30 mai 2024

La Nouvelle-Calédonie malade du nickel

Nouméa s’est embrasé sous l’effet d’une violente insurrection Kanak. Les armes sont sorties et Emmanuel Macron a fait un déplacement éclair en promettant d’être « implacable ». Sans être devin on peut prévoir que une fois de plus le Président de la République sortira son carnet de chèque et que comme d’habitude cela ne résoudra aucun des problèmes de fond. Le nickel qui devrait être la chance de la Nouvelle Calédonie est devenu aujourd’hui une malédiction pour l’île.

Ce minerai est pourtant le produit indispensable pour faire fonctionner les batteries et fait l’objet d’une forte demande. Ce qui devrait être un succès s’est transformé en une catastrophe économique du fait de conditions d’exploitation non compétitives, issues des négociations politiques entre indépendantistes et non-indépendantistes. Résultat le nickel de Nouvelle Calédonie a beaucoup de mal à se vendre dans un environnement marqué par une très forte concurrence de l’Indonésie où grâce à ses investissements la Chine produit la moitié du nickel mondial.

La production de Nickel est en baisse

La production de nickel calédonien a encore chuté de 32% au premier trimestre de cette année. C’est pourtant quasiment la seule ressource de l’archipel à l’exportation dont elle assure 90% des recettes. Mais cela fait maintenant plus de douze ans que les trois exploitants présents en Nouvelle-Calédonie, à savoir la Société le Nickel (Eramet), Koniambo Nickel (Glencore) et Prony, enregistrent des pertes. Ces sociétés servent de vache à lait à la Nouvelle-Calédonie et emploient directement plus de 5.000 personnes, soit 7,5% des salariés du secteur privé de l’archipel.

Un audit de l’Inspection générale des finances (IGF) et du Conseil Général de l’Economie (CGE), rendu public le 1er août 2023, a montré que les conditions d’exploitation étaient catastrophiques. Pour que les exploitants deviennent enfin rentables, l’audit préconisait d’augmenter la production ne serait-ce que pour permettre aux usines d’atteindre leur capacité nominale et de réduire leurs coûts de fonctionnement incroyablement élevés au regard de la concurrence internationale. Le coût de production d’une tonne de nickel calédonien est de l’ordre de 22.000 dollars et les cours actuels, qui ont pourtant remonté au cours des dernières semaines, sont autour de 19.000 dollars…

Le « pacte nickel » mis en place par le gouvernement pour sauver la filière il y a deux mois doit permettre de réorienter la production vers le marché européen des batteries. Depuis 2016, 700 millions d’euros d’aides ont été apportées par la France à la filière nickel en Nouvelle-Calédonie  comme l’a souligné  Bruno Le Maire le ministre de l’Économie récemment. Mais son annonce a accru les tensions entre indépendantistes et non-indépendantistes sur la contribution du budget de l’archipel à ce plan. Cela s’est notamment traduit par des blocages de mines ! Le résultat c’est que tous les acteurs présents en Nouvelle Calédonie soit ferment leurs mines soit se retirent purement et simplement. La liste est longue : Eramet, Vale, Glencore (Koniambo), Trafigura / Prony Resources (Goro). Anglo American et BHP.

Pendant ce temps, l’Indonésie grâce à 30Md$ d’investissement chinois va dominer le marché et écraser la filière Nickel en Nouvelle Calédonie qui est aux abois  La stratégie agressive de l’Indonésie déséquilibre le marché mondial. Elle veut détruire la concurrence et pour cela casse les prix. L’Indonésie assure 55% de la production mondiale et compte atteindre 70% dans les cinq prochaines années​. Sachant que le nickel calédonien est aussi plus cher à produire que celui de tous les autres pays producteurs que sont les Philippines, l’Australie, le Canada et la Russie.

Le paradoxe est que nickel est pourtant un métal stratégique. C’est l’un de ses fameux minéraux indispensables à la transition énergétique et notamment à la fabrication des batteries pour les véhicules électriques. Pour bien mesurer les besoins, une batterie lithium-ion de taille moyenne de 400 kilos pour une voiture électrique d’une technologie classique contient 60 kilos de nickel. Et pour obtenir les 60 kilos de nickel, il faut traiter 5 tonnes de minerai. C’est un métal qu’il sera difficile de produire en quantités suffisantes pour faire face aux besoins des prochaines décennies. C’est donc en théorie une chance pour la Nouvelle-Calédonie, à condition de pouvoir surmonter les problèmes politiques et sociaux qui rendent son exploitation non rentable.

Un métal stratégique et un marché mondial déséquilibré

Facteur aggravant, les cours du nickel sont extrêmement volatils. Ils se situent aujourd’hui sur le LME (London Metal Exchange) autour de 19.000 dollars la tonne après être tombé au début de l’année jusqu’à 16.000 dollars. Ils se trouvent aujourd’hui à leurs niveaux de 2021 après avoir atteint en 2022 des records historiques de 43.000 dollars la tonne.

Les cours du nickel devraient rester relativement bas  au cours des prochains mois et même vraisemblablement des prochaines années. Car comme le montre l’International Nickel Study Group, le marché mondial du nickel devrait encore être excédentaire cette année de 239.000 tonnes après déjà une surproduction de 223.000 tonnes en 2023​. Et pourtant, la demande mondiale de nickel augmente régulièrement et devrait passer de 3,20 millions de tonnes en 2023 à 3,47 millions de tonnes cette année portée donc par la croissance de l’utilisation du métal dans les batteries de véhicules électriques et aussi une reprise du secteur de l’acier inoxydable qui reste pour le moment la principale source d’utilisation du métal.

Avec les Kanaks la bataille ne fait que commencer

L’extraction du nickel a des impacts environnementaux importants, notamment la déforestation, la pollution des sols et des eaux, et la perte de biodiversité. Les réglementations environnementales nécessaires pour atténuer ces impacts augmentent les coûts de production en Nouvelle-Calédonie par rapport à la plupart de ses concurrents bien moins regardants comme l’Indonésie.

Il y a derrière les émeutes actuelles la révolte identitaire d’un peuple Kanak qui n’accepte pas de devenir culturellement minoritaire sur son sol historique. Les Kanaks représentent 40% de la population contre 30% d’européens et 30% de diverses origines alimentés par l’immigration. Rappelons que les indépendantistes ont perdu trois référendums. C’est pourquoi ils veulent priver les nouveaux arrivants de droits de vote et on parle de « situation coloniale ». Les peuples européens menacés par une immigration massive n’ont pas le droit de défendre leur culture et leurs traditions mais les Kanaks souhaitent le faire.

La « gauche » prône la créolisation dans la métropole et le « on est chez nous » dans les anciennes colonies. Les militants racistes et xénophobes essaient donc d’obtenir par la violence ce qu’ils n’ont pas obtenu par les urnes. Ceux qui sèment le désordre à Nouméa ne sont pas des politiques mais des proches des mafias locales.

Voilà malheureusement un exemple de plus d’échec majeur de la stratégie du gouvernement français. C’est grave car on trouve en Nouvelle Calédonie une grande partie des réserves connues de Nickel, d’importants gisements de chrome, de cobalt d’or de cuivre et de manganèse. Rappelons enfin que grâce à sa présence sur les cinq continents la France possède la deuxième zone maritime mondiale derrière les Etats Unis….

Jean-Jacques Netter

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