Dès samedi, les Québécois pourront de nouveau partager le micro dans les bars pour entonner leur air nostalgique préféré et n’auront plus à présenter leur passeport vaccinal en entrant au cinéma. Pourtant, malgré le discours rassurant des autorités sanitaires sur l’efficacité de la dose de rappel, ce sont les triples vaccinés qui sont les plus hospitalisés au Québec depuis plus d’un mois.
Au Québec, sur les 35 personnes atteintes de la COVID dont l’hospitalisation a été comptabilisée lundi, 24 avaient reçu une dose de rappel, et 7 n’étaient pas vaccinées. Cette tendance s’observe d’ailleurs aussi chez les cas d’infection.
Moins d’un mois après l’administration de la majorité des troisièmes doses, est-ce le signe que la dose de rappel ne confère déjà plus la protection espérée ? La réponse simple, c’est non. L’explication derrière est toutefois assez complexe.
D’abord, la campagne de vaccination pour cette troisième dose a commencé au début de l’automne dernier pour les personnes à risque, notamment les personnes âgées. À la mi-février, soit le moment où les triples vaccinés ont commencé à surpasser le nombre de non-vaccinés dans les hôpitaux, il s’était donc déjà écoulé environ quatre mois depuis l’administration des doses de rappel à ces patients plus vulnérables.
Or, la protection conférée par l’infection et le vaccin semble diminuer avec le temps. « Sur une durée de quatre mois, on sait que l’efficacité se maintient mieux pour les problèmes sérieux, explique Nicholas Brousseau, médecin-conseil à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et président du Comité sur l’immunisation du Québec. Mais pour la prévention de l’infection, même une COVID très légère qui ressemble à un rhume, la durée d’efficacité de la dose de rappel semble en effet diminuer plus rapidement. »
La différence du variant Omicron par rapport au virus d’origine est également substantielle, remarque Benoit Barbeau, professeur de sciences biologiques à l’Université du Québec à Montréal. « On sait très bien que la dose de rappel nous offre une protection, mais elle diminue plus rapidement face à Omicron qu’avec le variant Delta. Non seulement le virus est plus infectieux, mais en plus, la formulation vaccinale de la dose de rappel était surtout adaptée au virus d’origine. »
Une étude de l’INSPQ publiée à la mi-février évalue l’efficacité de la troisième dose à 90 % pour les formes plus graves de la maladie, contre 80 % pour deux doses de vaccin.
Un risque à géométrie variable
Au-delà de l’efficacité qui diminue dans le temps, la question de l’âge est centrale pour expliquer le changement de cap dans la composition des hospitalisations depuis le début de l’année. « Les personnes âgées sont celles qui sont le plus à risque d’être hospitalisées, point. Mais en plus, une fois qu’elles ont contracté la COVID-19, les risques de complications sont plus élevés », souligne Benoit Barbeau.
C’est pour cette raison qu’il est pertinent d’observer les hospitalisations selon l’âge : lundi dernier, on comptait 238 personnes de moins de 60 ans hospitalisées pour la COVID-19 au Québec, contre 1014 de 60 ans et plus, soit 81 %.
Les personnes âgées se perçoivent, à juste titre, comme étant plus à risque, ce qui explique que c’est la tranche de la population la plus encline à aller chercher une troisième dose de vaccin. En date du 7 mars, 85 % des adultes de 60 ans et plus avaient relevé la manche pour une troisième fois, contre une moyenne de 55 % chez les adultes québécois.
Les personnes les plus vulnérables, donc celles qui se retrouvent en plus grand nombre dans les hôpitaux, sont ainsi celles qui sont le plus largement vaccinées, ce qui crée une distorsion, selon Nicholas Brousseau.
La réaction des personnes âgées à la dose de rappel est elle aussi différente : elle est moins forte, donc moins efficace, que chez un adulte plus jeune, explique le médecin-conseil de l’INSPQ. « Les personnes âgées vont revenir plus rapidement à un seuil où elles sont plus sujettes à être infectées et plus tard à être hospitalisées. C’est pour ça qu’on entend déjà parler de deuxième dose de rappel. »
Des pays comme Israël, le Chili, l’Espagne, le Danemark et la Suède proposent la quatrième dose à certains groupes à risque. Au Québec, elle n’est offerte qu’aux personnes immunosupprimées.
Même si une réflexion est en cours, Nicholas Brousseau affirme qu’il n’est pas question pour l’instant d’étendre la quatrième dose à un plus large public compte tenu de l’efficacité de la troisième dose contre les complications de la COVID-19.
Une question de proportions
Même si elles montrent une nouvelle tendance qui émerge, les données des hospitalisations en chiffres absolus ne reflètent pas la proportion de chaque groupe dans la population. « On voit quand même que les deux courbes se rapprochent, note Benoit Barbeau, mais il reste que les non-vaccinés sont les gens qui sont les plus sujets à être hospitalisés. »
Ainsi, par rapport à leur poids démographique, ce sont toujours les non-vaccinés qui connaissent le plus d’hospitalisations, avec un taux de 0,9 par 100 000 personnes le 7 mars. Parmi les triples vaccinés, on compte plutôt 0,6 hospitalisation pour 100 000 personnes.
« Si 100 % des Québécois étaient vaccinés, eh bien 100 % des gens qui seraient hospitalisés seraient vaccinés. Est-ce qu’on devrait conclure pour autant que les vaccins ne sont pas efficaces ? Bien sûr que non », lance Benoit Barbeau.
« On n’est pas à l’abri d’une sixième vague »
La question de la durée de la protection offerte par les vaccins contre la COVID-19 reste pertinente, puisque le gouvernement compte, au « plus tard à la mi-avril », retirer l’obligation de porter le masque dans les lieux publics (hormis dans les transports collectifs), l’une des dernières étapes du déconfinement, selon le gouvernement.
Même si les deux experts jugent que le moment est opportun pour l’abandon des mesures sanitaires, ils estiment qu’il est assez probable que la province voit une augmentation des cas et des hospitalisations, à la lumière des nouvelles données révélées par Le Devoir.
« Que ça soit d’enlever les masques ou d’augmenter le nombre de personnes qui sont permises dans un lieu, c’est sûr que les risques de transmission, d’infection et même de réinfection sont plus élevés », admet Benoit Barbeau.
Mais la clé est encore et toujours la même, selon Nicholas Brousseau : « y aller le plus progressivement possible, trouver un équilibre entre retrouver une vie normale et déconfiner trop rapidement, puis rester à l’affût, parce qu’on n’est pas à l’abri d’une sixième vague ».
Le médecin-conseil de l’INSPQ rappelle toutefois que la vague Omicron est survenue en plein hiver, alors que familles et amis se rassemblaient à l’intérieur, bien à l’abri de la neige, pour célébrer Noël. « Cette fois-ci, on n’offrira pas de si bonnes conditions au virus pour se transmettre. Les gens vont surtout être à l’extérieur. »
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