Lorsque Barbara, au marché, entre deux tracts tendus aux passants, nous a convaincu malgré tout de tendre l’oreille en direction de ces témoignages grecs, nous ne nous doutions pas un instant de ce que nous allions écouter.
Surtout, nous n’imaginions pas que notre émotion serait telle que, nous le reconnaissons, nous l’avouons, notre gorge étoufferait, nos oreilles supplieraient pour stopper l’écoute, nos yeux s’empliraient de ce liquide qui quelques fois annonce la joie, mais qui là allait révéler une profonde tristesse, une incroyable révolte aussi.
Témoigner, absolument, sans fausse pudeur mais sans étalage aussi. Simplement, sobrement, pour de vrai. Et dire, naturellement, sans retenu mais sans exubérance qu’avec l’austérité la seule question, l’unique question qui habite chaque Grec désormais est désarmante : COMMENT RESTER VIVANT ?
Comme cette cadre, dès la 2ème minute, à qui on demande de passer ouvrière pour ne pas perdre son job, tout en poursuivant son travail de cadre. Elle ne gagnera plus alors ses 1300 €, elle ne touchera plus que 740€.
Ou cette autre femme, qui, à la 6ème minute, explique cette loi que son gouvernement fait voter au nom de la flexibilité et qui supprime sa convention collective. Le SMIC passera alors de 751 € à 480 en quelques mois. “Evidemment, on ne peut pas vivre avec çà” ajoute-t-elle avec cette pudeur que quelques pigeons n’auront jamais. Elle poursuit et dit, à la 9eme minute, comment ses enfants continuent la musique parce que la solidarité s’est mise en place, parce que quelques amis de France lui envoient chaque mois 300 €. La journaliste ne comprend pas pourquoi cette somme va à la culture de ses enfants plutôt qu’à l’essentiel. Elle crie alors doucement, elle clame alors calmement comment “l’art, la culture nous permettent de nous nourrir l’âme et on comprend mieux à quel point c’est vital”.
Puis, de la 12ème à la 18ème minute, la journaliste énumère toutes les “réformes” de l’austérité. Gel des salaires dans la fonction publique, puis baisse des salaires. Loi instaurant la baisse des salaires dans le secteur privé, qui d’habitude déteste la loi. Non remplacement de 4 fonctionnaires sur 5. Augmentation de la durée de cotisation et relèvement de l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans. Les accords d’entreprises prévalent sur les conventions collectives, puis gel brutal des conventions collectives. Le seuil de non imposition passe de 12000 à 8000 € puis à 5000 € par an. Démarre une vague de privatisation d’entreprises publiques. Mise au chômage “technique” de 45 000 fonctionnaires. Création d’une grille de salaire unique. Baisse de 32% des salaires des moins de 25 ans. Arrêt des hausses de salaire basées sur l’ancienneté. Baisse de 15% des retraites complémentaires. Suppression de 150 000 postes de fonctionnaires d’ici 2015. Baisse des allocations familiales. Mais cela ne suffit pas. L’Union Européenne suggère que les Grecs passe de la semaine de 5 jours à la semaine de 6 jours de travail. Le FMI et la BCE suggèrent quant à eux une loi pour faciliter les licenciements et réduire les indemnités chômage. Cinq longues minutes, cinq énormes minutes nécessaires pour égrainer toutes les attaques, toutes les agressions, toutes les tentatives d’assassinat. Alors, la question de départ “COMMENT RESTER VIVANT” ? prend son sens véritable et les larmes que nous avions contenus jusque là sortiront finalement à l’écoute des témoignages suivants.
Comme cette Française, habitante du Péloponnèse depuis plus de vingt ans, qui explique, à la 19ème minute, sobrement, pudiquement, sans colère, sans haine, comment son beau père en quête d’une transfusion de plaquettes pour combattre sa leucémie, sera perfusé dans un couloir d’un hôpital qui n’a plus les moyens d’avoir une chambre stérile. Comment cet hôpital demande alors à la famille d’acheter le matériel de perfusion car il n’en a plus. Comment il a fallu se battre pour que le dernier souffle de cet homme ne soit pas poussé dans ce couloir bondé mais dans une chambre moins surpeuplée. Et elle conclut, presque poliment “visiblement, le social n’est pas le souci premier de la politique de la Troïka”.
Elle explique alors, cette Française si sobre, si neutre, comment les enfants de sa ville n’ont pas de manuels scolaires car le papier pour imprimer les livres est trop cher pour le budget communal, comment les enfants de sa ville iront, cet hivers, dans une école non chauffée car aucun crédit n’a été prévu pour cela. Puis elle lance :” on va droit dans le mur, et le mur c’est Aube Dorée qui fait des scores incroyables”.
Mais cessons là la retranscription de ces témoignages. L’émission existe. A vous maintenant de l’écouter. Et soyez prévenus. Le principal obstacle ne sera pas la petite heure que dure l’émission. Mais bien plus ces récits de vie qui chaque jour posent cette incroyable question au coeur d’une Europe prix Nobel de la paix : COMMENT RESTER VIVANT ?
Sydne93
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