On accueille rarement sous les vivats les invités qui arrivent les mains vides. Et c’est la situation dans laquelle se retrouvent Angela Merkel et Emmanuel Macron, qui s’expriment ce 15 novembre à Bonn, lors des cérémonies d’ouverture de la 23e conférence de l’ONU sur les changements climatiques (COP23). En matière de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) comme en part des énergies renouvelables dans leur production d’électricité, les deux Etats sont plus proches des cancres que des modèles de l’Union européenne.
Selon les chiffres d’Eurostat, aucune des deux premières économies de la zone euro n’avait réussi en 2014 à hisser à 20% la part des énergies renouvelables dans leur consommation énergétique finale brute. A la même date, la Finlande et la Lettonie avaient déjà atteint leurs objectifs fixés pour 2020 et la part des énergies renouvelables dans leur consommation énergétique totale se trouvait déjà aux environs de 40%. En Suède, premier de la classe européenne, cette part avait déjà dépassé les 50%. Il faut regarder vers le Royaume-Uni, la Bulgarie, la Pologne et la Belgique pour trouver des performances plus médiocres qu’en France et en Allemagne.
Angela Merkel ne se distingue pas tant que ça de Donald Trump. Enfin si : au moins, Trump est honnête
L’hebdomadaire allemand Die Zeit prononçait même récemment un constat particulièrement sévère sur l’action de la chancelière en écrivant : «Angela Merkel ne se distingue pas tant que ça de Donald Trump. Enfin si : au moins, Trump est honnête.» Or, il est vrai que l’Allemagne est avec la Pologne le premier consommateur en Europe de charbon, cette source d’énergie primaire particulièrement polluante, qui entre encore pour près de 40% dans sa production d’électricité, un record en Europe (après la Pologne). Et, on voit mal aujourd’hui comment elle pourrait respecter son engagement de réduire de 40% ses émissions de gaz à effet de serre en 2020 par rapport à 1990, alors qu'elle n'affichait que 28% de baisse en 2016.
En Allemagne, même les Verts renoncent à fixer le calendrier d'abandon du charbon
Pourtant, ni les conservateurs ni les libéraux ne veulent d'échéance pour renoncer à cette énergie bon marché, même les Verts viennent d'abandonner la date de 2030 qu'ils défendaient pendant la campagne. Il est vrai qu’en programmant l'abandon du nucléaire d'ici 2022, l’Allemagne aura du mal à se contenter du vent qui souffle au nord du pays, près des côtes de la Baltique, pour faire fonctionner les usines du sud du pays. Enfin, malgré le scandale des mesures truquées sur les émissions polluantes des moteurs diesel de Volkswagen, l’Allemagne aura du mal à remettre en cause les polluants moteurs à combustion qui font vivre un secteur qui emploie 800 000 personnes.
Cela dit, l'Allemagne a quand même fait d’importants efforts en multipliant par quatre sa production d’électricité à partir d’énergies renouvelables depuis l’an 2000. Elles représentaient, en 2016, près de 32% du total. Quant à la quantité d’électricité produite à partir du nucléaire elle a presque été divisé par deux depuis l’an 2000. Mais, accro aux exportations qui soutiennent sa croissance, l’Allemagne a trouvé le moyen d’augmenter sa production de charbon pour exporter de l’électricité !
Néanmoins, la chancelière a confié ce 15 novembre à Bonn que la question du charbon jouait «un rôle central dans les pourparlers actuels sur la constitution d'un gouvernement [de coalition en Allemagne]». Et précisé qu'il s'agissait «aussi de questions sociales et d'emplois».
En France, sortie du nucléaire repoussée, mais abandon du moteur thermique programmée pour 2040
En France, en dehors du renoncement au calendrier des engagements climatiques, la situation est à peu près inverse. L’empreinte carbone des Français est plus de deux fois inférieure à celle des Allemands et le charbon a presque totalement disparu de la production d’électricité avec moins de 1% du mix électrique contre 1,6% pour l’énergie solaire. En revanche, le pays reste le champion mondial de l’énergie nucléaire avec 72,3% de la production d’électricité en 2016. Et encore, ce résultat est dû en partie à une réduction brutale de 7,9% à cause d’arrêts temporaires de 22 réacteurs sur 58, à la demande de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Enfin, le 7 novembre dernier, Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire douchait les espoirs de ses partisans en annonçant, à l'issue du conseil des ministres que la France ne pourrait pas ramener la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50% en 2025 comme elle s’y était engagée. Mais pour le moment, la France peut au moins se targuer d’avoir annoncé l’abandon du moteur thermique d’ici 2040.
Promouvoir le charbon à un sommet sur le climat, c'est comme promouvoir le tabac à un sommet sur le cancer
Il existe tout de même une raison de ne pas trop désespérer de la désillusion consécutive à l’euphorie de la COP21 : si le monde ne parvient pas à contenir le réchauffement planétaire à 2% par rapport à la période pré-industrielle, comme s’y étaient engagés 175 Etats signataires de l’Accord de Paris, la faute en incombera essentiellement aux Etats-Unis, ou à Donald Trump. En effet, selon l’ONG Climat Action Tracker qui a rendu un rapport à Bonn, le retrait des Etats-Unis de l'accord de Paris sera largement responsable d'une hausse de la température mondiale de 3,2°C d'ici à 2100 par rapport à l'ère pré-industrielle.
Le matin même, la délégation des Etats-Unis avait poussé la provocation jusqu’à organiser une conférence intitulée «Le rôle des énergies fossiles plus propres et plus efficaces et de l'énergie nucléaire». Barry Worthington, directeur de l'Association de l'Energie des Etats-Unis, copieusement hué et longuement interrompu, déclarait sans ambages que les Etats-Unis n’avaient besoin ni de l’accord de Paris ni du Clean Power Plan, le programme climatique de l’administration Obama. Michael Blommberg, ancien maire démocrate de New York, envoyé spécial de l'ONU pour les villes et le changement climatique, cité par l'édition scientifique quotidien britannique The Guardian, commentait ainsi le programme de la délégation américaine à la COP23 : «Promouvoir le charbon à un sommet sur le climat, c'est comme promouvoir le tabac à un sommet sur le cancer.»
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