21 juin 2024

Le cynisme naïf des USA et la surprise russe


En fait, il n’est pas tant question d’actions spécifiques des USA mais plutôt de la surprise considérable des USA (et du reste du camp américaniste-occidentaliste) devant la capacité et la rapidité qu’ils jugent extraordinaire des Russes à se faire des alliés. Mais de surprise, il en est question aussi pour nous : mille fois renouvelée, la surprise devant la surprise des USA aux conséquences évidentes de leurs vices métahistoriques également évidents. Nous sommes une “civilisation” qui semble tant affectionner la répétition sans fin de nos erreurs.


Jamais, jamais jusqu’à la fin (d’ailleurs assez proche et de plus en plus proche), l’Amérique ne cessera de nous étonner par la naïveté de ses croyances absolument inéluctable en ses propres mensonges, qui dépasse souvent sinon toujours en intensité le risque de la constance de la franchise des Russes. L’Amérique est une piètre lectrice, qui a pris Superman et Captain America pour les frères jumeaux (ils étaient deux, selon la CIA) Niccolo di Bernardo Machiavelli et Bernardo di Niccolo Machiavelli. Les Russes, eux, ont lu et relu Dostoïevski et n’ont jamais varié parce qu’avec Dostoïevski vous pouvez aisément tenir votre ligne et comprendre le monde entier.

Analysant un texte de Wall Street ‘Journal’, RT.com met en évidence cette naïveté américaniste pour son propre cynisme et ses propres vilenies et pour le comportement de son ennemi favori en titrant (nous y ajoutons un troisième facteur de cette surprise) :

« Les Etats-Unis surpris par la rapidité avec laquelle la Russie a noué de nouvelles alliances - WSJ

» Washington n'a pas vu venir l'ouverture de Moscou vers Pékin, Pyongyang [et Hanoï]. ».

L’idée est assez simple et elle nous paraît à vrai dire évidente, mais il semble bien qu’elle mérite un long article d’explication et d’analyse de l’un des plus grands journaux de l’américanisme. De ce fait, elle mérite indirectement un article de notre part ; ne serait-ce que pour constater et tenter d’expliquer le mystère de cet aveuglement.

RT. Com poursuit pour expliciter son titre et sous-titre :

« Le président russe Vladimir Poutine a signé mercredi un traité de partenariat stratégique et de défense mutuelle avec la République populaire démocratique de Corée, avant de s'envoler pour le Vietnam. Le voyage de Poutine en Chine le mois dernier a incité un responsable politique américain à déclarer que des décennies d’efforts américains pour séparer Moscou et Pékin avaient échoué.

» “La rapidité et l’ampleur de l’expansion des liens de sécurité impliquant les adversaires américains ont parfois surpris les analystes du renseignement américain. La Russie et les autres pays ont mis de côté les frictions historiques pour contrer collectivement ce qu’ils considèrent comme un système mondial dominé par les Etats-Unis” a rapporté mercredi le WSJ. »

Suivent une série d’accusations, dont certaines sont sans doute et certainement infondées, et d’autres sans doute et certainement fondées, sur des liens de livraisons de matériels sensibles et d’armements de ces pays vers la Russie (dans le cadre de la guerre en Ukraine). La chronologie des événements fait que le Vietnam, où Poutine a reçu un accueil absolument triomphant, n’est pas mentionné, et les habitudes font que l’Iran est à juste titre rajouté à cette liste des “nouveaux” (?) alliés que s’est fait Moscou, au détriment de Washington dont on sait qu’il régnait en maître pour surveiller et continuer à forcer, par le clin d’œil ou la menace, ces pays à rester dans le droit chemin, – celui de l’insondable naïveté du cynisme de l’américanisme, le seul empire parvenant à marier cynisme et naïveté au plus haut degré de l’hybris.

