03 juillet 2023

Paroles de Macgregor

Une intervention du colonel Macgregor est d’un intérêt certain et constitue un acte politique en plus d’être de un acte de communication qui est son terrain d’action habituel. Macgregor est l’une des “vedettes”, aux USA, du champ d’action indépendant et alternatif de la communication (ce que Korybko nomme l’AMC, ou ‘Alt-Media Community’). Cela ne signifie nullement qu’il n’y a pas beaucoup d’autres intervenants de grande qualité, sinon de qualité au moins équivalente, mais nous parlons de la renommée médiatique permettant à ces gens de dépasser, en raison de la force de leur intervention, le champ du seul domaine de l’AMC : à côté de Macgregor, nous nommerons Scott Ritter et Larry S. Johnson.

Dans cette intervention du 30 juin sur la chaîne de podcast PBD, que nous avons vu citée par la première fois ce même 30 juin dans ‘What Does It Means’, puis repris hier dans ‘ZeroHedge.com’, Macgregor est conduit à la chose inhabituelle de parler assez longuement de la situation intérieure US. Il n’étonnera personne d’apprendre qu’il est extrêmement pessimiste, ce qui ne peut que nous conforter dans notre analyse générale. Mais il n’est pas seulement question d’une telle confirmation de notre analyse qui impliquerait également une satisfaction de pure vanité intellectuelle, que de la signification de ce qu’il dit, – dans le contenu certes, mais bien plus encore dans l’appréciation qu’on en peut avoir en fonction de la position qu’il a, de la sorte d’influence qu’il exerce, dans les milieux qu’il touche d’habitude, etc.

2024 est mort

Voyons d’abord ses pronostics pour l’élection présidentielle de 2024, – non pas ses résultats mais rien de moins que sa tenue. Il fait cette intervention après que son intervieweur, PBD ou Patrick Bet-David, lui ait présenté un scénario hypothétique et très complexe décrivant l’auto-élimination de Biden au dernier moment, et son remplacement comme candidat par le gouverneur de Californie, le démocrate Newsom qui est sans doute la personnalité démocrate la plus hyper-progressiste et super-wokeniste. Réponse de Macgregor :

« “Tout d'abord, je pense que c'est brillant. Et je pense que si nous vivions dans un monde linéaire, – en d'autres termes, lorsqu'un événement enchaîne logiquement sur le précédent, – vous auriez tout à fait raison”.

» “Mais”, prévient Macgregor, ”je ne pense pas que nous arriverons jamais à l'élection de 2024”. »

Là-dessus, et assez naturellement Macgregor enchaîne son premier passage sur la situation intérieure US.

« Je pense que nous n’aurons jamais une élection [présidentielle] en 2024. Je pense que tout va exploser à Washington avant. Je pense que nos conditions économiques sont très fragiles et que cela va nous précipiter dans une très vilaine situation. Je ne sais pas exactement comment cela va survenir mais nous nous retrouverons avec les banques fermées pour deux ou trois semaines et personne ne pouvant y entrer.

» Je pense que nous allons nous retrouver dans une situation de ce genre.

» Je pense également que les niveaux de violence et de criminalité dans nos villes sont si élevés qu'ils vont se répercuter dans d'autres secteurs de la société.

» Des gens qui pensaient normalement pouvoir vivre à l'écart de cette situation commencent maintenant à être touchés par elle. »

Macgregor enchaîne là-dessus sur son sujet favori, celui qui l’a rendu fameux, qui est l’Ukraine, sa crise et sa guerre, et surtout la situation de ce qu’est devenue l’Ukraine depuis la guerre. Il fait ainsi un parallèle particulièrement goûteux entre l’évolution de la situation ukrainienne déclenchée par le soutien et les pressions US, et la situation intérieure des USA.

« Ensuite, je regarde ce qui se passe en Ukraine.

» Je pense que l'Ukraine va perdre de façon catastrophique, – elle va s'effondrer complètement et cela aussi va avoir un effet chez nous parce que les gens vont dire, “Eh là, attendez une minute, on nous disait que l'Ukraine gagnait, on nous disait X, Y et Z !

» Je veux dire, cela va être sorte de bordel russe [des années 1990] sous stéroïdes.

» Tous ces éléments vont se combiner ou converger d'une manière ou d'une autre pour nous empêcher d'atteindre le statu quo ante... Vous savez, quand on dit “oh nous verrons à l’élection suivante”...“Oh, nous verrons lors de la prochaine campagne électorale”... Et ainsi de suite. »

On notera que c’est une occurrence qui nous attache notablement, – la correspondance finale entre les pays attaqués par les USA et la situation aux USA mêmes, – citant pour cela une ancienne intervention sur laquelle nous revenons souvent, d’un néo-sécessionniste du Vermont, parlant avec Chris Hedge et lui disant que les folles guerres extérieures de l’“Empire” seront une des causes possibles sinon probables de l’effondrement de l’Empire, – et il citait alors (avril 2010) une possible guerre avec l’Iran... Le raisonnement est similaire avec celui de Macgregor.

Un troisième parti ?

