Dans cet entretien, l’auteur de « Macron : le président ventriloque » (Gallimard) revient également sur l’IA, sur son combat pour la défense de la langue française et pour le réarmement intellectuel.
Epoch Times – Arnaud Upinsky, depuis plusieurs années, divers classements et études font état de l’effondrement du niveau des élèves, mais également de la baisse du QI des Français. L’école est souvent jugée responsable de cet effondrement du niveau intellectuel. Est-elle la seule cause ?
Arnaud Upinsky – Tout d’abord, je dirai que sans réarmement intellectuel et sans défense de la langue française, il n’y a pas de salut. La cause est très profonde et vient de très loin. C’est la politique de destruction de l’école que je dénonce depuis 1977. À l’époque, j’avais écrit mon premier livre à ce sujet : « 2+2 = 5 : de nouvelles mathématiques pour une nouvelle société ».
Il y a bien un rapport entre une réforme de l’enseignement et une modification de la société. Et maintenant, nous le voyons, nous nous dirigeons vers le « tout mathématique » et le « tout intelligence artificielle », ce qui est le contraire de l’intelligence naturelle.
« L’intelligence artificielle » (IA) va être de plus en plus présente dans nos vies. Elle était mise en avant au salon Vivatech cette semaine à Paris. Certains la voient comme une source de progrès et d’innovations, et d’autres s’inquiètent et l’analysent comme une source de danger. Quelle est votre vision de l’IA ? Peut-elle rendre l’homme plus intelligent ou au contraire, participer à une forme d’abêtissement de ce dernier ?
Je dirai que l’IA est une forme d’abêtissement de l’humain. Cela fait partie d’une politique. Je me bats depuis des décennies contre le « Tout mathématique », et j’ai publié dans le Quotidien de Paris, en 1982, un article au titre choc : « Les mathématiques et le numérique, voilà l’ennemi ! » Je disais, à l’époque, qu’un jour l’évolution du sens des mots et de la société serait telle qu’il serait alors possible de parler d’intelligence artificielle sans être contredit. C’est ce qui se passe maintenant.
L’intelligence artificielle est une duperie sémantique. Toute la ruse a été d’appeler ça « intelligence » alors qu’il s’agit en réalité de robotique et d’algorithme. Le but de la réforme des « mathématiques modernes », a été d’abaisser constamment l’intelligence naturelle des enfants et de la remplacer par la calculette ou la machine, de manière générale, pour ensuite qu’elle soit commandée par cette IA.
Ces derniers mois, les faits de violences impliquant de très jeunes individus se sont multipliés. On parle également de manière générale, d’ensauvagement de la société. Voyez-vous une corrélation entre l’effondrement de l’intelligence et l’augmentation de la violence ?
Oui tout à fait. La civilisation consiste justement à débattre et, aujourd’hui, il n’y a plus de débat ni de discussion. Par conséquent, moins les individus se comprennent, plus ils deviennent violents. On le remarque dans l’étude des crimes. Une personne passe à l’acte quand elle n’a pas plus de solution d’intelligence, de réflexion, ni de capacité à dialoguer.
Cette violence est donc le résultat mécanique, c’est-à-dire mathématique, de la destruction des lettres.
Vous êtes un ardent défenseur de la langue française. Qu’est-ce qui menace principalement notre langue ? La langue anglaise ?
Il faut bien comprendre que la langue française est la langue de l’universalité.
Il y a toujours eu en Europe, une compétition entre la France et l’Angleterre. Jusqu’à la Révolution, l’Europe était française et notre langue dominait. Après 1789, le système anglais a pris le pouvoir en France. Et là, le déclin de la France a commencé et se poursuit aujourd’hui. Ce n’est pas par hasard si le président Macron parle anglais.
J’ai mené tout un combat avec l’Académie française et mis en place en janvier 2017 une pétition pour refaire du Français, la langue commune de l’Europe. C’était logique, étant donné que les Britanniques s’étaient prononcés en faveur de la sortie de l’UE un an auparavant.
Évidemment, le président Macron a contre-attaqué et lors d’un déplacement à Ouagadougou il a affirmé que c’était aux Africains de promouvoir le Français, puisque notre langue n’était plus croissante en Europe.
Ensuite, il a fait l’apologie du plurilinguisme à l’Académie française. L’hégémonie anglaise est une politique. On le voit à Sciences Po où 40% des cours sont en anglais.
Je suis arrivé à la conclusion qu’il y a de la part de l’Académie française, une trahison. Elle ne défend plus notre langue. Elle s’est transformée avec le temps en succursale des éditeurs. Il suffit d’aller sur le site de l’Académie française pour y voir que les Académiciens ne cessent de faire la publicité des livres qu’ils ont publiés.
Il n’y a pas d’authentique défense de la langue française et je tiens à dire que c’est catastrophique pour l’humanité, puisque la langue française véhicule justement des principes contraires à ceux de l’intelligence artificielle, alors que l’anglais, évidemment, qui n’est qu’un dialecte du français, comme le relevait le Président Clémenceau, nourrit cet abêtissement généralisé.
Emmanuel Macron a mentionné lors de ces diverses prises de paroles ces derniers mois, le terme de « réarmement ». Vous êtes le fondateur du concept et du blog : « Réarmer l’intelligence ». Par quoi passe, selon vous ce réarmement intellectuel ?
Pour ses vœux du 1er janvier 2024, le Président de la République a effectivement mentionné neuf fois ce terme. Il en a appelé au réarmement économique, industriel, civique, scientifique, technologique, de l’État, des services publics, de la Nation et de la souveraineté européenne. Mais il n’a jamais parlé de « réarmement intellectuel », alors même qu’il est la clef de voûte de tous les autres réarmements, et il n’a même pas mentionné le nécessaire réarmement de l’école !
Ce n’est pas par hasard si j’en appelle au réarmement de l’intelligence depuis plusieurs décennies en démontrant que ce réarmement vital passe nécessairement par la défense de la langue française.
D’ailleurs, lorsque je me suis présenté à l’Académie française, sous l’égide de l’académicien Philippe Beaussant, Président de l’Association de Défense de la Langue française ( DLF), c’était à la suite de l’appel public lancé par Hélène Carrère d’Encausse le 5 décembre 2013, un appel notamment destiné au président Hollande. Elle lui demandait de faire de l’année 2014, l’année de la reconquête de la langue française. Je suis le seul candidat à avoir répondu à cet appel, auquel François Hollande, protecteur statutaire de l’Académie française, n’a d’ailleurs pas daigné répondre.
Avec Madame Carrère d’Encausse, qui s’était fait appeler « Madame le Secrétaire perpétuel », l’Académie française était restée dans la tradition de défense de notre langue et notamment du masculin générique.
Mais hélas, ensuite l’Académie a baissé les bras et s’est alignée sur le courant de défaite de la langue française face à l’anglais. Et c’est donc en toute logique, sous l’impulsion de l’Académicien Jean-Denis Bredin, le 13 janvier 2019, pour sauver l’honneur de l’Institution, que j’ai dû faire, en son nom, la « Réponse de l’Académie français au Président de la Cour de Cassation », sur l’importance judiciaire vitale du « masculin générique », pour assurer le nécessaire réarmement de la Justice par la défense de la langue française.
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