Au fil du temps, par petites doses, la France s'appauvrit, d'abord du fait de son appartenance à l'Union Européenne et à la zone euro. Si cette appartenance donne aux Français le confort de pouvoir financer une bureaucratie obèse et toxique sans effort (puisque la BCE pourvoit à tous nos besoin), elle présente aussi l'inconvénient de nous mettre en concurrence directe avec des pays qui jouent de toutes les astuces pour nous damer le pion. Voici un petit résumé de la situation telle qu'elle existe depuis 1992, c'est-à-dire depuis le traité de Maastricht.
Pour la caste mondialisée qui exerce unilatéralement le pouvoir, l’appartenance de la France à l’ensemble européen imaginée au sortir de la guerre par Jean Monnet et quelques autres est une évidence, et même un point religieux, qui ne se discutent plus. La France ne serait rien sans l’Europe : cette prophétie auto-réalisatrice a encore été répétée par Elisabeth Borne dans son discours de politique générale, au début du mois de juillet.
Pourtant, au regard des chiffres, par-delà les credos, les fantasmes et les dogmes, la réalité est beaucoup plus contrastée : on peut se demander dans quelle mesure la France n’est rien (et de plus en plus “rien”) DANS l’Europe et non SANS l’Europe. C’est l’objet du graphique produit par la Banque Mondiale que je publie ci-dessus.
Le PIB par habitant décroche en France depuis l’euro
Deux grandes tendances se dégagent de ce graphique qui présente l’évolution du PIB par habitant en US courant, c’est-à-dire sans tenir compte du pouvoir d’achat rééel de la monnaie (donnée secondaire ici, puisque tous les pays concernés ont la même monnaie). Les chiffres donnent donc une estimation à grosses mailles de l’enrichissement des pays depuis 1990, rapporté à leur nombre d’habitants.
La première tendance est le décrochage français et italien depuis 1992, le rapprochement relatif lors du déploiement de l’euro, puis le retour rapide de ce décrochage à partir de 2004, jusqu’à sa frénésie à l’occasion de la crise de 2008.
Ce qui est frappant, c’est de voir que, avant le traité de Maastricht, le PIB par habitant de la France, de l’Italie, de l’Allemagne et même de l’Autriche convergeait autour des 20.000$ par an. Au lieu de favoriser cette convergence, l’entrée en vigueur de la monnaie unique s’est traduite par une dispersion beaucoup plus grande des revenus par habitant….
À partir de 2004, ce phénomène devient net et durable, et surtout il ne cesse de s’accroître.
Les lecteurs attentifs noteront que les chocs périodiques subis par la zone euro par la suite donneront tous l’occasion d’une accélération de ce “creusement” entre l’Allemagne (qui converge assez bien avec l’Autriche) d’un côté, la France et l’Italie de l’autre.
La crise de l’euro en 2014 en donne une fulgurante démonstration. Si elle frappe plus lourdement l’Autriche et l’Allemagne que la France et l’Italie, elle laisse des traces plus durables dans ces deux derniers pays, qui ne retrouveront jamais leur niveau de PIB… de 2014 et voient leur différentiel de revenu s’accroître face à leurs concurrents germaniques.
Un phénomène encore plus marqué avec le dumping fiscal
Mais une deuxième tendance très marquée se dégage de ce graphique : le poids du dumping fiscal dans l’enrichissement des pays.
Comme on le voit, les deux pays les plus riches d’Europe sont désormais ceux qui ont les pratiques fiscales les moins solidaires de leurs petits camarades, ce qui pose une sérieuse question sur le sens de la fraternité européenne.
Le pays européen le plus riche, et de loin, est le Luxembourg, qui est aussi l’un des rares pays de l’Union à avoir connu un “recovery” en 2021 qui lui permet de “battre un record de PIB”.
Le Luxembourg partage ce privilège avec l’Irlande, pays particulièrement représentatif des déséquilibres créés par la monnaie unique et par le dumping fiscal au sein de la zone euro.
Comme on le voit sur le graphique, l’Irlande disposait d’un revenu par habitant en 1990 très inférieur au peloton franco-allemand. Le traité de Maastricht a permis d’inverser profondément cette tendance, ce qui permet d’affirmer que l’union monétaire a profité à certains, et particulièrement aux “passagers clandestins”, tout en pénalisant d’autres. En l’espèce, l’Irlande avait rattrapé son retard sur l’Allemagne dès 1999 et n’a cessé, depuis lors, de “surperformer” grâce à son arme magique : un impôt sur les sociétés à un taux imbattable, qui a attiré tous les géants mondiaux de la tech désireux “d’attaquer” le marché européen.
Ce dumping est une pratique bien connue au Luxembourg où l’ancien Premier Ministre, Jean-Claude Juncker, futur président de la Commission, fut un habitué du “rescrit fiscal”, qui consistait à accorder de fortes baisses d’impôts aux entreprises qui établissaient leur siège dans le pays.
Comme le montre le graphique, le dumping fiscal a puissamment enrichi ceux qui l’ont pratiqué de façon industrielle… C’est, de mon point de vue, le vrai sujet de l’Union Monétaire : elle a profité aux passagers clandestins et elle a nui aux “adeptes”.
Pourquoi la France (et l’Italie) se sont appauvries depuis 1992
Une réalité s’impose : depuis la signature du traité de Maastricht, la France est en situation de décrochage par rapport à ses concurrents germaniques. Elle s’appauvrit relativement au lieu de s’enrichir, ce qui dément le fantasme selon lequel la France s’affirmerait grâce à l’Europe. C’est plutôt l’inverse qui se produit !
L’explication du phénomène est assez simple : depuis la mise en place de la zone euro, la France emprunte aux mêmes taux que ses voisins les plus “sages”. Au lieu de se donner la peine de réformer pour diminuer ses dépenses publiques les plus improductive, elle ne cesse de renchérir les coûts de production, ce qui lui fait perdre sa compétitivité au profit d’une forme de club-médisation politiquement commode.
Beaucoup de Français croient naïvement que l’appartenance à l’Europe les oblige à l’austérité. Ils imaginent que l’Europe pèse sur leur niveau de vie en exigeant d’eux des efforts indus.
La réalité est inverse : l’appartenance à l’Europe permet à la France de s’endetter sans limite pour nourrir une bureaucratie inefficace qui étouffe progressivement les forces vives du pays. Inexorablement, le confort “bourgeois” de l’Europe, mal expliqué aux Français, les enfonce dans la paresse et la facilité.
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