Malcom, un lecteur de longue date, m’a envoyé ce matin l’email ci-dessous, qui je pense vaut la peine d’être partagé – avec quelques révisions mineures, compte tenu de son ton informel.
La semaine dernière, un autre lecteur m’a envoyé une liste des sites accusés de faire circuler de fausses actualités, et m’a félicité pour y avoir été inclus. J’en ai oublié la source, puisque j’étais alors préoccupé par d’autres choses. J’ai toutefois été heureux de voir que Le Cafe n’y était pas catégorisé comme étant particulièrement partial ou biaisé, mais simplement listé sous la catégorie « inconnu ». Me voilà donc avec un site de fausses actualités, bien qu’ils ne sachent pas ce qui rend les informations que je publie fausses, ou pourquoi.
Selon le document, il est possible pour n’importe qui de demander à ajouter un site à la liste, sans aucune raison particulière, que ce soit un simple désaccord ou une analyse factuelle. Comme l’explique document, quelqu’un étudie ensuite le site proposé et décide de ce qui en fait ou non un fournisseur de fausses actualités. Il semblerait qu’ils n’aient à l’époque pas encore décidé sous quelle catégorie de la liste tombe mon site, bien qu’ils l’aient toutefois jugé devoir y figurer.
Comme Bourriquet, l’ami de Winnie l’Ourson, l’aurait dit : « merci de m’avoir remarqué ».
J’ai tendance à penser que lorsque je prends connaissance de faits, je publie ces faits, et que lorsque je me construis une opinion mais ne suis pas certain des faits, ou ajoute ma propre interprétation à des faits, je le précise clairement. C’est la meilleure chose qu’un simple humain puisse faire.
Dans le monde réel, avec toutes ses variables et tous ses processus décisionnels, il n’arrive que très rarement que les faits soient aussi simples que 2 + 2 = 4. Et c’est particulièrement le cas pour ce qui concerne les décisions politiques, en raison des suppositions et des objectifs qui mènent à cette sélection de variables, et de la manière dont elles sont pesées et combinées. Ceux qui pensent que « tout n’est qu’une question de mathématiques » ne comprennent que rarement leurs propres préjugés et sélectivité.
« Fausse actualité » est une chouette étiquette. Il en va de même pour « pro-russe », qui a été appliquée par un autre groupe à un certain nombre de sites, comme par exemple à Naked Capitalism, pour des raisons similairement arbitraires et non-identifiées. Je pense qu’ils ont eux-mêmes détruit leur propre crédibilité relativement vite. Il n’en est pas moins que la tendance demeure dangereuse, et qu’il ait été particulièrement décourageant de la voir adoptée par le parti qui se qualifiait autrefois de « pour le peuple et la diversité ».
Ce qui me mène à ce qu’un expert, dans un remarquable moment d’ironie et d’oubli apparent de conscience de soi, a récemment qualifié d’épidémie américaine d'infaillibilité.
A mes yeux, cette culture d’infaillibilité, ou d’attrait pour l’autorité et les positions de pouvoir, est la conséquence naturelle de la notion selon laquelle la classe professionnelle est une élite dirigeante naturelle déterminée par son éducation, ses relations et ses distinctions accumulées.
C’est un ancien concept, parfois résumé ainsi : « la force fait le droit ». Il confond capital et pouvoir avec la vertu. Si la vertu était la base naturelle du pouvoir et du capital, le monde serait bien meilleur qu’il ne l’est aujourd’hui. Hélas, nous savons tous qu’il n’en est pas ainsi.
Il semblerait que les notions de « fausses actualités » et de « pro-russe » ne soient encore une fois que la même chose : une tentative par ceux qui se trouvent au pouvoir et de leurs amis et facilitateurs de promouvoir leurs propres interprétations et politiques, et de réprimer tout désaccord avec leurs actions, dans un effort de maintenir et d’optimiser leurs positions et privilèges.
Pour ajouter à ma remarque pauvrement rédigée, voici ce que Michael a à en dire :
Les médias conventionnels s’en vont en guerre contre les fausses actualités. Les médias de l’établissement, ainsi que l’élite politique et économique de notre pays, se sont embarqués dans un accès hystérique de peur et d’aversion pour les fausses actualités. Ce qu’on ne nous dit pas en revanche, c’est comment ces fausses actualités se distinguent des vraies.
Est-il question de publication sélective de demi-vérités, de rumeurs non-vérifiées, et de sous-entendus ? De la régurgitation de préjugés anonymes par de sombres insiders aux agendas et aux conflits d’intérêts évidents ? Ou de la promotion d’articles au travers de titres trop accrocheurs ? D’une focalisation sur le sensationnel et le salace ? De l’exclusion sélective d’opinions non-conformistes ? Du rejet unilatéral d’opinions alternatives ? De drames fabriqués ?
Ou encore de la volonté d’être infiltrés et influencés par les services secrets ? De la promotion des experts qui ne cherchent qu’à servir leurs propres intérêts ? Du refus de bannir les menteurs et les tricheurs ? Peut-être est-il question du trop faible budget dédié aux services de publication et d’édition, ou du recours à des internes sous-payés et à des fuites aux sources louches ? Du manque d’enquête digne de ce nom ? Ou peut-être de l’imbrication de l’actualité et de la publicité ? Ou de la soif de profits ?
Rien de tout ça. Pour la simple raison que les vraies actualités sont coupables de toutes ces transgressions.
Le problème, nous dit-on, c’est que les fournisseurs de fausses actualités se contentent de fabriquer des histoires. Je suis choqué. Choqué. De cette hypocrisie monumentale. Les médias grand public ont compromis leur crédibilité. Cette mauvaise herbe appelée fausses actualités n’aurait pu pousser que dans un jardon trop longtemps laissé à l’abandon et abusé par ses gardiens.
Aux yeux de ceux qui s’en plaignent, je suppose que « vraies actualités » signifient celles qui adoptent la vision des élites, ou qui appartiennent à et son gérées par Wall Street et Washington, qui se plient face aux demandes des lobbies de la guerre, à la Chambre du commerce, à Goldman Sachs, à la CIA et aux lobbies de l’énergie fossile.
Les médias conventionnels ont depuis longtemps abandonné toute prétention de faire quoi que ce soit d’autre que régurgiter la propagande, les mensonges et les tromperies de la classe au pouvoir et de ses facilitateurs. Ils se sont prouvés n’être intéressés que par servir leurs chefs du gouvernement et de la finance, en le nom du pouvoir et des profits. Ils ne tiennent plus en l’art du journalisme, aujourd’hui devenu creux et vide de sens, constamment contredit par la réalité.
Les médias conventionnels sont plongés dans une crise qu’ils ont eux-mêmes créée. Les fausses actualités ne sont qu’un symptôme de leur profond mépris pour l’intégrité des faits.
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