L’entrée de Tulsi Gabbard dans l’équipe de transition de Trump est bien plus qu’une opération classique de reclassement à l’occasion d’une élection présidentielle. Gabbard a un rôle très particulier à jouer auprès de Trump (qu’elle avait commencé à jouer avant l’annonce de ce ralliement) : comment battre, voire écraser Harris dans les débats publics de l’élection, et notamment le ou les face-à-face télévisés.
Pourquoi elle ? Parce que, le 4 novembre 2019, elle écrasa littéralement Kamala dans le débat pour les primaires démocrates et la conduisit à abandonner la course à la présidence. Sa médiocrité complète (celle de Kamala) lui valut d’être repérée par le DNC (direction du parti) et choisie comme colistière vice-présidente de Biden : le ‘dream team’ des pieds-nickelés était au complet.
Il y a donc, dans l’affrontement avec Harris, un compte personnel à régler indirectement entre Tulsi et Kamala, par Trump interposé. Gabbard n’a pas oublié ni vraiment accepté son élimination forcée qui intervint quatre mois après son affrontement avec Harris : le DNC, qui connaissait la valeur de Gabbard et ce qui l’intéressait, son potentiel médiatique (elle avait été sa vice-présidente jusqu’en 2016), pensait fort logiquement qu’il fallait se débarrasser d’elle pour que Biden continue, solitaire et splendide, sa route vers la nomination de 2020-2021.
Harris a choisi l’axe de sa campagne : vivre dans la joie, correspondant à son rire continuel : devant telle catastrophe, telle effronterie, tel massacre, tel mensonge, telle trahison, telle corruption, tel asservissement,– en faire un objet d’une joie légitime et rire, rire, plutôt qu’essayer stupidement de changer les choses. Est-ce que cette ligne est attractive ? Je me demande si l’aveuglement des gens courants, vertueux, démocrates comme-il-faut, ira jusqu’à gober la chose, – et je ne suis pas loin de pense avec une infinie tristesse que oui, c’est bien possible, – que c’est même probable puisque l’asservissement leur est motif de joie...
Seulement, il y a Tulsi Gabbard. Elle n’est pas directement opposée à Kamala mais elle pèsera sur la campagne de la candidate de tout le poids du segment de vidéo montrant Tulsi qui la désintègre en novembre 2019, comme un symbole catastrophique. Un employé de la campagne de Harris qui a été éjecté a raconté qu’à un des exercices de préparation des publicitaires pour les discours et les débats, on avait proposé de repasser cette vidéo pour corriger les erreurs d’attitude et de réponse de Kamala, et que Kamala était entrée dans une sorte de fureur terrorisée, refusant de regarder le visionnage et interdisant désormais l’utilisation du segment. Gabbard a une importance symbolique énorme dans cette campagne.
Prenez le segment de FoxNews d’il y a quelques jours, – où d’ailleurs est répétée la vision de la désintégration de Kamala, – où le journaliste Asman lui demande pourquoi elle a choisi Trump. La réponse de Gabbard (« C'est personnel pour moi », présenté par Taylor Durden) esquisse la piste d’explication que je veux explorer. Lisez et notez bien combien l’expression « mes frères et sœurs en uniforme » revient souvent, et même systématiquement dans les discours, conversations et interventions de Tulsi Gabbard.
David Asman : « Puisque vous et RFK faites partie de la campagne Trump, expliquez-nous pourquoi vous avez choisi Trump ? »
Tulsi Gabbard : « Le choix dans cette élection est très clair et les différences entre le président Trump et la vice-présidente Harris ne pourraient pas être plus marquées. Franchement, pour le dire simplement, le choix du peuple américain est un choix avec Donald Trump, un homme qui valorise la paix, la prospérité et la liberté. Son bilan le prouve. Et la vice-présidente Kamala Harris, dont le bilan montre un gouvernement de plus en plus tyrannique qui porte atteinte à nos libertés. Nous sommes empêtrés dans de multiples guerres et le monde est plus proche que jamais du bord de la guerre nucléaire, avec des difficultés économiques croissantes pour les Américains tout au long des trois ans et demi où elle a été vice-présidente des États-Unis. Le contraste ne pourrait pas être plus clair.
