La colère des " gilets jaunes " a surpris par son ampleur. Il est indispensable d'analyser les origines de cette crise : comme l'a montré une étude récente de l'OFCE, publiée par l'Insee, le niveau de vie a baissé depuis 2008 pour quasiment l'ensemble des catégories sociales, la perte moyenne se chiffrant à 440 euros par ménage entre 2008 et 2016. Depuis 1945, jamais les ménages n'avaient connu une telle rupture dans leur niveau de vie. Au cours des vingt années précédant la crise de 2008, l'accroissement du pouvoir d'achat par ménage a atteint en moyenne 450 euros par an, malgré la récession de 1993 et la crise financière consécutive à l'éclatement de bulle Internet du début des années 2000. Comment expliquer un tel retournement ?
D’abord, la crise de 2008 et ses répercussions sur le marché du travail en expliquent une part, principalement pour les bas revenus : hausse du chômage, précarisation de l’emploi, forte modération salariale et quasi-stagnation du smic réel. Ensuite, avec l’accroissement de la part des retraités et des familles monoparentales dans la population, la baisse du niveau de vie par ménage a été renforcée. Enfin, la grande récession a laissé des traces profondes sur les finances publiques, le déficit passant de 2,6 % du PIB en 2007 à plus de 7 % en 2009.
Hausse des prélèvements sur les ménages
Or, le redressement à partir de 2011 est passé principalement par une hausse des prélèvements sur les ménages. Même si les mesures socio-fiscales de la période 2008-2016 ont permis de contenir la hausse des inégalités, elles ont amputé le pouvoir d’achat par ménage de 500 euros en moyenne, 67 % des ménages subissant plus de hausse de prélèvements que d’augmentation de prestations. Le fait qu’une grande partie des hausses d’impôts et de taxes payés par les ménages ait servi à combler les déficits et à financer la compétitivité des entreprises, et non pas à augmenter les services publics ou les prestations, peut être à l’origine de la problématique actuelle du consentement à l’impôt.
Après une décennie de crise, les choix budgétaires du début de quinquennat, privilégiant la baisse de la fiscalité du patrimoine - qui profite aux plus fortunés - couplée, pour des raisons budgétaires, au fait d’inscrire les hausses d’impôts (CSG, taxe carbone) en début d’année et les baisses (taxe d’habitation, cotisations salariés) en fin d’année ont certainement été les gouttes de trop. Depuis, le président a rectifié le tir, avec un geste fiscal de plus de 10 milliards d’euros en direction des ménages pour 2019. Un tel effort en direction des classes moyennes et modestes n’avait pas eu lieu depuis plus d’une décennie. Serace suffisant pour apaiser cette colère héritée d’années de crise ?
Mathieu Plane, économiste à l'OFCE
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.