25 avril 2024

Du rififi chez les Résistants

L’affaire du F-35 avec bombe nucléaire continue à se répandre en une grande polémique au sein de la Résistance antiSystème. L’affirmation de sa destruction par Pépé Escobar s’est heurté à une levée de boucliers de critiques (Scott Ritter, Andrew Korybko) qui ne sont pourtant pas restées sans réponse. La meilleure appréciation est celle de Larry Johnson, pourtant sceptique : l’histoire de l’attaque de l’Iran par les Israéliens est une telle montagne de mensonges que vraiment, tout, tout est possible. L’époque est donc hyper-formidable.

Le texte publié il y a trois jours, le 20 avril, est notre incroyablement modeste contribution à une polémique qui secoue le monde de la résistance antiSystème, rappelant effectivement le sort qui attend toute résistance une fois qu’elle s’est structurée, qu’elle a  acquis de l’influence, qu’elle compte comme force majeure dans la bataille (ici bataille de l’information et du système de la communication) contre l’ennemi commun. L’activisme antiSystème rencontre donc les mêmes aléas internes que rencontra la Résistance contre l’Occupation en France durant la guerre de 1939-1945. Cela nous amène au texte d’Andrew Korybko du 20 avril, empruntant en partie à Larry Johnson qui, lui-même, répercutait une information venue de Pépé Escobar.

« L'influenceur principal des médias ‘dissidents’ (‘Alt-Media’, en langage-résistance) Pépé Escobar, est devenu viral ce week-end pour avoir tweeté qu’“une source d'informations de très haut niveau” en provenance d'Asie lui avait dit que la Russie avait abattu un F-35 israélien doté de l'arme nucléaire au-dessus de la Jordanie qui prévoyait de mener une attaque EMP contre l'Iran. Après avoir subi des réactions négatives importantes, il a précisé “je ne suis que le messager”, ajoutant dans un autre tweet “j’ai maintenant DEUX confirmations distinctes provenant de DEUX sources d’informations de très haut niveau provenant de DEUX pays asiatiques distincts”.

» L'ancien inspecteur en désarmement de l'ONU, Scott Ritter, a appliqué son expertise de plusieurs décennies pour démystifier cette affirmation sensationnelle dans deux  tweets exposant les failles techniques de cette information scandaleuse. L'utilisateur tweetX “Korobochka” a également lancé un fil de discussion perspicace qui discréditait les affirmations de Pépé sous un angle complémentaire. Par contre, Sharmine Narwani de The Cradle a insisté dans l’un des fils de discussion de Ritter sur le fait que la Russie avait effectivement intercepté le F-35 israélien doté de l’arme nucléaire, et elle a également laissé entendre que Pépé avait partagé l’identité de la source avec elle. »

Ce texte sévère d’Andrew Korybko est l’une des multiples réactions, – mais sans doute la plus tranchante et la plus dure, –  aux affirmations audacieuses et sensationnelles et à partir d’elles, de Pépé Escobar, qui est l’une des stars de la Résistance. (Il y a eu d’autres interventions circonstanciées et surtout techniques, notamment de Scott Ritter, beaucoup plus catégoriques que celle de Larry Johnson qui est resté très modéré, – mais aucune n’a eu l’envergure géopolitique de celle de Korybko.)

Korybko ne s’arrête pas à l’affaire F-35/nucléaire, il passe en revue de nombreuses autres occurrences où il estime prendre Escobar en faute (des informations douteuses en faveur de son parti), le chargeant d’un dessein plus vaste qu’un simple ‘scoop’, mais au-delà d’une intention stratégique de modifier la politique des pays de la Résistance en cherchant à favoriser un bloc RIC (Russie-Iran-Chine) dirigé par la Russie, aux dépens d’une organisation plus vaste qui représenterait la véritable Résistance (formats BRICS-SCO).

