En vérité et pour parler crûment, l’enquête est lancée, par un ministère de l’administration Trump, à l’encontre du président Trump, pour mettre à jour d’éventuelles connivences entre Trump et les Russes et lancer une procédure de mise en accusation du président. Ainsi va la logique. Le procureur spécial qui mène cette enquête est Robert Mueller, ancien directeur du FBI, dont l’impartialité dans le cas est largement compromise par divers avatars et par sa proximité des démocrates. L’enquête vient d’aboutir, le mois dernier, à un premier acte avec l’inculpation de deux personnes qu’on pourrait dire “de l’entourage de Trump”, pour des actes sans rapport avec la situation politique de Trump, et avec l’Ukraine et nullement avec la Russie. Pourtant, pour les démocrates la chose a été saluée comme le commencement de la fin pour Trump.
Eric Zuesse analyse longuement cette démarche du point de vue juridique. Dans ce pays entièrement bâti sur la loi qu’est les USA, qui se veulent l’“État de droit” par excellence, cette enquête et l’inculpation qui en résulte jusqu’ici, et l’interprétation qu’on en fait, constituent une véritable “horreur juridique“. L’effondrement dont nous parlons si souvent affecte tous les aspects de la vie publique, de la vie professionnelle et de la vie psychologique aux USA.
(On comparera le niveau juridique de la démarche, avec un acte d’accusation cité ici qui comprend l’incroyable erreur de désigner Ioulia Timochenko comme ayant été présidente de l’Ukraine, avec l’aspect juridique du scandale du Watergate auquel toute cette salade est souvent comparée. On mesure la hauteur et la brutalité de la chute, l’inculture des esprits et la corruption des psychologies.)
La confusion et l’évasion dans le déterminisme-narrativiste sont tels aux USA que tous les engagements politiques et idéologiques en sont pulvérisés. Zuesse est loin d’être un partisan de Trump puisqu’il en est même un adversaire naturel et déterminé (il avait soutenu Sanders). Mais la duplicité et la médiocrité immonde des démocrates le conduisent à se faire défenseur bien contre son gré de Trump, et à pronostiquer éventuellement « une réélection stupéfiante [de Trump], comme la moins dégoûtante des options présidentielles, parmi lesquelles l’électorat américain sera autorisé à choisir en 2020. »
Ci-dessous, le texte de Zuesse paru notamment sur le Washington’s Blog et le site Strategic-Culture.org le 5 novembre 2017. La traduction est due à nous amis du Sakerfrancophone.
dde.org
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Trump était-il si honnête que ça ?
Après toutes les sonneries de trompette contre Donald Trump embouchées par les médias dits d’informations, par tous les politiciens démocrates et par beaucoup de politiciens républicains, au sujet de son manque total de crédibilité ; et après les tonnes d’exposés qui ont été publiés, pendant des décennies, documentant les comportements psychopathiques de Trump et ses escroqueries commerciales ; qu’est-ce que nous avons maintenant de plus à ajouter à ce palmarès peu recommandable, sinon criminel, de M. Trump, dans le premier acte d’accusation criminelle, publié le 27 octobre, par le procureur spécial, Robert Mueller ? Celui-ci est chargé de clouer Trump dans une cellule de prison pour crimes commis pendant sa campagne présidentielle, après que ce dernier a déjà accumulé durant toute sa vie un tel monceau d’outrages allégués – et même, pour certains, documentés.
Les actes d’accusation à l’encontre de Paul Manafort II et de Richard W. Gates, III, contiennent de graves incriminations contre ces deux hommes, pour leur blanchiment supposé de $75 millions de revenus, principalement Manafort, au cours de la période allant de 2006 à 2015. Les charges sont essentiellement l’évasion fiscale et « une série de déclarations fausses et trompeuses » au Département américain de la Justice, concernant l’activité de ces hommes, pendant et après la campagne présidentielle de Trump.
