Anna, 18 ans, a eu une drôle d'approche de la République française. Cette jeune Russe, brillante étudiante en hypokhâgne, rêvait d'avoir sa naturalisation française comme ses parents, arrivés de Saint-Pétersbourg avec les enfants en 2004. Pour eux, aucun problème lors de l'obtention de leurs papiers. Pour Anna, la demande s'est muée en calvaire, comme le raconte Le Figaro.
Pour avoir indiqué dans sa lettre de motivation qu'elle "s'intéressait à la vie politique de (son) pays" et qu'elle avait "déjà participé à un meeting" de Nicolas Sarkozy et à "des manifestations" qui se sont trouvées être celles de la Manif pour tous, l'étudiante est devenue suspecte aux yeux de la sous-direction de l'information générale (SDIG, ex-RG) des Yvelines où elle réside.
Convoquée au commissariat de Viroflay en septembre dernier, Anna aurait subi les assauts verbaux de policiers qui menacaient de faire en sorte qu'elle n'obtienne pas sa naturalisation si elle ne collabore pas avec eux. "Je vois que vous n'avez aucune motivation pour acquérir la nationalité française", lui aurait lâché le commandant, explique-t-elle au Figaro. "Je vais mettre un avis défavorable sur votre dossier." Les autorités exigent alors qu'elle procède à une surveillance des Veilleurs, un mouvement d'opposants anti-mariage pour tous, qui doivent se réunir à Versailles le 10 octobre. Elle devra alors donner des noms, des métiers, des coordonnées.
"Une violation grave des droits fondamentaux"
La jeune femme refuse malgré la pression des officiers, les multiples messages vocaux et textes d'intimidation laissés sur son portable. Elle ne doit rien dire à personne. Elle raconte tout à ses parents, mais aussi au maire-adjoint de Versailles, François-Xavier Bellamy. Ce familier des Veilleurs dénoncera "un dévoiement absolu de l'appareil d’État et une violation grave des droits fondamentaux". "Si Anna n'avait pas eu le courage de parler, ça aurait pu être extrêmement destructeur pour elle", déplore-t-il, non sans avoir auparavant sollicité la préfecture des Yvelines qui avait promis "de faire arrêter la procédure de renseignement."
Depuis, Anna n'a plus eu de nouvelles des officiers. De sa naturalisation française non plus. Contacté par Le Figaro, le major qui avait procédé à l'interrogatoire se défend de toute tentative de pression, expliquant avoir de "très bons contacts avec les personnes de la Manif pour tous" et aucun besoin "d'espionnage", tout en admettant cependant travailler "sur instructions et sur ordres".
Du côté du ministère de l'Intérieur, le quotidien a eu pour seule réponse son application de la loi en matière de droit à la naturalisation. "On n'accorde pas la nationalité à n'importe qui", explique-t-on du côté de Beauvau. Cet interrogatoire n'était en fait qu'un habituel "entretien" pour vérifier "la loyauté" des postulants. "Il a été constaté qu'elle (Anna) était en contact avec des groupes manifestant sur la voie publique", concède le directeur départemental de la sécurité publique des Yvelines. "Il est tout à fait légitime de se renseigner sur ces actions".
La police des polices saisie de l'enquête
En interne, écrit Le Figaro, on évoquerait pourtant "une grosse pression de la DCRI pour avoir des renseignements sur la Manif pour tous", dont l'affaire Anna ne serait qu'un dommage collatéral. A force de coups de fil aux différentes instances policières, le journal explique avoir reçu, mardi, un appel de la préfecture des Yvelines annonçant que "le dossier de naturalisation" d'Anna avait recueilli "des avis favorables à tous les stades de la procédures" après des "entretiens passés avec succès".
Mercredi matin, le ministère de l'Intérieur a néanmoins trouvé opportun de publier un communiqué sur l'article du Figaro pour annoncer que l'inspection générale de la police nationale (IGPN), la police des polices, était saisie d'une enquête sur les conditions de naturalisation de la jeune Russe. "Dans un article de ce jour, le Figaro rapporte des faits mettant en cause les conditions de déroulement de l'enquête de naturalisation d'une jeune femme russe, conduite par le service de l'information générale du département des Yvelines", explique le communiqué. "Le directeur général de la police nationale saisira l'inspection générale de la police nationale afin de recouper avec la plus grande précision les faits rapportés, qui remontent à septembre 2013". Les conclusions doivent être rendues sous un mois.
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