesure de libération des prix, comme bien
d’autres mesures “libérales”, n’était destinée, sous couvert
d’une nécessaire résistance à la concurrence internationale, qu’à servir
les intérêts des propriétaires du grand capital en laissant désormais
les mains libres aux entreprises exportatrices dans leurs visées de
profit maximum : c’est ainsi que de 1992 à 1999 le commerce extérieur de
la France aura dégagé de confortables excédents… tandis que les
salaires devaient courir misérablement après le coût de la vie, et
l’ensemble des travailleurs après la vie tout court… Reste à savoir
combien de temps encore sera supportable cette situation indigne.
Faisons maintenant un petit bond en arrière, vers ce passé commun
que les dominants s’évertuent à nous faire oublier. Devant l’Assemblée
nationale constituante (élue en octobre 1945), Pierre Cot, le grand ami
de Jean Moulin, avait été le rapporteur – après qu’il ait participé à
son élaboration au sein de la commission compétente -, du projet d’une
nouvelle Constitution pour la France. Dans ce projet figurait une
Déclaration des Droits de l’Homme dont l’article 36 déclarait que…
le droit de propriété ne saurait être exercé contrairement à l’utilité sociale ou de manière à porter préjudice à la sûreté, à la liberté, à l’existence ou à la propriété d’autrui.
Or ce projet de Constitution de 1946 qui renfermait, pour la
France, de même que pour les pays qui avaient été jusque-là sous sa
domination, les promesses d’un renouveau social et politique, sera –
tout comme l’avait été en son temps le projet de Constitution de juin
1793 qui mettait en exergue, sous l’impulsion de l’Incorruptible, le
même droit à l’existence -, repoussé par… le peuple de France.
Rechercherait-il donc son propre malheur ?… La question reste, plus que jamais, ouverte.
Christine Cuny
Quel est le premier objet de la société ? C’est de maintenir les droits imprescriptibles de l’homme. Quel est le premier de ces droits ? Celui d’exister. La première loi sociale est donc celle qui garantit à tous les membres de la société les moyens d’exister ; toutes les autres sont subordonnées à celle-là ; la propriété n’a été instituée ou garantie que pour la cimenter ; c’est pour vivre d’abord que l’on a des propriétés. Il n’est pas vrai que la propriété puisse jamais être en opposition avec la subsistance des hommes. Les aliments nécessaires à l’homme sont aussi sacrés que la vie elle-même. Tout ce qui est indispensable pour la conserver est une propriété commune à la société entière.
Maximilien Robespierre
Extraits de “Discours et rapports à la Convention” Christian Bourgois Editeur 1965
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