“Voici notre témoignage sur ce que nous avons vécu au CHU de Pointe-à-Pitre, et surtout sur la situation dangereuse de l’hôpital pour les patients et le personnel.
Il est minuit le 24 décembre quand nous finissons le repas de Noël et que Sarah commence à ressentir une douleur au niveau du bas ventre. Elle part ensuite s’allonger, elle ne se sent pas bien. Une demi-heure plus tard, elle commence à gémir de douleur. Elle est blanche, tremblante avec 39° de fièvre. Je lui demande si elle veux que j’appelle les pompiers, elle me répond oui. Le calvaire commence.
00h30 : J’appelle les pompiers, je tombe sur une personne à qui j’explique la situation, elle passe les trois premières minutes à me demander où est-ce que l’on se situe, alors que je lui donne le nom de la rue et de la ville.
Elle me demande ensuite le nom de la pharmacie, de l’église que je ne connais pas, sans prendre aucune information sur Sarah. Elle finit par nous passer une personne du SAMU qui nous pose quelques questions, puis ensuite un médecin du SAMU, qui finit par me demander si je peux l’emmener directement aux urgences par moi-même car cela sera plus rapide que s’ils m’envoie les pompiers... j’hallucine !
Il m’indique les urgences du CHU de Pointe-à-Pitre. Nous partons donc vers le CHU, et la route fait souffrir Sarah.
Arrivés aux urgences, je vais demander un fauteuil ou un brancard pour pouvoir la transporter car elle n’arrive pas à marcher et la voiture est assez loin. On me répond qu’il n’y en a plus. Je décide donc de repartir la chercher. Pendant que je la porte pour aller aux urgences, on passe devant 6 à 8 pompiers qui attendent devant les urgences les bras croisés, pas un seul ne vient m’aider.
Nous arrivons dans la salle des urgences, l’apocalypse.
Je demande à un infirmier qui passe entre les patients ce que l’on doit faire, il jette un œil à Sarah et nous dit que pour le ventre il faut aller à la polyclinique... irréel !
Nous partons donc vers la polyclinique, avec les mêmes pompiers qui nous regardent passer.
On arrive dans une polyclinique déserte, avec 4 infirmiers dans un bureau et 2 box, j’emmène donc Sarah et je leur demande de la prendre en charge. Ils lui posent une perfusion, envoient les analyses sanguines et urinaire, et lui font une écho. L’interne qui est arrivé nous indique que c’est une appendicite, et nous dit également qu’il va falloir retourner finalement au CHU. Après négociation, Ils trouvent enfin une ambulance pour la transférer.
3h30 : De retour aux urgences, on dirait une scène de guerre, les pompiers font la queue pour entrer dans les urgences parfois pendant plusieurs heures, il a des dizaines de blessés partout, sur des brancards, ou à même le sol. Beaucoup d’accidentés de moto sans casque avec de gros dégâts au niveau du visage, de nombreuses plaies et fractures. L’hélicoptère fait des allers-retours incessants avec l’hôpital. Les patients sont tous dans la même salle, sans aucune séparation. Il peut donc y avoir des projections de sang entre 2 patients qui n’ont même pas été vu par un médecin...
On assiste à un accrochage entre le médecin qui dit à un infirmier qu’il ne peut pas faire le médecin, l’infirmier et le brancardier en même temps.
Des personnes en déchocage arrivent avec leur famille en voiture car les pompiers ne venaient pas les chercher. Une infirmière fait la circulation sur le parking pour organiser le flux de voitures et de pompiers. C’est le chaos total. Le personnel soignant tente comme il peut de faire ce qu’il peut avec le peu de moyens dont il dispose. Pas de pieds à perfusion, ni brancard, un seul scop cardiaque. Il n’y a pas non plus de bio-nettoyage des brancards entre 2 patients alors qu’il y a du sang partout.
Pour nous commence l’attente, l’attente, l’attente, l’attente.