Ces revenus blanchis provenaient, entre 2006 et 2015, de ce qui était alors le principal parti politique en Ukraine, et le paragraphe 10 de l’Acte d’accusation stipule que ce parti, le Parti des régions, « était un parti politique pro-russe en Ukraine ». Est-ce légalement pertinent ? Est-il criminel en Amérique, pour un politicien dans une nation qui borde la Russie, d’être « pro-russe » ? (Devrait-il être criminel en Russie pour un politicien d’une nation qui borde l’Amérique d’être pro-américain ?) Il n’était pas criminel dans ce pays voisin de la Russie, l’Ukraine, d’être pro-russe, mais est-ce criminel en Amérique ? Existe-t-il une base juridique pour que les États-Unis, entre 2005 et 2014, date à laquelle un coup d’État américain a renversé ce Parti politique ukrainien, interdisent rétrospectivement ce parti, après avoir remplacé son gouvernement par celui d’un parti d’extrême-droite, dirigé par Ioulia Timochenko, et deux partis racistes, fascistes, ou idéologiquement nazis – le Secteur droit, et l’ancien Parti national socialiste d’Ukraine – ces trois partis haïssant férocement les Russes ?
Le Parti des Régions a gagné les dernières élections démocratiques en Ukraine en 2010, au cours desquelles les habitants de toutes les régions du pays ont voté pour ou contre les candidats au poste de président ukrainien. Le nom Parti des Régions signifiait qu’il acceptait, comme faisant partie de l’Ukraine, des résidents de toutes les régions, n’en discriminait aucune, et n’empêchait personne de voter pour le choix du président, ni pour d’autres bureaux électifs nationaux. Qu’est-ce qui était illégal là-dedans, quel que soit le pays – même aux États-Unis ? Si rien n’était illégal, alors pourquoi Mueller le mentionne-t-il ? Uniquement pour influencer les jurés ?
Selon l’acte d’accusation, le Parti des Régions « a retenu les services de Manafort, par l’intermédiaire de DMP [Davis Manafort Partners, cabinet de consultant politique, créé en 2011] puis de DMI [DMP International], pour faire avancer ses intérêts en Ukraine, y compris l’élection de sa liste de candidats. En 2010, son candidat à la présidence, Ianoukovitch, a été élu président de l’Ukraine ». Est-ce criminel, ou est-ce simplement préjudiciable aux accusés, Manafort et Gates ? Cet acte d’accusation est-il conçu pour faire appel aux préjugés américains ou aux lois américaines ?
Le paragraphe 11 stipule : « The European Centre for a Modem Ukraine (Le Centre) a été créé en Belgique aux alentours de 2012 en tant que porte-parole de M. Ianoukovitch et du Parti des régions. Le Centre a été utilisé par Manafort, Gates et d’autres pour faire du lobbying et mener des campagnes de relations publiques aux États-Unis et en Europe au nom du régime ukrainien existant. Le Centre a effectivement cessé d’opérer en 2014, suite à la chute de Ianoukovitch. »
Les dernières élections ukrainiennes, au cours desquelles les habitants des régions du pays, où la langue principale parlée était le russe, ont pu vivre en paix et voter aux élections, avaient produit, selon Mueller, ce qui était, jusqu’au coup d’État « le régime existant » – pas « le gouvernement existant ». Est-ce la présomption ici que l’issue du coup d’État est « le gouvernement ukrainien », mais que le gouvernement démocratiquement élu qui avait précédé le gouvernement putschiste était plutôt « le régime ukrainien existant » ? Cela contredit l’histoire, cela contredit le dossier solidement documenté de ce qui s’est passé là-bas.
Suivent ensuite, jusqu’au paragraphe 25, des documents spécifiques allégués qui seront produits au procès afin de prouver le blanchiment d’argent et le mensonge visant à le cacher. Le paragraphe 25 stipule qu’« en novembre 2016 et en février 2017, Manafort, Gates et DMI ont fait parvenir des lettres fausses et trompeuses au ministère de la Justice, que reflétaient le faux récit de couverture décrit ci-dessus. »
Commençons par le paragraphe 37 : les « allégations statutaires » et les « chefs d’accusation » criminels numérotés. Tous portent sur le prétendu blanchiment d’argent et les prétendus mensonges pour le couvrir. Ensuite, le paragraphe 52 stipule que, sur déclaration de culpabilité, les hommes « abandonneront aux États-Unis toute propriété, réelle ou personnelle, impliquée dans une telle infraction, et toute propriété pouvant être reliée à ces biens », etc.
