Les grands esprits de realpolitik peinent à trouver l’intérêt de cette provocation gratuite, à moins de deux mois avant le début du spectacle, le 4 février 2022 au Nid d’oiseau à Pékin.
Selon l’argument de la Maison Blanche, « l’administration Biden n’enverra aucune représentation diplomatique ou officielle aux Jeux olympiques et paralympiques d’hiver de 2022 à Pékin, compte tenu du génocide et des crimes contre l’humanité en cours au Xinjiang et autres violations des droits de l’homme par la RPC. »
Pour commencer, personne parmi les collaborateurs de Joe Biden au sein de l’administration, ou tout autre fonctionnaire, n’a été invité. Le porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères, Zhao Lijian, a fait remarquer que les États-Unis « faisaient l’apologie d’un « boycott diplomatique » sans même avoir été invités aux Jeux ».
Zhao a également souligné que les Jeux ne sont pas « une estrade pour des prises de position politiques », et a ajouté que cette « provocation politique flagrante » constitue « un grave affront au peuple chinois, qui compte 1,4 milliard de personnes ». Il a laissé planer l’éventualité de « contre-mesures résolues ».
Ce que cela implique, c’est que le récent sommet virtuel entre Xi et Biden est également en suspens alors que les chefs d’États y avaient plaidé pour une entente cordiale plus diplomatique. Comme on pouvait s’y attendre, les politiciens de Washington qui l’ont emporté sont ceux qui sont obsédés par la diabolisation de Pékin en utilisant l’éternel prétexte des droits de l’homme.
La palme revient au sénateur démocrate américano-polonais Tom Malinowski, du New Jersey, vice-président de la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants.
Malinowski n’est pas étranger aux affaires louches. Le 21 octobre 2021, la commission d’éthique de la Chambre des représentants publiait un rapport confirmant qu’il n’avait pas correctement déclaré ses transactions boursières depuis le début de l’année 2020, puisqu’il a acheté ou vendu pour un million de dollars d’actions dans des sociétés médicales et technologiques qui avaient un intérêt dans la réponse au Covid-19. Ces transactions n’étaient en fait qu’une partie d’une série d’achats et de ventes d’actions d’une valeur de 3,2 millions de dollars.
Tout au long de l’année 2021, alors que de multiples plaintes et une enquête pour violation de l’éthique s’accumulaient, Malinowski a été contraint d’ordonner à son conseiller financier de cesser ses manigances boursières et a annoncé qu’il mettait en place un blind trust pour gérer ses actifs.
Pourtant, le principal domaine d’activité de Malinowski est en fait la diabolisation de la Chine.
En juin, Malinowski, aux côtés de Mike Gallagher (R-WI), Gregory Meeks (D-NY) et Michael McCaul (R-TX), a été le principal artisan d’une résolution exhortant le Comité international olympique (CIO) à déplacer les Jeux de 2022 « loin de Pékin », à moins que le gouvernement de la RPC ne mette fin aux « crimes en cours contre le peuple ouïghour ». Les Américains ont été soutenus par les législateurs de neuf nations européennes, ainsi que par le Parlement européen.
À l’époque, Malinowski avait déclaré : « Il n’existe pas de jeux apolitiques – des dictatures comme la Chine accueillent les Jeux olympiques pour valider leur standing… même si elles continuent à commettre des crimes contre leur peuple. »
Malinowski est très proche de la Présidente de la Chambre des Représentants Nancy Pelosi, qui est une fervente pro-boycott. Cette directive vient donc du sommet de la direction démocrate : l’imprimatur de la Maison Blanche n’était qu’une formalité.
L’auteur du « génocide »
Si l’on considère que la révolution de couleur à Hong Kong s’est soldée par un échec total, les droits de l’homme au Xinjiang restent un prétexte/une cible prévisible, au même titre que l’« invasion » imminente de Taïwan.
L’exposé le mieux contextualisé de la situation réelle au Xinjiang se trouve ici. Le sophisme du « génocide » a été complètement démystifié par une analyse indépendante approfondie, comme ici et ici. La Maison Blanche régurgite essentiellement l’« analyse » d’un fou religieux d’extrême droite, d’abord soutenue par Mike « nous trichons, nous mentons, nous volons » Pompeo. Vous parliez de la continuité du gouvernement ?
