10 août 2013

Anthologie des rituels archaïques


 
C’est un peu progressivement que j’en suis venu à l’idée d’un nouveau paradigme dans la pratique musicale, que j’ai appelée la «Terza Pratica». Le fait est que du point de vue purement schématique, on peut diviser l’évolution du langage musical européen en deux périodes principales. La «Prima Pratica» a ses racines dans le christianisme, qui a reçu le statut d’idéologie d’Etat.
Malgré la diversité des styles musicaux des compositeurs des 12ème- 16ème siècles, dont nous connaissons les noms, le principe de l’objectivité émotionnelle était prédominant – la placidité, la sérénité et la quiétude émotionnelles reflétaient les conceptions extramusicales de la «musique des sphères», de l’«harmonie de l’univers» dont le centre a été notre globe terrestre. A cette époque, le facteur rationnel (l’hémisphère gauche du cerveau) régnait en maître dans l’art et la musique était au service de l’idéologie.

La publication des idées de Copernic en 1543 a littéralement traumatisé ses contemporains – la terre était en fait une province. Ce qui, bien sûr, est une rude épreuve. Apparut une expressivité subjective, personnelle, avec un immense spectre d’émotions- affects.

Monteverdi a défini cette nouvelle esthétique comme la «Seconda Pratica» (avec suprématie de l’hémisphère droit) et au cours des 17ème-20ème siècles s’est formée toute une mythologie musicale basée sur le principe de tonalité (avec la polarité majeur-mineur, joie-souffrance).Avec la Symphonie fantastique, Berlioz se plaça sur le divan de Freud. Chez Mahler ou Rachmaninov, il y a déjà une telle turbulence dans l’expression des émotions extrêmes que cela en devient un peu «malsain». Dans l’expressionnisme qui suivit, on ne détecte que détresse et désespoir.

Dans l’histoire moderne, le tournant crucial s’est produit, à mon avis, en 1945 avec Hiroshima et Nagasaki. Il est devenu suffisamment clair que l’homme a finalement cédé à ses «pulsions de mort» et à sa vocation d’apprenti sorcier, en condamnant sa propre espèce à l’extinction à assez brève échéance. Cependant, une tradition comme le Tantrisme nous enseigne qu’on peut évidemment établir un diagnostic des anomalies sinistres de l’époque qui a «réveillé des énergies qu’elle ne peut contrôler» (selon Pierre Feuga, grand spécialiste du Tantrisme), mais qu’il serait plus constructif de favoriser la guérison de la société ou se concentrer sur sa propre transmutation intérieure et sur la quête du sens et de la finalité de l’existence.

C’est dans cette optique qu’il y a plus de 30 ans, j’ai entrepris mes promenades musicales à travers les savoirs traditionnels (le Chamanisme, la Gnose, la Kabbale, le Soufisme, le Bouddhisme, etc.) pour essayer de repérer leur unité fondamentale. Je me suis laissé conseiller par mon guide intérieur.

Tout aussi importante pour moi était la pensée de Carl Jung, qui a élaboré une synthèse entre la réflexion bouddhiste (psychologie monumentale), l’Hindouisme (spiritualité philosophique) et le rituel initiatique alchimique. Il considérait que l’aspect initiatique de son concept d’individuation résulterait de la rencontre de la conscience avec les figures archétypiques de l’inconscient tels que la persona, l’anima, l’ombre, etc. Le but de ce processus d’individuation serait le concept de Soi, analogue à la définition de l’Atman (Brahman) hindouiste. Cette vision du cheminement spirituel et les Mandalas qui illustrent de manière géométrique la progression dans le labyrinthe vers le centre de notre personnalité, ainsi que l’idée de la montée de l’énergie cosmique, Kundalini, à travers les Chakras, les 7 centres psychiques de notre corps – ce procédé interdisciplinaire dans la quête d’un retour à l’esprit m’a aidé à aboutir au nouveau paradigme musical:

la Terza Pratica.

Et l’essence de ce nouveau paradigme peut être résumée par l’expression «Laissez Penser le Cœur», à la place du «laissez s’exprimer le cœur» de la Seconda Pratica.

Dans le cadre de la Terza Pratica, qui sous-entend l’activité musicale en tant qu’expérience holistique et spirituelle, les rituels, la métaphysique des nombres sacrés, les cérémonies initiatiques dans les sociétés du passé telles que le rituel de purification, les expériences alchimiques et autres, deviennent réactualisés et motivent la quête de l’individuation et de Soi, en accord avec la psychologie analytique de Jung ou la vision du monde hindouiste.

Cette façon de la mystique orientale de voir le monde avec les «yeux du cœur» m’est très familière. Pourtant, les émotions ne sont plus directement exprimées - elles sont explorées et analysées dans le cadre d’une cure thérapeutique où le patient instaure un dialogue avec soi-même et devient son propre psychanalyste. Cela crée des sortes d’émotions cognitives et intelligibles grâce à l’emploi de l’arithmosophie (le rôle du psychanalyste est joué par les nombres).

En même temps, j’ai l’impression que cette approche musicale permet d’effectuer la connexion entre le côté rationnel du cerveau et le lobe temporal droit – source de l’énergie spirituelle –, le lien dont parle le Dr. Morse dans son livre La Divine Connexion.


Et Fritjof Capra écrit dans le Tao de la Physique: «La physique et la métaphysique débouchent inexorablement toutes deux sur un savoir identique».

Je réunis toutes mes œuvres dans une œuvre globale intitulée Anthologie des rituels archaïques – A la recherche du Centre.

Source 
 http://rabinovitch-barakovsky.over-blog.com/

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.