Le Courrier des Stratèges est en reportage à Lampedusa, pour examiner de près l’image désormais mythique de cette île battue par les vents… et submergée par les migrants. Si la préoccupation migratoire est bien partout sur ce bout du monde, les migrants sont en revanche… invisibles ! et l’île n’est certainement pas submergée en personne par des arrivées de survivants. Pour le coup, une certaine propagande joue habilement des peurs et des fantasmes.
Le narratif a très bien fonctionné dans l’esprit collectif… Demandez à n’importe quel Français à quoi Lampedusa lui fait penser. Très peu vous parleront du pourtant célèbre roman le Guépard. Beaucoup vous diront que cette île de 5.000 habitants et de 20 km² au large de la Tunisie est devenue le principal point de passage des migrants africains vers l’Europe. Et, dans la croyance générale, ce lieu ressemblerait à une fuite dans un tuyau : une source d’écoulement permanent, un flux ininterrompu.
La réalité est bien différente quand on arrive sur place : pas un migrant n’est visible sur ce petit bout de Sicile où la vie s’écoule à l’italienne, avec ses petites rues chargées de voitures et ses restaurants qui s’animent le soir venu. Et pas une embarcation de fortune n’est visible dans le port, où les bateaux des garde-côtes sont sagement alignés.
La réalité est bien différente quand on arrive sur place : pas un migrant n’est visible sur ce petit bout de Sicile où la vie s’écoule à l’italienne, avec ses petites rues chargées de voitures et ses restaurants qui s’animent le soir venu. Et pas une embarcation de fortune n’est visible dans le port, où les bateaux des garde-côtes sont sagement alignés.
Pourtant, quand on embarque à Palerme dans l’ATR 72 qui relie Lampedusa, on sent bien une atmosphère particulière. Une escouade de policiers mobiles occupe une partie du petit avion, avec des employés de la Croix-Rouge, des fonctionnaires munis de badges… Un tiers, la moitié de l’avion peut-être, transporte ces personnels dépêchés en mission, et les touristes ou les insulaires sont plus rares. Dans Lampedusa, on croise un nombre anormalement élevé de fourgons de police munis de grilles de protection. Il doit bien se passer quelque chose ici.
Mais… les rues sont vides et tranquilles. Jusqu’à vingt heures, les gens travaillent. Les magasins ouvrent tard. Les terrasses sont encore peu fréquentées. Et nulle part on ne voit les migrants. Le port semble somnoler. La vie est calme. Rien ne se passe.
Le voyageur scrute l’horizon en attendant ces barques chargées de hères dépenaillés qui viennent se jeter sur le sol européen pour fuir leur pays après une arrivée périlleuse. Mais la mer est vide, et ici personne ne semble sur le qui-vive.
Les habitants vous le disent simplement : rares sont les migrants qui arrivent “seuls”, c’est-à-dire à bord de leur embarcation. Les trafiquants à qui ils paient le passage ne leur laissent pas assez de carburant pour faire une traversée complète. Donc, oublions ce mythe terrifié d’une submersion migratoire qui déferlerait sur les plages de l’île (au demeurant peu nombreuses). Les choses se passent autrement.
Là aussi, les habitants vous l’expliquent. Les migrants arrivent grâce à des missions de “récupération” menées par les garde-côtes. Ceux-ci sont rapidement prévenus lorsque des bateaux passent. D’ordinaire, les traversées se font lorsqu’il fait beau. Lorsque la mer est agitée ou impraticable, les embarcations ne partent pas.
Le phénomène migratoire semble donc relativement organisé. Les passeurs préviennent les garde-côtes qui partent à la recherche des migrants. Ils les ramènent ensuite au port, où des formalités d’accueil, comme une identification photographique, est réalisée. Il est donc évident qu’il existe une économie spontanément organisée de la migration : depuis le départ au pays jusqu’à l’arrivée en Europe, des intermédiaires sont à la manœuvre pour gagner de l’argent, dans une relative confiance avec les autorités locales.
Le jour où j’étais à Lampedusa, la presse italienne s’est fait l’écho de six arrestations de migrants qui n’avaient pas respecté leur arrêté d’expulsion. Ils ont été reconnus grâce à l’identification faciale… Personnellement, je n’ai pas été témoin de cette semaine, et on peut se demander dans quelle mesure ces informations ne sont pas diffusées à destination des complices des passeurs installés en Sicile. Rien dans la petite ville de Lampedusa ne laissait en tout cas transparaître la moindre agitation à ce sujet. Et tout laisse à penser qu’en Italie même, des réseaux s’agitent pour faire venir les migrants.
Et c’est un peu le point essentiel qu’il faut retirer d’un passage à Lampedusa.
Oui, il y a un phénomène migratoire. Comme le disent les habitants, c’est un flot continu, c’est-à-dire que chaque jour où la mer est praticable, des migrants arrivent.
Non, ce n’est pas le chaos migratoire à Lampedusa. Des centaines de migrants ne débarquent pas chaque jour. L’île n’est pas submergée par le phénomène. Les autorités italiennes tiennent la situation en main. Les rues sont calmes et sûres. Les touristes viennent. L’atmosphère est paisible.
Non, Lampedusa n’est pas en proie à l’anarchie. Les Européens ne s’y font ni agresser, ni insulter, ni voler, ni poignarder. Des bandes errantes ne mettent pas le village à feu et à sang. Les habitants ne vivent pas dans la peur. Ils sortent normalement, font la fête, se montrent aux terrasses et sur la via Roma.
Je reviendrai ce week-end dans le Courrier sur cette peur agitée dans les masses, qui ne correspond nullement à la réalité.
Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2024/04/19/en-direct-de-lampedusa-mais-ou-sont-passes-les-migrants/?
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