06 octobre 2023

Les provisions des assureurs-vie suffiront-elles à affronter la crise ?


Sans que la presse subventionnée ne s’y arrête réellement, un krach obligataire sévit cette semaine sur les marchés financiers, et spécialement aux États-Unis. Pour l’épargnant lambda, ce type de krach est, dans un premier temps, invisible. Il est surtout potentiellement douloureux pour les institutions financières. Tout l’enjeu des autorités est d’en isoler les effets, de contenir l’incendie en quelque sorte, pour éviter un effondrement global du système. Le krach obligataire menace tout particulièrement les assureurs-vie comme nous l’expliquons depuis plusieurs mois. Toute la difficulté est de savoir si les propos rassurants des assureurs français sont vraiment crédibles… 
 

Nous avons évoqué hier le krach obligataire en cours, qui menace directement votre assurance-vie. Nous l’avons dit, personne ne sait exactement qui est à la manœuvre derrière cette soudaine et inopinée flambée des taux d’intérêt sur les places boursières. Les conséquences de cet incendie qui prend les autorités monétaires de cours sont nombreuses et sont encore mal connues. D’une part, on peut supposer que les États vont emprunter à des taux de plus en plus élevés, ce qui va renchérir les déficits publics et plomber l’Etat-Providence, notamment en France. D’autre part, les détenteurs d’obligations vont voir la valeur de leur patrimoine baisser, selon une logique que j’explique dans la vidéo, et que je réexplique brièvement ici.

Krach obligataire, ruine des patrimoines

Pour comprendre les événements en cours, il faut avoir à l’esprit une logique un peu mystérieuse, mais simple : quand une obligation (qui est, au fond, un prêt entre particuliers) voit ses taux d’intérêt monter, sa valeur nominale baisse. Autrement dit, plus une obligation rapporte d’argent, moins elle est chère. Inversement, plus le taux d’intérêt baisse, moins son rendement est élevé, plus sa valeur monte.

C’est un peu mystérieux, mais c’est surtout redoutable. Cela signifie que, lorsque les taux d’intérêt montent, les actifs détenus par les possesseurs d’obligations diminuent. Autrement dit, ceux qui ont massivement acheté des obligations souveraines (par exemple de la dette française) durant les années 2010 sont en train de s’appauvrir rapidement pendant ce krach obligataire.

L’impact du krach sur l’assurance-vie

Au demeurant, nos lecteurs fidèles ne découvrent rien dans cette affaire, puisque nous les alertons sur le sujet depuis plusieurs mois. Le problème est celui que nous avons évoqué plus haut : pour couvrir leur solvabilité, les assureurs sont obligés d’acheter des obligations. Pendant les années 2010, ils en ont acheté massivement : leur portefeuille voit aujourd’hui sa valeur fondre massivement.

Tant que les assureurs-vie ne sont pas obligés de vendre leurs obligations, cette moins-value est seulement latente. S’ils doivent vendre en urgence pour combler des besoins de solvabilité (en cas de clôture des contrats par les clients, par exemple, dans des proportions telles qu’il faut vendre des actifs pour avoir de l’argent frais), ils deviennent alors des “forced sellers”, contraints de passer ces moins-values dans leurs comptes. Et là, le coût est élevé, car les réglementations prudentielles les obligent à reconstituer un matelas minimum qui peut se révéler être une catastrophe financière.

Toute la difficulté est là : si les assurés demandent massivement à récupérer leur argent, le système financier risque de passer un très mauvais moment.

Combien les assureurs ont-ils perdu ?

Les assureurs-vie sont-ils aujourd’hui totalement rincé par la crise obligataire ? C’est tout le problème, et c’est ici qu’il y a un débat délicat et difficile à mener, car les informations sont disparates.

Le Financial Times ne prend d’ailleurs pas parti sur ce sujet, alors que le quotidien est beaucoup plus “direct” sur les pertes des banques. La moins-value des assureurs est aujourd’hui un mystère, ce qui signifie, par les temps qui courent, un sujet de fantasme pour l’opinion publique. Il faut donc ici s’accommoder d’une incertitude inconfortable, qui rend toutes les hypothèses possibles.

En l’état, pour la seule France, le délégué général de France Assureurs répète simplement à l’envi que les assureurs français ont constitué suffisamment de provisions pour faire face au risque de remontée des taux. L’affirmation est sans surprise, et elle manque quand même de nouveauté. Chaque mois, la même phrase revient dans les communiqués, sans n’être assortie d’aucun chiffre probant. C’est un peu léger et, à l’usage, cela risque de ne pas être très convainquant.

La décollecte est une réalité

Pendant ce temps, l’assurance-vie subit une décollecte tout à fait prévisible. Alors que l’AFER rémunère son portefeuille à 2%, ce qui constitue à peu près l’étalon du marché, d’autres propositions d’épargne sont beaucoup plus rémunératrices.

Sans surprise, donc, l’attrait de l’assurance-vie diminue. Selon les chiffres de fin juillet 2023, depuis le début de l’année, les sorties sur les contrats d’assurance vie ont augmenté de 19 % par rapport à la même période en 2022 et les fonds en euros ont accusé une décollecte (les versements moins les sorties) de 17,8 milliards d’euros. La tendance se maintient en juillet avec un décollecte de 2,7 milliards d’euros.

Pour l’instant; la décollecte existe donc, mais elle n’a pas atteint des chiffres massifs. Prudents, les assureurs patientent, rassurent, font le dos rond, en brûlant un cierge chaque jour pour que ça dure sans trop de dégâts. Il n’en reste pas moins que la pente s’incline, et qu’elle est savonneuse.

Attendre la loi Sapin II ?

Les épargnants se souviennent que la loi Sapin II a pris des dispositions en cas de crise propre à l’assurance-vie. La loi permet en effet aux assureurs de bloquer les comptes pendant une période de six mois renouvelable. Autrement dit, si une crise survient et que le gouvernement déclare cette sorte d’urgence financière, votre assureur-vie peut légalement refuser de vous rendre votre argent pendant six mois.

Pour l’assureur, ce mécanisme lui permet de se sauver (provisoirement). Pour vous, c’est un peu plus compliqué. En cas de gros bouillon financier, vous mesurez intuitivement que vous pourriez avoir besoin de cet argent qui vous est de fait confisqué par votre assureur. Voilà qui suppose de bien mesurer le risque que vous prenez en laissant votre argent sur votre compte, surtout si vous avez passé le cap des huit ans de détention, et que vous ne risquez donc aucune défiscalisation majeure.

C’est ici que vous avez un cas de conscience à résoudre : soit vous récupérez votre argent maintenant, et vous risquez d’accroître un risque financier systémique. Soit vous laissez votre argent sur votre contrat… et vous prenez le risque de ne pas les récupérer de sitôt, même si vous en avez besoin.

A chacun de bien mesurer le problème.

Source :https://lecourrierdesstrateges.fr/2023/10/05/les-provisions-des-assureurs-vie-suffiront-elles-a-affronter-la-crise/

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