L’or et l’argent sont avant tout des symboles, et comme tout symbole, ils sont chargés d’ « influences » spirituelles propres, inhérentes à leurs natures. Ils ne furent pas utilisés comme moyens d’échange « profane », sinon fort tardivement, par dégénérescence, à une date déjà bien avancée de notre Kali-Yuga et avaient donc initialement une fonction proprement sacrée, symbolique, dans les Temples comme dans les Eglises. Ils ne sont pas des signes de richesse extérieure mais intérieure, symbole de la Plénitude de Dieu, le « Vacare Deo », Or intérieur et Lumière :
« En vérité, si tu veux transformer complètement ta pauvreté, va vers le trésor abondant de la richesse infinie et tu deviendras riche, car sois bien persuadé qu’il est le seul trésor qui peut te suffire et te rassasier. »(Maître Eckhart-Instructions spirituelles)
Il en va de même de la pièce de monnaie, or et argent, qui plus est, est une apparition tardive qu’Hérodote date des Lydiens, et Eric Dillies écrit ceci pour bien marquer cette dégénérescence:
« Les rois de Lydie qui avaient le monopole de l’extraction de l’électron, alliage naturel d’or et d’argent, que l’on trouvait le long des rives du fleuve Pactole, l’utilisèrent par la nécessité de la guerre à la rémunération des mercenaires. »
C’est pourquoi aujourd’hui où les guerres font rage, dans notre langage courant, l’argent est devenu le « nerf de la guerre » (comme analogiquement, le mental est le « lieu » de la guerre, de la division, il est celui de la Paix s’il se tourne vers l’Esprit Un, si l’argent se fond dans l’or).
A propos de cette fonction spirituelle, René Guénon écrit justement que:
« Il est une remarque qu’il est bien facile de faire, pour peu qu’on ait seulement des « yeux pour voir »: c’est que les monnaies anciennes sont littéralement couvertes de symboles traditionnels, pris même souvent parmi ceux qui présentent un sens plus particulièrement profond;(…): la monnaie, là où elle existait, ne pouvait elle-même pas être la chose profane qu’elle est devenue plus tard; et si elle l’avait été, comment s’expliquerait ici l’intervention d’une autorité spirituelle qui évidemment n’aurait rien eu à y voir, et comment aussi pourrait-on comprendre que diverses traditions parlent de la monnaie comme de quelque chose qui est véritablement chargé d’une « influence spirituelle », dont l’action pouvait effectivement s’exercer par le moyen des symboles qui en constituaient le « support » normal? »(Symboles fondamentaux de la Science sacrée)
La circulation des monnaies ainsi que leur création, n’avaient donc pas ce caractère purement profane qui est le nôtre aujourd’hui, uniquement quantitatif servant des appétits grossiers, mais était un moyen de transmettre des infuences spirituelles par les symboles qu’elles sont et qu’elles contiennent, sous le contrôle de l’Autorité spirituelle. Cette affranchissement de la sphère du sacré aboutit à l’évasion dispersante dans la quantité et donc à la perte du sens, l’orgueil et la cupidité apparaissent, ce qu’exprime André Orléans lorsqu’il écrit:
« Le tyran grec jouit du trésor d’une manière impensable pour le roi sacré: pour celui-ci le trésor est essentiellement source d’obligation, pour le tyran le trésor devient un instrument au service d’une politique. Il peut en jouir librement. » (La violence de la monnaie)
Librement, c’est à dire selon son bon vouloir: « L’homme s’était deifié, l’homme était autolâtre. »(H. Favre)
Il nous apparaît très suggestif de faire maintenant quelques remarques significatives à cet égard, et laisserons le lecteur tirer toutes les conclusions qu’il lui semble juste de tirer:
-A qui appartient aujourd’hui la création de la monnaie? A l’ «Ordure Dévastatrice » qui singe Dieu et créée ex-nihilo une monnaie-papier frauduleuse, sans valeur aucune, pas plus qu’un vulgaire billet de monopoly…Non seulement cette monnaie-papier n’a aucune valeur, mais elle n’évoque rien: les monuments sur les billets Euros, par exemple, ne représentent rien, ils n’existent pas, cela a un sens bien plus profond que l’on voudrait bien le faire croire, et une explication simplement « psychologisante » n’est pas suffisante.
