Contrairement aux idées reçues, pendant l’Occupation, la collaboration n’a pas été l’apanage de l’extrême droite. Aveuglés par leur pacifisme et leur anticommunisme, de nombreux hommes de gauche ont choisi de se rallier à la cause allemande. Images d’époque, archives sonores et explications d’historiens à l’appui, ce film propose un nouvel éclairage sur cette période de l’histoire.
Dans l’imaginaire collectif, la résistance à l’occupant allemand pendant la Seconde Guerre mondiale demeure associée à la gauche. La collaboration n’aurait donc été le fait que de l’extrême droite. Pourtant, dans la réalité, les choses sont loin d’être aussi simples et les convictions et les comportements des uns et des autres prennent souvent racine dans l’horreur de 14-18. Selon l’historien Olivier Wieviorka, « la Grande Guerre a été un énorme traumatisme pour la population française. La France en sort victorieuse, mais elle a perdu 1,3 million d’hommes ; du coup, la sauvagerie, la dureté de ce conflit a nourri un très profond pacifisme ».
Ce pacifisme, qui s’identifie plutôt à la gauche socialiste mais aussi communiste, imprègne la société d’entre les deux guerres. Il est incarné notamment par le ministre des Affaires étrangères Aristide Briand, qui prône le rapprochement avec les Allemands. À la fin des années 1920, ils sont nombreux, les jeunes prêts à s’engager dans cette voie. C’est le cas de Jean Luchaire, journaliste, proche de la LICA (Ligue internationale contre l’antisémitisme), qui crée avec Otto Abetz, un démocrate d’outre-Rhin, une structure permettant aux jeunes des deux pays d’échanger et d’œuvrer pour la paix. Malgré l’arrivée au pouvoir des nazis en 1933, la gauche française choisit de continuer à croire que la réconciliation reste possible : « Il n’y a pas un article sur le réarmement allemand en 33, 34 et 35 dans Le Populaire (le journal de Léon Blum), parce que l’obsession de la gauche est une obsession pacifiste (…). On dénonce le nazisme dans sa nocivité, on ne veut pas dénoncer le danger que représente pour la France une Allemagne qui réarme », explique l’historien Simon Epstein.
Préserver la paix coûte que coûte
Cet aveuglement ne fait que se renforcer au cours des années suivantes. Face à la répression politique et aux persécutions dont les juifs sont déjà victimes outre-Rhin, beaucoup estiment, à l’instar de Jean Luchaire, que l’essentiel est de préserver la paix. Membre du gouvernement du Front populaire, rédacteur du principal journal des Auberges de jeunesse, Marc Augier dit lui-même être devenu nazi après avoir lu La Gerbe des forces d’Alphonse de Chateaubriant (un ancien dreyfusard), écrit après un voyage dans l’Allemagne hitlérienne. D’autres vont changer de bord par ambition ou conviction politique. Parmi eux, Marcel Déat, figure montante de l’ancêtre du PS, la SFIO, qui s’écarte du parti et de Léon Blum, dont il ne partage pas la vision économique. Mais aussi Jacques Doriot, formidable tribun communiste, maire de Saint-Denis, qui, après son exclusion du PC, abandonne toute référence au marxisme. Ils créeront à Paris, sous l’Occupation, les deux principaux partis collaborationnistes.
Toujours dans le souci d’éviter une nouvelle guerre, les dirigeants français et anglais acceptent de signer les accords de Munich en septembre 1938. La SFIO se déchire entre partisans de la paix coûte que coûte et ceux qui envisagent désormais la défense nationale. Selon l’historien Pascal Ory, « les pacifistes sont de moins en moins nombreux mais de plus en plus pacifistes. Donc la France qui entre en guerre en 39 est complètement démantibulée : aucun parti n’a résisté à la montée des périls ». Après la débâcle de 1940 et l’entrée des Allemands dans Paris au mois de juin, en zone dite libre, le 10 juillet, une grande partie des politiques de la IIIe République se réunit à Vichy et vote les pleins pouvoirs à Pétain. Chez les socialistes, seule une minorité s’oppose au maréchal…
Beatriz Loiseau
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