Parmi les lois pénales américaines et leurs sanctions, qui ont été référencées, il y a :
• 18 USC. § 1956 h « doit être condamné à une amende d’au plus $500 000 ou deux fois la valeur de la propriété impliquée dans la transaction, selon le plus élevé des deux chiffres, ou un emprisonnement de vingt ans au plus, ou les deux »
• 31 USC. § 5322 (b) « doit être condamné à une amende ne dépassant pas $500 000, ou on emprisonnement pour une durée maximale de 10 ans, ou les deux »
• 22 USC. § 618 (a) (2) « une amende d’au plus $10 000 ou un emprisonnement maximal de cinq ans, ou les deux »
Donc, il est attendu que si ni Manafort, ni Gates ne témoignent de la collusion de Trump avec la Russie pour gagner l’élection présidentielle des États-Unis, Manafort et Gates devront peut-être faire 35 ans de prison ou être graciés par Trump – ce dernier pardon pourrait aider soit à le remplacer par un autre Républicain dans les primaires pour 2020, soit par le candidat démocrate – si sa présidence dure aussi longtemps…
Un éditorial de Strategic Culture Foundation, le 1er novembre 2017, était intitulé « Premier acte d’accusation dans le Russiagate : le Procureur spécial n’est pas à la hauteur » et remarquait :
« Surprenant ou non, l’acte d’accusation ne mentionne ni Trump ni la Russie ! L’histoire parle de l’Ukraine. Paul Manafort avait des liens avec le Parti des Régions de l’Ukraine, considéré comme une force politique ‘pro-Moscou’. C’est la seule ‘connexion russe’. Tout ce qui concerne Manafort se rapporte à la période avant qu’il ne commence à travailler pour Donald Trump. Et Rick Gates n’a jamais eu aucun rapport avec le président sortant ou son équipe…
L’acte d’accusation de Manafort (article 22, page 15) déclare très sérieusement que Ioulia Timochenko avait servi comme présidente de l’Ukraine avant Ianoukovitch ! Il suffit de quelques secondes pour jeter un coup d’œil à la liste des présidents ukrainiens pour découvrir que Ioulia Timochenko n’a jamais occupé la plus haute fonction. »
C’était en fait une référence au paragraphe 22 à la page 16, mais le point est précis : l’ancien chef du FBI, et maintenant prestigieux procureur spécial, choisi pour remplacer Trump par son vice-président, Pence, est tellement incompétent qu’il permet qu’un mensonge historique, qui peut être documenté même simplement par référence à un article de Wikipédia, apparaisse dans cette espèce de propagande pour la nomination de Mike Pence, russophobe enragé, pour terminer le mandat de Trump.
Est-ce le système de la Justice dans une démocratie, ou n’est-ce qu’une dictature à deux balles qui est le fantôme évanescent de tout ce qu’étaient les États-Unis d’Amérique autrefois ?
Il s’agit sans aucun doute d’un scandale au sommet, et, de toute évidence, seuls les imbéciles croient qu’un gouvernement comme celui-ci est une démocratie.
Alors : Trump était-il vraiment aussi honnête ? Était-il honnête au point que la seule façon de le cibler pour qu’il puisse être démis de ses fonctions, est de déchaîner contre lui un « avocat expert » comme Mueller, qui n’est visiblement pas un piranha compétent ? Aux États-Unis, comme l’a dit Alan Dershowitz, « un grand jury peut inculper un sandwich au jambon si le procureur le veut ». Mais presque tous les Américains croient qu’un acte d’accusation est lui-même une preuve de la « culpabilité » d’une personne. C’est la confiance remarquable des gens dans une dictature, quand celle-ci est si totale que le public croit même qu’une accusation puisse être le résultat d’une sorte de processus démocratique authentique prouvant quelque chose, au lieu d’être le résultat d’un système public extrêmement efficace de bourrage de crâne, car c’est de cela qu’il s’agit.
Mueller n’a pas été embauché parce qu’il est une sorte de magicien du droit, mais parce qu’il ressemble et tinte comme une personne qui n’est pas un avocat, mais un acteur « qui joue un avocat à la télévision » – il est la caricature de la chose. Et, dans une dictature, c’est le genre de personne qui satisfait le casting, surtout pour une mission comme celle-ci.