-Pourquoi la monnaie or et argent a-t-elle disparu des « échanges »? Plus d’esprit…plus d’âme…Comme pour écarter les «bontés» inhérentes à ces symboles. Même leur dimension profane a disparu puisqu’elles ne sont plus usitées…Plus rien que le quantitatif insignifiant d’une montagne de papier souillé.
-Poussons un peu plus loin afin de montrer ce caractère proprement contre-initiatique. Pourquoi ces « lignées »de financiers et d’industriels s’accaparant les richesses du monde et des hommes, imposant leur « monnaie-papier » partout, se reproduisent entre elles? Cela n’est pas dû au hasard et a, au contraire, un sens bien plus profond.
Elles tentent de conserver la « pureté de leur impureté », en évitant tout mélange, par leur sang et la mémoire contenue dans celui-ci, et ainsi faire fructifier la « puissance » obscure, noire, tellurique du « guna » (qui donna « genos », gène, signifiant « origine ») « tamas », qui tire vers le bas, assimilée à l’ignorance). Le sang est le pouvoir vivifiant, liquide par nature, comme l’argent qui le symbolise dans la société, et il faut qu’il circule, qu’il inonde et répande son venin; a sang corrompu, argent corrompu (et de nombreuses traditions établissent un étroit rapport de l’âme avec le sang…et le Christ a versé son sang…). Cette notion de « dynasties » est très importante dans le cadre de notre sujet, même si d’aucuns pensent que nous nous en écartons, et nous invitons le lecteur désireux d’approfondir ces réflexions à consulter l’excellent ouvrage de A. De Dànnan « Mémoire du sang », nul doute qu’il en tirera de précieuses informations.
Nous le disions ailleurs, le seul but de ces forces ténébreuses est de tenter par tous les moyens à sa disposition d’obscurcir les signes de Dieu, bien aidées en cela par la myopie intellectuelle des hommes des derniers temps: à l’homme de ne pas se laisser séduire…Et plus il saura reconnaître les signes du Sacré et leurs fonctions essentielles moins la séduction sera opérante.
Les textes traditionnels insistent tous sur cette âme, ce dragon, ce « moi » que l’on doit « haïr » ou tuer, transmuer, pour être « les diciples du Soleil des Hommes » (Coomaraswamy), les religions ont pour « fonction unanime de détacher l’homme de l’ici-bas et de l’ego. »(Frithjof Schuon-Du divin à l’humain)
Lorsque Jésus se fait montrer, lors de l’impôt à César, un denier, il demande de qui est l’effigie qu’il porte: c’est le portrait de César, cet épisode souligne ainsi la profanation du symbole par la perte de la connaissance; le Christ constate le désir d’orgueil de l’âme humaine qui s’auto-divinise en oubliant qu’elle n’est rien sans l’Esprit qui l’illumine et la fonde et lui confère alors toute réalité.
Comme le souligne Marina Scriabine:
« On peut, semble-t-il, sur ce plan voir dans l’argent l’image renversée, la caricature satanique de l’Eucharistie qui unit les hommes dans la « communion » au Principe, alors que l’argent noue entre ses adorateurs des liens d’intérêt sordide et souvent de haine. »(René Guénon et l’actualité de la pensée traditionnelle)
Aujourd’hui, tout a un prix, tout s’achète et se vend, tout se réduit à l’uniformité matérielle d’une vie littéralement insensée; on juge un homme à ses richesses, ce qu’il possède, plus il a, plus il est « bien », digne d’admiration, on l’adore même…que de perversions…
René Guénon, en 1945(!), nous tenons à le souligner tant ceci semble se réaliser aujourd’hui et fait irrémédiablement penser à ce qu’exprime le savant musulman Sheikh Imran Hosein dans ses conférences sur la monnaie, écrivait déjà:
« Pour en revenir plus spécialement à la question de la monnaie, nous devons encore ajouter qu’il s’est produit à cet égard un phénomène qui est bien digne de remarque: c’est que, depuis que la monnaie a perdu toute garantie d’ordre supérieur, elle a vu sa valeur quantitative elle-même, ou ce que le jargon des « économistes » appelle son « pouvoir d’achat », aller sans cesse en diminuant, si bien que l’on peut concevoir que, à une limite dont on s’approche de plus en plus, elle aura perdu toute raison d’être, même simplement « pratique » ou « matérielle », et elle devra disparaître comme d’elle même de l’existence humaine. »(Symboles fondamentaux de la Science sacrée)
A cette phase de solidification succède une phase de dissolution et nul doute que cette dissolution, cette dématerialisation de la monnaie, donnera naissance à une monnaie « digitale », « virtuelle », présentée bien sûr comme une avancée, un progrès (car les hommes d’aujourd’hui aiment le progrès!), aux influences infra-humaines bien plus subtiles, bien plus corrosives, pour l’homme et assurera logiquement la domination de la contre-tradition via, notamment, un contrôle total des échanges économiques et financiers.