Pendant la guerre froide, les Jeux olympiques étaient déjà devenus l’otage de boycotts diplomatiques. En 1980, les États-Unis, sous la présidence de Jimmy Carter, ont boycotté les Jeux olympiques de Moscou, comme 64 autres nations, pour protester contre l’invasion soviétique de l’Afghanistan. L’URSS, de son côté, avec les pays placés derrière le rideau de fer, ont boycotté les jeux de 1984 à Los Angeles.
Ce qui se passe aujourd’hui s’inscrit dans le cadre de la guerre froide 2.0 et de la diabolisation de la Chine dans tous les domaines, principalement par le biais de tactiques de guerre hybride.
Le Xinjiang est une cible de choix, non pas à cause des Ouïghours, mais parce qu’il s’agit d’un lien stratégique entre la Chine occidentale et les corridors de l’initiative des Nouvelles route de la soie qui traversent l’Asie centrale, l’Asie du Sud et l’Asie occidentale jusqu’à l’Europe. Ces routes, qui sont la pièce maîtresse du concept de politique étrangère chinoise dans le proche avenir, sont un anathème absolu pour Washington.
Le fait que les États-Unis aient mis en scène d’innombrables, coûteuses et dévastatrices déclinaisons de l’impérialisme humanitaire en terres musulmanes, directement et indirectement, en Afghanistan, en Irak, en Libye, en Syrie, au Yémen et au-delà, mais que maintenant, soudainement, ils pleurent sur le sort des musulmans ouïghours au Xinjiang, parle de lui-même.
Les groupes de défense des « droits humains », à peine déguisés et visiblement des façades de propagande de la CIA, n’ont cessé, comme on pouvait s’y attendre, d’exhorter la « communauté internationale », un euphémisme pour l’OTAN, à boycotter les Jeux olympiques de Pékin. Ces groupes n’ont que peu d’importance. Les gouvernements en ont plus.
Vingt nations ont refusé de signer la trêve olympique avec la Chine. Cette tradition, qui trouve son origine dans la Grèce antique, permet de s’assurer que les bouleversements politiques n’interfèrent pas avec le sport. La justification, occidentale, d’une énième provocation : nous « envoyons un message » à Pékin.
Au Royaume-Uni, le leader des Communes, Jacob Rees-Mogg, a récemment fait remarquer qu’« aucun billet n’a été réservé » pour les Jeux olympiques. Le Foreign Office a déclaré en début de semaine qu’« aucune décision n’a encore été prise » concernant l’envoi d’officiels à Pékin.
La France se « coordonnera » avec les autres membres de l’UE, même si l’Élysée a souligné que « lorsque nous sommes inquiets pour les droits de l’homme, nous le disons aux Chinois… Nous avons adopté des sanctions sur le Xinjiang en mars dernier. » [la France vient d’annoncer qu’elle y participerait, NdT] C’était une référence aux États-Unis, au Royaume-Uni, à l’UE, au Canada et à quelques autres alliés qui ont sanctionné certains responsables chinois pour les flagrantes infox que la Maison Blanche décrit officiellement comme un « génocide ».
Ainsi, toute adhésion à la directive de la Maison Blanche en février prochain viendra essentiellement des membres de l’OTAN et bien sûr de l’AUKUS. En revanche, en Asie et dans le Sud, personne ne s’en soucie. Le porte-parole du ministère sud-coréen des Affaires étrangères, Choi Yong-sam, a par exemple souligné que la Corée du Sud soutenait les Jeux olympiques.
Le président Poutine a quant à lui accepté une invitation personnelle de Xi Jinping, et il sera présent à l’inauguration.
Des mesures de contrôle Covid-19 extrêmement strictes seront appliquées pendant les Jeux olympiques, de sorte que pour les organisateurs, un nombre moins élevé d’invités officiels occidentaux arrivant par avion, en termes de coûts, est en fait un avantage.
Au final, que restera-t-il de cette crise d’hystérie ? Elon Musk a peut-être mis le doigt dessus cette semaine, lors d’un sommet du Conseil des PDG, lorsqu’il a fait remarquer que l’économie chinoise pourrait bientôt être deux ou trois fois plus importante que l’économie américaine. Cela fait mal. Et ce n’est pas un boycott qui résoudra ce problème.
Pepe Escobar
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone
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