Reprenant la parole, PBD parle longuement à Macgregor de Robert F. Kennedy Jr. et lui dit son admiration pour la façon dont il a réussi à s’imposer malgré le terrible barrage (pire que contre Trump !) dont il a été l’objet dans la presseSystème et la résistance impitoyable opposée par le parti démocrate. PBD évoque alors l’hypothèse d’un parti indépendant que créerait RFK Jr. pour l’élection, pour devenir une sorte de Ross Perot 2.0 (qui eut 19% des voix en 1992), – mais un Ross Perot créant une dynamique de victoire ?

La réponse de Macgregor est caractéristique, parce qu’elle ne répond aucunement à la question mais saute aussitôt à l’hypothèse qui, manifestement, habite l’esprit de Macgregor.

« Eh bien, RFK a une qualité que Trump a également et c’est l’authenticité. Quand vous l’écoutez parler et que vous parlez avec lui comme je l’ai fait, il vous apparaît clairement qu’ils dit exactement ce qu’il pense. C’est une qualité qui a une énorme influence auprès des gens en Amérique.

» Idéalement, vous comprenez, j’aimerais voir ces deux gentlemen travailler ensemble à former un troisième parti. Je crois que cela peut être fait, qu’il est temps de le faire pour être à temps pour l’élection et que la tâche n’est pas insurmontable. Le problème est au-delà, devant nous, il est que le processus électoral est corrompu, complètement corrompu... »

La suite est une longue dissertation sur la question de la corruption, qui renvoie aussi bien à l’action des partis locaux et autres manigances qu’à l’obsolescence complète du système (votes conduits par État, système institué en 1787 parce que le nouvel État fédéral n’avait pas d’argent et s’était déchargé de la question des votes sur les États fonctionnant déjà, chacun avec ses règles spécifiques). Il n’y a donc aucun contrôle réel des votes, de l’identité des votants, aucune égalité dans le processus du vote, etc., à l’heure où l’ouverture des frontières voulue par l’administration Biden amène un flot totalement incontrôlé de “votants”.

Intérêts de l’intervention de Macgregor

Cette intervention est effectivement très intéressante à plusieurs égards, et cela sans préjuger des projets politiques, – étant admis que Macgregor est évidemment, avec les gens de sa catégorie, contre Biden, contre le système actuel avec les démocrates ultragauchistes et les vieux dinosaures-RINO républicains soutenant la politiqueSystème, pour Trump et RFK et leurs populistes antiguerres.

Note de PhG-Bis : « Cette caractéristique antiguerre (plutôt qu’“indifférent à la guerre” désormais) est bien réelle, et elle surprend PhG. Il y a un exemple remarquable qu’on retrouve au tout début d’une vidéo de Christoforou, le 2 juillet. L’incroyable tohu-bohu, les huées qui accueillent Lindsey Graham, neocon-maximaliste mais aussi partisan affirmé de Trump, – ah, variations charmantes de la politique, – au cours d’un meeting de Trump en Virginie du Sud (Lindsay est le sénateur de cet État). L’intensité tonitruante de l’hostilité des trumpistes-populistes à Graham à cause de ses positions pro-Zelenski est absolument remarquable et montre que le sentiment antiguerre passe de l’indifférence à l’opposition affirmée. C’est important autant que c’est surprenant, constate PhG. »

On tente ici de synthétiser les caractères importants que révèle l’intervention de Macgregor.

• Son instantanéité à passer aux rapports RFK-Trump sur une question concernant le seul RFK nous fait penser qu’il travaille activement à une telle combinaison, – que, d’une façon générale l’on en parle beaucoup, y compris peut-être entre les deux intéressés. Cette hypothèse de l’implication de Macgregor s’appuie sur des bruits qui courent selon lesquels Macgregor serait le conseiller de sécurité nationale d’un président Trump 2.0 si Trump était élu.

• Ce point nous fait enchaîner sur le second : le constat qu’un spécialiste des matières militaires, qui a construit sa notoriété sur le commentaire du conflit ukrainien, commencerait à jouer un rôle actif dans le processus politique actuel, notamment pour tenter de prendre en main les postes de la direction de la sécurité nationale jusqu’ici détenus par des neocon ou des vieux chevaux de retour du Système qui appliquent eux aussi la politiqueSystème.

• Cette évolution de Macgregor devrait s’inscrire dans une évolution générale des commentateurs antiSystème d’‘Ukrisis’, – des gens comme Ritter, Johnson, etc. Dès lors on peut observer qu’il existerait un groupe (un “vivier” dit-on dans les salons) de spécialistes opposés à la politiqueSystème, et prêts à prendre les postes de direction. Il s’agirait alors de la possibilité qu’il y ait une véritable orientation permettant de lancer une attaque contre le complexe militaro-industriel, le Système etc. Que ce soit Trump ou RFK, on se rappellera que le précédent Trump-2016 a complètement échoué à cause 1) de l’inexpérience des hommes publics disponibles de la part de Trump, et 2) de l’absence d’un groupe équivalent à celui qui s’est formé dans le travail impressionnant réalisé contre l’engagement US en Ukraine, et contre la politiqueSystème aboutissant à l’Ukraine.

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