« Les “liens de sécurité élargis” de la Russie avec la RPDC, la Chine et l'Iran n'équivalent pas à une alliance militaire de type OTAN, mais semblent être “une série d'échanges bilatéraux”, ont déclaré des Américains anonymes au Journal. Les transferts de technologie impliqués risquent d'améliorer les capacités à long terme de tous les pays concernés, menaçant ainsi les États-Unis, ont-ils ajouté. »

Mais on poursuit cette revue instructive des évidences, avec le même article précédé d’un extrait d’un autre article intégrant la visite du Vietnam et y ajoutant celle de la flotte russe à Cuba... :

« Mercredi, le président russe Vladimir Poutine s'est rendu au Viêt Nam, où les deux pays se sont engagés à renforcer leur coopération militaire et ont lancé un centre de technologie nucléaire. Cette visite a eu lieu immédiatement après que Poutine se soit rendu en Corée du Nord pour la première fois depuis des décennies et quelques jours seulement après qu'une flottille russe à capacité nucléaire se soit rendue à Cuba et au Venezuela... » (‘SputnikNews’)

« ...Au début du mois, lors du Forum économique international de Saint-Pétersbourg, Poutine a annoncé que la stratégie russe en matière de relations économiques avec le “Sud global” impliquerait des partenariats fondés sur “des transferts de technologies et de compétences plutôt que sur le contrôle du marché”.

» Moscou a également indiqué qu'elle se tournerait vers le “Sud global”, qui a été aliéné par le comportement de l'Occident dans le conflit ukrainien. Les tentatives des États-Unis et de leurs alliés d'isoler la Russie se sont soldées par un “échec total”, a déclaré le ministre russe des affaires étrangères, Sergei Lavrov, en février. »

Enorme hubris, considérablement stupide

De fait, cette idée dite plus haut à propos de l’attitude américaniste, qui est aussi décisivement devenue américaniste-occidentaliste (Européens compris) comme si la proximité du naufrage les rapprochait, – selon laquelle cette attitude “mérite indirectement un article de notre part ; ne serait-ce que pour constater et tenter d’expliquer le mystère de cet aveuglement”, – tout cela est une profonde erreur. Il n’y a pas de mystère dans ce “mystère de l’aveuglement” que l’on trouve chez les américanistes-occidentalistes. Comme un poison, comme un virus, comme un hyper-Covid-24, il se construit méthodiquement dans la psychologie américaniste, qui est devenue à la fois la psychologie de la modernité et, par conséquent, celle de la civilisation occidentale et de l’Europe.

Ce n’est pas dans l’histoire qu’il faut chercher les explications de l’évidence, – l’histoire tant de fois revue, renversée, amendée, falsifiée, incomprise ou méprisée selon nos intérêts de l’instant, – bref, l’histoire qui ne nous dit rien de solide pour le temps présent et pour notre comportement ontologique sinon de mettre en évidence nos tares du temps présent et non du passé. La clef se trouve bien dans la psychologie de l’américaniste-occidentaliste et la politique monstrueuse dont elle a accouchée. Les américaniste s’étonne de la rapidité des Russes à se faire des alliés parce que les Russes ne traitent pas leurs alliés comme le font les américanistes-occidentalistes, de la façon dont nous l’exposions pour expliquer la “politique des sanctions” qui est l’un des principaux liens entre les américanistes-occidentalistes et leurs alliés :

« Si l’on veut bien une hypothèse métaphorique, parce que la “politique des sanctions” est le signe actuel de la surpuissance américaniste, – ce qui lui en reste, son dernier avatar et râle d’agonie, – et que cette surpuissance engendre nécessairement l’autodestruction. Notre équation fondamentale de l’effondrement du Système est ainsi démontrée une fois de plus.

» Le personnel dirigeant américaniste est parfaitement équipé pour mener à bien cette tâche qui n’est que partiellement la satisfaction d’un énorme hubris considérablement stupide. Son comportement va dans ce sens, qui le fait évoluer dans un univers singulier où les rapports de cause à effet sont soumis à diverses et très-puissantes nécessités psychologiques et bureaucratiques qui priment sur toute réalité.