« Il y a des raisons de soupçonner que la source asiatique de Pépé pourrait être iranienne ou sous influence iranienne, l'objectif de ses fausses nouvelles - à la fois son tweet viral et tous ceux qui l'ont précédé - étant de discréditer la faction équilibrée de la Russie afin d'aider la faction pro-BRI dans le but d'influencer la formulation de la politique étrangère de cette dernière. »

Comme l’on voit, il s’agit d’une querelle d’une grande dimension, avec des affrontements en tous sens et férocement contradictoires (certains reprochant à Korybko, non sans raisons loin de là, un certain nombre d’informations “douteuses en faveur de son parti”). Dans tous les cas, voici le portrait que Korybko fait d’Escobar, comme d’un résistant activiste tout entier acquis à la Russie aux dépens des autres pays de la Résistance.

« Néanmoins, précisément en raison de sa proximité avec des Russes influents et leurs institutions qui lui ont valu la réputation de “voix des initiés russes” et de “visage étranger de son soft power”, de nombreux membres de la communauté des médias alternatifs (AMC) ont l’impression qu’ils parlent à travers lui. Même lorsqu’il se trompe, beaucoup de ses partisans supposent que c’était “pour la bonne cause” dans le cadre d’un “plan directeur des échecs en 5D”. Cette perception a été renforcée lorsqu’il a admis dans son tweet précédent, “Je ne suis qu’un messager”.

» Même s’il a explicitement déclaré dans son tweet viral que la Russie n’était “PAS” la source, certains pourraient encore penser que c’était pour les raisons mentionnées ci-dessus. Quoi qu’il en soit, le fait est qu’il est désormais inextricablement lié aux experts russes et à l’élite politique après leur forte promotion au cours de l’année écoulée. Cela signifie qu’il fait de fausses déclarations sur ses actions concernant des questions extrêmement sensibles comme la destruction d’un F-35 israélien doté de l’arme nucléaire, et risque de discréditer ses prestigieux contacts par association. »

La querelle est loin d’être terminée et (pour suivre l’exposé des divers rounds du match) certains ne se sont pas privés de suggérer qu’il y avait chez Korybko, également, en plus d’une action de désinformation à l’intérieur de la Résistance, une certaine jalousie personnelle, une querelle d’égos si l’on veut. Disons qu’on voit cela notamment dans la façon qu’il a d’appuyer sur le statut de “Star” de la résistance de Pépé. Quelques exemples...

« Si certains n'ont pas instinctivement rejeté ses tweets, c'est en raison de sa proximité avec des Russes influents et leurs institutions publiques, ce qui donne du crédit à tout ce qu'il dit. Il a rencontré Lavrov à deux reprises au cours des deux dernières années, dans le cadre de ce qui est en passe de devenir une tradition annuelle. Pépé a également animé une session lors du forum sur la multipolarité organisée par le mouvement russophile international à la fin du mois de février. Il s'est ensuite rendu à Sotchi pour s'adresser au Forum mondial de la jeunesse.... [...]

» Aucun étranger en dehors de l'ex-Union soviétique n'a jamais bénéficié d'un tel accès privilégié de la part de la Russie. C'est pourquoi les observateurs ont eu l'impression que des Russes influents et des institutions publiques présentaient Pépé comme la “voix des initiés russes” et le “visage étranger de la puissance douce de la Russie”. »

On notera, bien que ce ne soit pas le fond de notre sujet, que nous avons une perception fort différente de Pépé au sein de la Résistance. Nous le voyons beaucoup plus comme un homme des pays qu’on nomma au siècle dernier le “Tiers-Monde”, bien que très amis des Russes bien sûr. Pour nous, sa proximité va vers les pays du Moyen-Orient (dont l’Iran), et ceux d’Afrique et d’Amérique Latine (dont le Brésil surtout, ce qui en passant explique une part de la vindicte de Korybko qui poursuit inlassablement de ses soupçons de trahison proaméricanistes le Brésilien Lula).

Quoi qu’il en soir, on voit que nous nous trouvons devant une situation antiSystème aujourd’hui fortement structurée, c’est-à-dire avec ses avantages et ses inconvénients. La Résistance est devenue un phénomène politique majeur.