Comme il est hautement significatif, aujourd’hui, que nous soyons abreuvés tous les jours également par ce mot de « rigueur » de la part de nos « politiques », ceux-ci nous le rappelons ne sont que des marionnettes, les vrais acteurs sont dans l’obscurité, « rigueur » visant à châtier les peuples, les « vider » en les épuisant pour les asservir à leur soif de domination. Ils singent Dieu, ni plus ni moins, qui, sous son aspect de Miséricorde, d’Amour, de Paix, précède celui de Rigueur, de Justice. Notre cycle s’est ouvert par la Lumière, la Miséricorde divine, « Tu étais un modèle de perfection, tu étais plein de sagesse et parfait en beauté… »(Ezéchiel), pour se finir dans les Ténèbres de la froide Rigueur.
La sentence islamique exprime également ceci: « Ma Clémence a précédé Ma Rigueur »(Inscription du Trône d’Allah)
C’est pourquoi, parodiant toujours Dieu, la rigueur précède la « miséricorde » qui elle sera incarnée par un pouvoir « absolu » final, une sorte de « gouvernement mondial », avec une « non-monnaie », et qui imposera sa « fausse-paix », mise en place progressivement par la rigueur extérieure contraignante et asservissante que nous sommes en train d’expérimenter. Et Dieu seul sait ce que ces cerveaux mortifères seront bien capables d’inventer.
Ce terme de « rigueur », dans le rétablissement du sens des mots qui nous importe, a la même racine que « rectitude », « rigidité », d’où « rex », « roi », « droit », il renvoie à la verticalité trancendante, au « pôle », au « Pontifex », à la royauté intérieure (le roi est Vicarius Dei, synonyme de l’arabe « Khalife », Lieutenant), au centre, d’où émane totalement toute Justice et toute Harmonie:
« Sois ferme; soutiens-toi sans trembler » déclare le Rig-Véda.
Encore un exemple, s’il en était besoin, de corruption diabolique du sens profond des mots, déformés à une fin contre-initiatique évidente. La Rigueur divine a une dimension rédemptrice, car elle est juste et droite, elle force à la réunion dans l’Esprit, c’est là son sens propre; alors que la « rigueur » contre-initiatique qui se répand de nos jours divise et enferre toujours plus les hommes, les dressant inexorablement les uns contre les autres par une inéluctable et atroce prostitution de l’âme originellement virginale: le chaos.
Nous espérons avoir été aussi complet qu’il nous était possible de l’être en montrant bien au lecteur que les mots dont il est intoxiqué aujourd’hui ne correspondent absolument pas à ce qu’ils signifiaient à l’origine, que cette « perte de sens » est sciemment organisée dans un but bien précis. Bien sûr, nous savons qu’ « il faut qu’il y ait du scandale », « mais malheur à celui par qui le scandale arrive », et malheur à ceux qui se laissent séduire par ce « scandale » qui sera même capable de « prodiges ». Nous avons été avertis généreusement, et bien plus d’une fois…
« Tu dis: je suis riche et me suis enrichi, je n’ai besoin de rien.
Tu ne sais pas que c’est toi qui es malheureux, misérable, pauvre, aveugle et nu…Je te conseille d’acheter chez moi de l’or purifié au feu pour t’enrichir, des vêtements blancs pour t’en vêtir et cacher la honte de ta nudité, un collyre pour t’enduire les yeux et voir clair. »(Apocalypse de Saint Jean).
Thierry de Crozals, pour Mecanopolis
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