» • Les traits psychologiques auxquels nous faisons allusion pour décrire cette “nécessité psychologique” ont déjà souvent été identifiés et explicités sur ce site. Ils assurent une sorte d’invincibilité d’une crédulité d’une puissance colossale, et d’une puissance si complètement mécanisées que nous avançons même pour les qualifier l’expression de “technologies psychologiques” qui rapproche de plus en plus l’américaniste-type (le serviteur du Système et élite-zombie) de la robotique et de l’intelligence réduite à son artificialité...

» Coup d’œil de rappel de ces traits psychologiques : “Ces deux ‘technologies psychologiques’ [...] sont deux traits psychologiques qui relèvent de la féérie-fantasy propre à l’américanisme, et qui sont aujourd’hui exacerbées jusqu’à la folie, – soit l’inculpabilité (‘sentiment de l’absence à terme et décisivement de culpabilité de l’américanisme quelle que soit son action’) et l’indéfectibilité (‘sentiment de la certitude [de l’américanisme] de ne pouvoir être battu dans tout ce qui figure conflit et affrontement’), tels qu’ils sont explicités dans [ce textequi rappelle leurs caractères”... »

Tout ce lourd bagage que tout le monde commence à bien connaître tant la querelle avec la Russie le met en évidence explique pourquoi les pauvres américanistes-occidentalistes éprouvent de plus en plus de peine à se faire des alliés au contraire des Russes, et même de plus en plus tendance à perdre leurs alliés, souvent au bénéfice des Russes... Et ils ne comprennent pas cette étrange processus ! Une bonne guerre ne permettrait-elle pas de mieux comprendre ?

Une “bonne guerre” permettrait enfin aux américanistes-occidentalistes de faire étalage de toutes les valeurs qu’ils portent dans leur besace pour mieux les distribuer aux divers  indigènes découpés en rondelles. Qui expliquera aux bureaucraties du département d’État, de la CIA, du Pentagone pourquoi le Vietnam écoute avec plus d’intérêt et d’attention les Russes, plutôt que les américanistes-occidentalistes qui bombardèrent leur pays pendant plusieurs décennies pour faire de la place pour les “valeurs” qu’ils leur apporterait quasiment sans frais de port...

 « De plus en plus, “le ‘moindre mal’ apparaît aussi mauvais que ce [le fascisme, ou les Russes] contre quoi il met en garde”, dit le commentateur politique Phil Kelly. “Quand les gens parlent des valeurs européennes et ‘qu’il y a une différence entre les libéraux et le fascisme [ou les Russes]’, je ne comprends pas ce que ‘valeurs européennes’ signifie parce que l'Europe est le continent qui a construit Auschwitz. L’Europe est le continent qui a colonisé l’Afrique, l’Asie et de vastes pans de l’Amérique latine. Certains des pires crimes de l’histoire de l’humanité ont été commis par l’empire belge au Congo.”

» “C’est encore une fois le continent qui a donné naissance aux nazis, où l’ancien Premier ministre britannique Boris Johnson posait cette semaine encore avec des membres de la Brigade Azov et disait que l’Ukraine devrait recevoir des armes avec des armes à feu. qu'ils devraient attaquer la Russie et tirer des missiles en Russie. Donc cette idée des valeurs européennes me semble absurde”.

» “Ce sont les valeurs européennes dont l’Ukraine est censée être le bouclier ? Démocratie et liberté européennes ? L’Europe est à la hauteur de son héritage historique, celui d’un cartel de gangsters criminels créant la misère à travers le monde...”. »

Décidément, il s’agit bien de cela : un cartel de gangsters évidemment criminels, mais tout de même beaucoup plus stupides et remarquablement moins bien organisés que leurs modèles mexicains.

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