Dans les archives dorment nombre de secrets que les historiens
n'avaient jusque là pas pris la peine de fouiller. Ce travail titanesque
a été enfin engagé et il en ressort une vérité nouvelle sur la période
compliquée de l'Occupation qui a permis à certains de troubler les
frontières entre les miliciens, les truands et les résistants.
A
l'occasion de la parution de Liaisons dangereuses, miliciens, truands, résistants, Paris 1944,
rencontre avec l'historien François Le Goarant de Tromelin dont le
travail devrait remettre en cause l'historiographie traditionnelle de
cette période, dont la vérité était jusque là légende !
Votre livre va a contre courant de la
pensée commune sur la Résistance. Pourquoi tant d'années de lieux communs sans
chercher vraiment comme vous l'avez fait dans les archives ?
Nous n’allons pas à contre courant mais nous mettons
simplement les choses au clair.
La saga de la résistance a vécu sur de nombreux mensonges et
la réalité est bien autre.
Il ne faut pas oublier que les archives étaient fermées et
qu’il était impossible de consulter les dossiers des cours de justice. Ainsi
que les dossiers du BCRA des RG de la DST de la DGSE et j’en passe.
Encore maintenant il nous est pratiquement impossible de
consulter les dossiers de la DGSE qui pourtant seraient pour nous d’une aide
précieuse.
Des tas de gens se sont infiltrés dans la “résistance“
beaucoup n’étaient même pas français.
Je ne critique absolument pas l’action de ces gens vivant en
France mais pourtant souvent ils agissaient sur l’ordre de l’étranger (parti communiste
aux ordres de Moscou par exemple)
Un cas extrême étant le commandant Pagès en réalité de
Staal. Cette personne n’était même pas française et pourtant à la libération
elle a intégré le BSM 407 (bureau de sécurité militaire) et a ordonné
l’arrestation de nombreux français, les a fait torturer dans des conditions
incroyables (il faut se rapporter au livre de Jean-Marc Berlière Ainsi finissent lessalauds)
Cet homme est un voleur de grand chemin et de plus on en est
pratiquement certain un espion soviétique !!!
La vérité est dure car elle bouscule les idées reçues.
À quel moment avez vous décidé de traquer Paul Fréchou ? Pourquoi lui ? Et vous vous prenez pour Klarsfeld ?
Je n’ai en aucun cas “traqué“ Paul Frechou, j’ai simplement
commencé par son acte de naissance, je me suis aperçu qu’il n'y avait aucune indication de
décès et j’ai donc pensé qu’il pouvait être encore en vie.
Par mes recherches dans les familles d’anciens miliciens de
très haut rang j’ai été en contact avec la fille de Pierre Gallet qui m’a mis
en relation avec le frère Frechou. Contact pris j’ai été mis en relation avec
Paul Frechou et suis allé le voir en Uruguay.
J’ai passé une semaine avec lui à le questionner sur
l’affaire Mandel, le poussant très souvent dans ses derniers retranchements.
Quand il bloquait il me disait je vais réfléchir on en reparlera demain. Il
s’est livré à moi avec une très grande sincérité et maintenant qu’il nous a
quitté je ne trahirai pas sa confiance. C’était un grand Monsieur, il n’a pas
renié son passé et s’est reconstruit en Amérique du Sud.
Je lui parlais toutes les semaines pendant deux ans et je ne
pense pas qu’il m’ait menti.
Il m’a toujours affirmé avec la plus grande vigueur qu’il
n’était pas dans le convoi qui conduisait Mandel à Vichy et que surtout il n’a
jamais ni reçu ni donné l’ordre de le tuer.
Il lui était difficile de me mentir car je connais cette
affaire à fond.
Ma connaissance toutefois était celle trouvée dans les
archives et les témoignages des miliciens ayant participé à cette affaire.
En quoi la Milice a été si importante dans la Libération ?
La milice n’a pas été importante dans la libération mais ce
serait à développer.
De Gaulle pouvait-il connaître le passé de ces hommes ?
Je ne pense pas que De Gaulle était au courant
personnellement mais ses services (BCRA) certainement.
D'après les archives que vous avez dépouillées, il y
aurait d'autres "surprises" à venir, touchant des personnalités de
premier plan ?
Dans les archives françaises il y a
beaucoup de dossiers très intéressants mais en ce qui concerne les personnalités
de premier plan il faut aller regarder dans des archives étrangères, notamment
américaines.
Un personnage à étudier tout
particulièrement est Francis Bout de l'An. Réfugié avec la Milice en Italie du
nord puis dans le Tyrol italien, il a joué un grand rôle politique dans l'Italie
de l'après guerre. Il a été récupéré par les Américains et protégé par eux au
nom de l'anticommunisme. Il faut en fait se pencher sur les réseaux Gladio.
Des écoles politiques ont été crées en
Italie et particulièrement à Milan. Les subsides venaient des grandes sociétés
italiennes (Fiat, etc.) Je n'ai pas encore pu me procurer l'intégralité des cours
politiques dispensés dans ces écoles mais j'y travaille.
Un autre personnage important de la Milice Jean
Degans, ex chef du 2° service puis directeur des RG sous Vichy, a aussi été
récupéré et protégé en premier lieu par l'Eglise puis ensuite par les
Américains. Ce personnage tout particulièrement secret est à étudier
soigneusement. Il ne faut pas oublier qu'au nom de l'anticommunisme après
guerre un certain nombre de gens furent recyclés bien entendu après que le
Rideau de Fer se soit abattu sur l'Europe. Il ne faut pas oublier que tous ces
gens la n'était pas des traitres (du moins certains) mais des nationalistes
farouches qui se sont trompés lourdement et qui ont payé le prix fort.
Que pourrait nous apprendre une
"vraie" histoire de la Milice sur la seconde moitié du XXe siècle ?
En ce qui concerne la milice, tout est à
faire, son histoire est entièrement à écrire mais il faut bien garder en
mémoire que la milice n'est pas un bloc homogène, elle est très différente dans
chaque département en fonction de ses chefs et il existe une très grande différence
entre la zone nord et la zone sud. Une véritable étude politique du mouvement
reste à faire.
La milice fut diabolisée par les vainqueurs
et tout particulièrement par les communistes, tout ce qui était en bleu avec un
béret a été assimilé à la milice, c'est souvent faux. On a mit tout dans un
même sac et on a secoué, toutes les exactions furent mises sur le dos de la
milice et quand on y regarde de plus près on s'aperçoit que c'est loin d'être
la vérité. Toutefois une histoire de la milice ne doit pas être une
justification de son action ni non plus un catalogue d'atrocité. Il faut essayer
de comprendre comment on est arrivé à une telle situation, les mauvais
n'étaient pas toujours du même coté et je crois que notre livre le prouve bien.
Propos recueillis par Loïc Di Stefano
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