Devant la perspective d’un recul de leur influence, certaines familles de pensée que nous appellerons, par charité, progressistes ont trouvé une méthode : inoculer à leurs adversaires, comme dans Alien, le germe de leur renaissance éternelle. Quand on voit les efforts déployés par le libéralisme de gauche, en ce moment, pour secréter des simulacres d’opposition et pour inoculer, en face, son tiers-mondisme béat, son désarmement, son hédonisme social à crédit, on est stupéfait devant l’imagination de la nature. On se rappelle ces schémas, en cours de biologie, qui montraient les métamorphoses de la tique ou du ténia, lesquels avaient besoin de plusieurs organismes à parasiter pour accomplir leur cycle. Eh bien là, c’est pareil.
Prenons un exemple, pas vraiment au hasard : celui de Natacha Polony. Elle inaugure cette semaine une série de conférences à Paris sous le titre « Nous sommes la France » avec le patronage d’un journal qui la hisse en première page et dont le soutien n’est pas non plus un hasard comme on s’en doute : il s’agit de réaliser une OPA sur la faveur dont jouit la droite « forte », la plus dangereuse en ce moment, afin de lui désigner des objets contrôlables, des leurres, avant qu’il ne soit trop tard. En somme c’est du Endémol politique. On fabrique une vedette à coups de matraque, on lui inflige un répertoire passe-partout, on la promeut pour en tirer bénéfice, on lui fait faire un disque et une tournée. Accessoirement, on prétend défendre la liberté et la démocratie là où on les étrangle. En témoigne, cet affligeant comité Orwell, fondé par notre Jeanne Mas de la philosophie, avec des journalistes qu’elle prétend soucieux de pluralisme, et qui est censé réconcilier le peuple avec ses médias. Le seul ennui est que les membres de ce « collectif » se trouvent justement au cœur de la fournaise de l’entre-soi le plus féroce, de la pensée la plus contrôlée, et donnent des gages au camp adverse en commençant leurs phrases par « je sais que je vais passer pour réac, mais ». On attend avec impatience le témoignage d’une indépendance d’esprit qui ne multiplie pas ce genre de précautions liminaires pour amadouer les démocrates à la Manuel Valls. On attend de voir admettre au bercail de la pensée ceux qui gagnent le SMIC ou ceux qui ne gagnent rien, mais qui ont lu Tocqueville, Péguy, Jünger et Raspail.
Adoubée par la télévision la plus idéologiquement corrompue d’Europe, celle d’où le direct a été banni il y a vingt ans sur un coup de fil, mais qui est seule capable de fabriquer une notoriété nationale, Natacha Polony incarne une image extrêmement docile, blafarde et convenue de la pensée de droite. Elle insiste sur la transmission du savoir et de l’autorité. C’est exactement ce que faisaient ses aînés, en pure perte, depuis une génération, et c’est en quoi elle rejoint à peu près Daniel Pennac. Comme audace, on a déjà vu mieux. On lui passe ses rares foucades sur les plateaux. Elle consent à s’habiller cuir et à tutoyer le show-biz. En somme, « pour une réac elle est super sympa », comme Tillinac, mais en mieux gaulée. Le journal qui l’emploie extrait les quatre idées qu’elle professe pour les monter en neige, sans s’aviser que ses éditorialistes les professaient déjà du temps de Robert Hersant. Dernière étape, la tournée Starac de la pensée, à 20 euros la soirée. Ça commence salle Gaveau le 12 novembre, sous le titre « Nous sommes la France ». De qui se moque-t-on ? De ceux qui gagnent, en un mois, le tiers du prix de son blouson.
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