8h00 : un agent de sécurité me demande de sortir et décide que maintenant une personne peux venir 2 minutes toutes les heures. Je sors donc furieux de la salle et décide d’appeler une clinique sur les conseils d’un ami local pour leur demander un transfert. J’échange avec le cadre de la clinique, qui m’indique qu’il souhaite avoir le rapport du médecin urgentiste de l’hôpital avant, mais que de toute façon il n’a pas de chirurgien disponible pour Noël.
8h30 : Je fume une cigarette avec le médecin urgentiste au bout du rouleau, qui me dit qu’il est là depuis 16h hier, soit 16h de travail. Qu’il est seul à assurer l’accueil des urgences, et que la relève qui était prévue ne vient pas. Il me confie qu’il travaille ici depuis 10 ans et qu’il a posé sa démission pour mars car ce n’est plus gérable. Et aussi que les prélèvements sanguins de Sarah ont été mal faits et qu’il doit en renvoyer au labo avant qu’elle puisse avoir une consultation.
Nous attendons donc comme ça jusqu’à 14h, entre les fuites d’eau du plafond dans la salle des urgences, et les flaques de sang à quelques mètres de patients allongés sur le sol.
14h : Sarah voit enfin un médecin qui nous indique qu’elle va partir immédiatement au scanner...
15h : scanner
18h : Après, avoir passé 3h à attendre les résultats du scanner, sans n’avoir jamais vu personne, je décide d’aller chercher le médecin. Je finis par la trouver dans son bureau en train d’ausculter un patient la porte ouverte, je lui demande le résultat du scanner et elle me répond qu’ils n’ont rien vu au scanner, avant de partir. J’insiste en demandant la suite, et elle me dit qu’elle va appeler le chirurgien viscéral car ce n’est pas du tout son domaine, "qu’elle n’est pas une spécialiste". 30 minutes plus tard, le chirurgien nous explique qu’il ne voit rien au scanner, et qu’il hésite entre une bactérie urinaire, l’appendicite ou une inflammation des trompes de l’utérus. Il nous indique que Sarah va être hospitalisée et qu’ils réévalueront son cas le lendemain. Il est 18h30 soit 18h après avoir appelé les pompiers.
Le lendemain matin, les douleurs se réveillent et le chirurgien décide de l’opérer cette fois-ci. Il lui enlève l’appendice en coelioscopie. Après l’opération, le brancardier lui demande de passer du brancard au lit sans potence, mais elle n’y parvient pas car cela lui fait trop mal. Il lui dit alors "il y a plus grave que ça dans la vie, allez y !" Alors qu’elle commence à pleurer, les autres patientes lui ordonnent d’aller chercher une planche pour faire le transfert, il s’exécute.
Elle est donc dans une chambre de 4 personnes sans aucune séparation, sans douche ni WC, sans télévision. Un seul lavabo en guise de point d’eau. Heureusement que les voisines sont adorables… A son retour de bloc, l’infirmière me demande si je peux apporter des Doliprane de la maison car l’hôpital est peut-être en rupture.
Les pompiers m’ont avoué voir régulièrement les patients mourirs sur les brancards dans la file d’attente des urgences sur le trottoir, alors qu’ils auraient pu être sauvés. Morts par faute de soins.
Le circuit pour aller au bloc passe par les urgences, dans des ascenseurs où les civils rentrent, toussent sur vous, touchent le brancard, avant de rentrer dans la salle opératoire. Le bloc est donc contaminé. Et en sachant que les chemises de bloc pour les patients sont transparentes...
L’hôpital ressemble à un hôpital abandonné. La moitié de l’hôpital a été incendié il y a un an et rien n’a été fait. Une des voisines de chambre de Sarah à été oubliée par l’hôpital car les unités de l’hôpital sont délocalisées, ils ont pensé qu’elle était sortie. Le personnel soignant donne tout ce qu’il peut pour faire au mieux. Même si l’on sent une lassitude et un épuisement effrayant en eux.
Je n’ai pas tout photographié par respect pour les personnes.
Nous souhaitons apporter notre témoignage pour que les choses changent, car en France métropolitaine même les cliniques vétérinaires sont en bien meilleur état que ça, et les animaux mieux traité que ça. C’est indigne de la France.”
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