» C'est une affaire personnelle pour moi, le soutien au président Trump. En tant que soldat pendant plus de 21 ans [elle est actuellement colonel dans la Garde Nationale d’Hawaii], j'ai été déployée dans de multiples zones de guerre dans différentes parties du monde, mettant ma vie en jeu pour la sécurité et la liberté du peuple américain. Il est important pour moi et pour chacun de mes frères et sœurs en uniforme que nous ayons un commandant en chef qui valorise chacune de nos vies, qui assume très sérieusement cette responsabilité de commandant en chef et qui épuisera toutes les voies diplomatiques avant de considérer la guerre comme un dernier recours.
» Le dernier point que je voudrais soulever à ce sujet – un autre point de contraste – est que le président Trump a montré au cours de son dernier mandat que non seulement il n’a pas déclenché de nouvelles guerres, mais qu’il a pris des mesures pour les empêcher en rencontrant courageusement ses adversaires, ses alliés, ses partenaires, ses dictateurs. Il rencontrerait quiconque était nécessaire pour rechercher la paix. Kamala Harris a critiqué Donald Trump pour avoir fait exactement cela. Cela montre que si elle est élue présidente, elle ne fera pas ce qui est nécessaire pour rechercher la paix, et je suis sûr qu’elle nous entraînera très rapidement dans une guerre pour masquer la faiblesse et l’insécurité qu’elle ressent et essayer de projeter de la force en utilisant la vie de mes frères et sœurs en uniforme pour y parvenir. »
Gabbard a fait deux déploiements en Irak, notamment comme chef du service médical de son unité. Son travail était de recenser et visiter tous les points d’urgence improvisés, les hôpitaux de fortune, tout cela mis en place au cœur de l’action pour recueillir les blessés en attendant leur évacuation. Elle a pu voir la bataille de près sinon en cours et ces amas de chairs sanglantes, cette douleur et cette souffrance de blessures d’autant plus effrayantes qu’elles étaient pour la plupart causées par des mines, des roquettes, des obus, ces choses qui déchirent les chairs plutôt que les percer comme les balles. Elle en a gardé un poignant souvenir pour « mes frères et sœurs en uniforme » et pour tous les soldats du monde finalement, que mutilent et massacres ces guerres d’autant plus cruelles qu’elles sont inutiles, – celles de l’Amérique, des neocon, d’Hillary Clinton, des bureaucrates et des “experts” en col-blanc et chemise sans cravate... Celles qui font rire Kamala Harris.
On a beau, comme toujours, lancer toutes sortes de soupçons contre elle (globaliste déguisée, membre d’une secte d’extrême-droite, adepte dissimulée des folies-Woke, agent.e de Poutine assermentée), ce que je viens d’évoquer est pour moi l’essentiel de la démarche de Gabbard. Son importance dans la campagne est à la mesure de cette vérité-de-situation qui lui donne une stature impressionnante, cette communion qu’elle nous impose avec les souffrances de tous ses « frères et sœurs en uniforme », soldats de son pays et des autres, civils massacrés, toute cette écume sanglante de nos jours de la Fin des Temps. Il y a là comme un miracle mystérieux de la communication qui peut être si nuisible en d’autres occurrences (effet-Janus) : il a permis de mettre en vedette pendant des années cette jeune femme, de lui donner un statut à part et comme une mystérieuse protection alors que, dans des conditions normales, avant l’apparition du système de la communication comme force mystérieuse, elle eut disparu, emportée par les rumeurs et les accusations.
Gabbard est une rescapée de l’expérience vécue d’une époque infernale, y compris celle de la désintégration de Kamala en quelques minutes de débat comme celle de la société déconstructionniste du monde politique et du showbiz de Washington D.C. Elle n’a pas de rôle officiel direct dans la campagne mais elle s’y trouve officiellement impliquée. Kamala le sait et, à franchement parler, je crois que cette pauvre psychologie et cette piètre intelligence de la candidate démocrate commandent chez elle une terreur indicible qui vaut bien un de ses fameux éclats de rire.
Si Kamala est battue, Trump devra reconnaître la part qu’a prise dans cette défaite la tirade superbe de Tulsi Gabbard désintégrant par anticipation la candidate démocrate.
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