Les producteurs français demandent un déblocage de la réserve agricole européenne et un relèvement des aides « de minimis » pour faire face aux mauvaises récoltes, mais le gouvernement préfère attendre la fin des moissons pour s’engager.
« Plus on avance dans les moissons, plus c’est décevant. C’est probablement la pire année pour le blé tendre depuis 2016 », explique à Euractiv Philippe Heusele, secrétaire générale de l’Association générale des producteurs de blé en France (AGPB).
Avec les pluies abondantes depuis l’automne 2023, les céréaliers et les producteurs de blé en particulier sont au plus mal dans l’ouest de l’Europe, frappés par la baisse des surfaces et des rendements en berne.
Lundi 29 juillet, le ministre français de l’Agriculture Marc Fesneau s’est rendu dans une exploitation du centre de la France pour annoncer des « dispositifs exceptionnels de soutien à la trésorerie, mobilisables au plan national et européen ainsi que l’action des banques et assurances ».
Si le ministre a évoqué la possibilité d’engager avec Bruxelles des discussions sur la mobilisation de la réserve agricole européenne, rien n’est encore décidé.
En attendant, l’AGPB appelle le gouvernement à « débloquer » ces fonds.
La réserve de crise agricole est un mécanisme d’aide européen de la PAC doté de 450 millions d’euros par an visant à soutenir financièrement les agriculteurs en difficulté.
Elle a été activée pour la première fois en 2023 suite à l’agression russe en Ukraine, et mobilisée notamment cette même année pour aider les pays de l’Est de l’Europe à faire face à l’augmentation des importations de céréales et oléagineux en provenance de l’Ukraine voisine.
En novembre 2023, Paris avait octroyé six millions d’euros aux viticulteurs du sud de la France afin de lutter contre les effets de la sécheresse.
Perte des rendements en Europe
Selon Philippe Heusele, la France devrait produire cette année 62 tonnes de blé tendre à l’hectare, soit une baisse de 15 à 17 % par rapport à 2023.
Les cultures d’hiver sont les plus affectées par les pluies incessantes, tombées en continu pendant la phase de croissance des plantes.
L’orge d’hiver accuse aussi le coup avec des récoltes qui chutent de 21 %.
Même constat en Allemagne : le deuxième producteur européen après la France voit ses rendements d’orge d’hiver baisser de 6 % selon les dernières projections de l’Association des agriculteurs allemands (DBV).
Pour le colza, la France observe une perte de 7,7 % et l’Allemagne de 10 % en 2024.
Dans l’est de l’Europe, les conditions semblent légèrement plus favorables pour ces cultures. En Roumanie, autre producteur majeur, la production s’annonce meilleure que l’année dernière selon le service de surveillance des cultures de l’UE (MARS) — 4,65 tonnes à l’hectar contre 4,55 en 2023.
À l’échelle de l’Union, dans son dernier rapport de juillet 2024, l’agence européenne annonce une moyenne de production de blé autour de la moyenne de ces 5 dernières années.
« La production totale de l’UE [est] prévue à son plus bas niveau depuis quatre ans, soit 128,7 millions de tonnes », prévenait tout de même le groupe d’experts pour l’organisation commune des marchés agricoles, lors d’un meeting fin juillet.
Réserve de crise
« Le ministre a annoncé qu’il regarderait ce qu’on pourrait éventuellement faire comme dispositif d’aide en trésorerie avec la réserve de crise », a indiqué à Euractiv une source du ministère de l’Agriculture français.
Selon un règlement d’exécution de la Commission européenne du 14 Juillet 2023, les aides de la réserve de crise peuvent être débloquées par les États membres, après notification à la Commission européenne, pour les secteurs agricoles touchés par « des problèmes spécifiques ayant une incidence sur la viabilité économique des producteurs agricoles« .
Lors du Conseil « Agriculture et Pêche » du 27 mai dernier, les ministres de l’Agriculture des États membres ont annoncé vouloir renforcer ce fond.
Ils ont également demandé une augmentation des aides « de minimis » pour le secteur agricole — les aides que les États peuvent octroyer sans en informer la Commission — de 20.000 euros aujourd’hui à 50 000 euros par exploitation sur trois ans.
Une demande que soutiennent les producteurs, en particulier l’AGPB.
Si le ministère n’a pas prévu pour le moment de passer par ces aides « de minimis », le sujet du plafond a bien été « abordé », selon la source, qui précise « qu’il y a très peu de chance que le plafond [de 20 000 euros] soit atteint » pour chaque exploitation.
Marc Fesneau, qui gère les affaires courantes avant la constitution d’un nouveau gouvernement, devrait préciser ces aides nationales et européennes au moment de la présentation du bilan des moissons, à la mi-août.
La réserve de crise agricole de l’UE : de quoi s’agit-il ?
La réserve de crise agricole a été activée l’année dernière pour la toute première fois afin d’apporter un soutien aux agriculteurs de l’UE suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Selon la Commission européenne, elle pourrait être utilisée à nouveau cette année.
[Édité par Anne-Sophie Gayet]
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