Le chef de la minorité au Sénat américain, le démocrate Charles Schumer, a déclaré, lorsque Mueller a été nommé : « L’ancien directeur (du FBI) Mueller est exactement le genre de personne qualifiée pour la mission. J’ai maintenant une confiance beaucoup plus grande que l’enquête suivra les faits partout où ils mènent. » S’ils mènent à Trump, et à la Russie, ce sera apparemment par Manafort, Gates, et le dernier gouvernement démocratiquement élu de l’Ukraine, avant que le gouvernement américain ne le renverse par un coup d’État sanglant, qui a provoqué une campagne de nettoyage ethnique – guerre civile – qui continue, pour se débarrasser des électeurs qui avaient permis au président d’être démocratiquement élu.
En plus des actes d’accusation de Manafort et Gates du 27 octobre, il y a eu le 5 octobre un plaidoyer de culpabilité, signé par George Papadopoulos, un bénévole pour la campagne Trump – non rémunéré mais imbu de sa personne – qui avait soi-disant sollicité du gouvernement russe, par une tierce partie, des « cochonneries » contre la candidate Hillary Clinton. La « Déclaration d’infraction » qu’il a signée ne comportait aucune « cochonnerie » contre Donald Trump, ni aucune coopération avec l’accusé [Papadopoulos] venant de la campagne de Trump, à part le fait que durant la campagne, en une occasion, en présence du candidat Trump, l’accusé avait entendu ce « conseiller pour la campagne » [Manafort] énoncer, en termes généraux, ce que l’informateur tiers cherchait à livrer à la campagne.
L’accusé, George Papadopoulos, a avoué avoir menti au FBI. Ce que le département de la Justice avait accepté, l’autre côté de ce plaidoyer, pour extraire ces confessions de Papadopoulos, n’est pas connu. Les aveux n’allèguent pas que la campagne de Trump a autorisé, ni jamais accepté, l’offre présumée, dont Papadopoulos aurait prétendument accouché, mais qui, apparemment, a avorté, sans jamais être livrée.
Le 30 octobre, le magazine Vanity Fair titrait: « L’Affaire de collusion russe de Mueller à la Une », et Abigail Tracy a rapporté et mis en lien la « Déclaration d’infraction » [de Papadopoulos]. Puis, le 1er novembre, Gabriel Sherman du même magazine a titré en une « Vous ne pouvez pas descendre plus bas : dans l’aile Ouest de la Maison Blanche [où se tiennent les réunions de crise], Trump est apoplectique et ses alliés craignent une destitution », et a rapporté que ses sources à la Maison Blanche paniquaient – ce qui n’a guère de sens – et que « Trump a blâmé Jared Kushner pour son rôle dans les décisions, en particulier les licenciements de Mike Flynn et James Comey qui ont provoqué la nomination du procureur Mueller, selon une source présente à la réunion ». Selon Sherman : « Pour la première fois depuis le début de l’enquête, la perspective d’une destitution est considérée comme réaliste, et pas seulement un rêve libéral fiévreux. » Aucune explication n’a été fournie pour cette prétendue « issue réaliste » qui résulterait soit des actes d’accusations de Manafor et Gates, soit de l’accord de plaidoyer de Papadopoulos.
Mueller a mis en accusation ses deux sandwiches au jambon, concernant leur prétendue dissimulation, et les mensonges à propos des revenus reçus du parti politique ukrainien avant le coup d’État, et a demandé à un bénévole de la campagne de Donald Trump d’admettre qu’il mentait au FBI sur ce qu’il avait lui-même fait. Il n’y a toujours aucun témoignage contre Trump, ni contre quiconque dans son administration. Trump est-il vraiment si honnête, au point que ce piranha, Mueller, ne peut pas encore mordre de plus près ce président ? Pas une grosse bouchée – pas de bouchée du tout ? Vraiment ? Et la Maison Blanche de Trump considérerait maintenant la destitution comme « une issue réaliste » – à partir de ça ? Peut-être qu’une explication raisonnable existe, ou alors, l’équipe de Trump veut garder ce niveau de « bassesse » aussi bas que possible jusqu’à ce que, plus tard au cours de son mandat, la nullité de la campagne contre lui apparaisse indéniable, et le positionne ainsi pour une réélection stupéfiante, comme la moins dégoûtante des options présidentielles, parmi lesquelles l’électorat américain sera autorisé à choisir en 2020.
Eric Zuesse
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