En décembre 2020, le chef du service d'infectiologie à l'hôpital Pitié-Salpêtrière Éric Caumes émettait des doutes au sujet des vaccins à ARN messager, comme ceux de Pfizer ou de Moderna. Une technologie pour laquelle on «manque de recul», avait-il alors justifié, à rebours de nombre de ses confrères et consœurs qui n'émettaient aucun doute sur l'innocuité de la technique.
Trois mois plus tard, ces mêmes vaccins sont portés aux nues, tandis que le vaccin «traditionnel» d'AstraZeneca est cloué au pilori sur la base de très rares cas de thromboses soupçonnées et que celui de Janssen semble connaître un destin similaire.
Du coup, Pfizer entend bien tirer avantage de la situation. Selon le parfois controversé Premier ministre bulgare Boïko Borissov, cité par Euractiv, le laboratoire américain réclame à présent une hausse de prix de 25% pour la livraison de 900 millions de doses supplémentaires en 2021 et 2022.
Initialement négocié à 12 euros la dose en novembre 2020, le vaccin Pfizer avait finalement été acheté à 15,50 euros par l'Union européenne. Selon Borissov, la dose devrait nous coûter à l'avenir 19,50 euros.
La facture finale risque donc d'être salée. «19,50 euros pour 900 millions (de doses) coûteront près de 18 milliards d'euros à l'UE», calcule-t-il, avertissant les gouvernements européens qu'il leur faudra réviser à la hausse leur budget vaccination.
Et encore, il ne s'agit peut-être que d'un début, les négociations n'étant pas terminées, souligne le site Business AM. Par comparaison, AstraZeneca s'est engagé à délivrer son vaccin à prix coûtant, soit 1,78 euro la dose, comme l'avait fait fuiter en décembre dernier la secrétaire d'État au Budget belge Eva De Bleeker. Le vaccin de Pfizer va donc revenir 11 fois plus cher que celui de son concurrent anglo-suédois.
Endémie mon amie
Pfizer, dont le cynisme sur le comptage des doses par flacon avait déjà provoqué quelques remous, ne compte pas s'arrêter là pour pousser son avantage. Toujours animée par un puissant lobbying, la firme entend multiplier les doses «complémentaires», censées protéger des différents variants ou s'adapter à divers cas particuliers.
Le laboratoire pourra ainsi déjà bénéficier de la nécessité d'une troisième dose chez les personnes immunodéprimées et «étudie la possibilité d'une troisième dose contre les variants» à administrer six à douze mois après les deux premières. «D'abord une injection, puis deux, puis trois, puis quatre»... Jusqu'où ira-t-on comme ça? s'énerve Boïko Borissov.
Pfizer ne s'en cache même pas: cette stratégie est destinée à faire monter son cours de bourse. Frank D'Amelio, le directeur financier et vice-président exécutif de l'approvisionnement mondial de Pfizer, s'est ainsi réjoui d'une «opportunité importante» pour augmenter les prix de son vaccin, alors que la crise du Covid passe «d'une situation pandémique à une situation endémique», rapporte CBS.
«Jusqu'à présent, les prix des vaccins ne reflétaient pas ce que j'appelle des conditions normales du marché», poursuit Frank D'Amelio, sous-entendant que les négocations ne lui avaient pas été assez favorables. Mais maintenant que la demande est là, pourquoi se priver?
Le vaccin anti-Covid devrait rapporter à lui seul 15 milliards de dollars de revenus à Pfizer en 2021, avec une marge nette de 25% à 30% selon un communiqué de l'entreprise. Son chiffre d'affaires devrait atteindre 59,4 à 61,4 milliards de dollars, soit une augmentation comprise entre 42% et 47%. Pourvu que ça dure.
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