... Avec « A little help from my friend »

Au reste, cette affaire de la “destruction” très fortement contestée d’un F-35 nucléaire, que nous avons présentée à l’abri des remarques de Larry Johnson et sans trop nous attarder à essayer d’y croire un peu, peut recevoir une aide inattendue de l’adversaire. Deux jours après la publication de la nouvelle-polémique, le New York ‘Times’ a publié un article sur le thème de l’empêchement d’une intervention forte d’Israël contre l’Iran, du fait de plusieurs pays de notre émouvante civilisation, – USA, UK, Allemagne, – tiens, rien sur la France.

Bien entendu, les actions supposées des Israéliens qui auraient été empêchées n’avaient rien à voir avec notre sympathique F-35 nucléaire, mais elles ont aussitôt nourri quelques comploteurs pro-Pépé, qui y ont vu une confirmation indirecte de cette action. L’un d’eux, que nous garderons comme source anonyme pour ne pas mettre en péril la fonction de “homme d’entretien” dans un bureau indirectement lié à la CIA d’un de ses beaux-frères, dans un village du Montana, alla jusqu’à imaginer cet invraisemblable montage qui coupe court à toutes les critiques techniques de la thèse de Pépé.

« En fait, mis au courant de ce projet, les gens du Pentagone, qui restent en contact avec les Russes, ont demandé à ces mêmes Russes de descendre le F-35 pour ne prendre eux-mêmes aucun risque d’une trahison avérée, et la chute de la bombe a été suivie au millimètre et récupérée par un hélicoptère, en balade, qui passait par là, un peu comme il récupérait certaines artefacts spatiaux largués par des fusées dans les années soixante... »

Que ne va-t-on chercher comme ‘FakeNews’ ! Il n’empêche, des lecteurs du compte-rendu du NYT donné par RT.com ne se sont pas  privé d’évoquer l’affaire F-35 nucléaire en commentaire de l’article qui, bien entendu, n’en dirait mot ! La complotite mériterait d’occuper la prochaine place de la cible impie du prochain Covid... On signale deux de ces réactions insensées :

« • BMS : « Israël a déjà mis en place un plan pour une nouvelle opération Opera 2 sur les sites nucléaires iraniens, en utilisant tous les F-35 offerts par les États-Unis et les munitions guidées de type “bunker buster” fournies par les États-Unis. Et si cela ne fonctionne pas, les Israéliens utiliseront leur option Sanson - en particulier en utilisant leurs sous-marins de classe Dolphin-2 donnés par l'Allemagne. »

» • Feisal khan : « La rumeur dit que les sionistes ont perdu un f-35 en route pour frapper l'Iran et qu'ils ont été obligés de recourir à quelques petits drones pour faire bonne mesure. Ce qui est important et qui les fait trembler, c'est que, pour la première fois, ils n'ont pas la supériorité aérienne. Il semble qu'ils soient dans un silence choqué. »

En-Cas Larry S. Johnson

Pendant que nous planchions laborieusement sur le rapport de cette grande aventure, Larry Johnson faisait une table ronde qu’il accompagnait d’un texte qui permet d’apprécier sa position très médiane, qui tend à renvoyer les uns et les autres plutôt dos à dos, – et qui introduit un élément nouveau : tout cela pourrait également être une manœuvre tendant à discréditer Pépé Escobar, un des plus efficaces guérilleros de la Résistance. Voici le court texte de Jonson :

« Ania K a accueilli Pépé Escobar et moi sur un podcast aujourd'hui. La majeure partie de notre discussion a porté sur la montée des pays BRICS et le déclin des États-Unis. dominait un ordre international fondé sur des règles. Mais nous avons également discuté du récent rapport de Pépé selon lequel un avion israélien transportant une bombe nucléaire destinée à l’Iran avait été abattu peu après avoir quitté l’espace aérien jordanien.

»  Voici les faits mis à jour – Pépé a confirmé l’histoire auprès de trois sources distinctes. Alors laissez-moi vous expliquer ce que cela signifie. Pépé Escobar n’est ni un menteur ni un faussaire. Ce n'est pas quelqu'un qui recherche la notoriété ni la publicité. Il est journaliste et diffuse l'histoire telle qu'elle lui a été racontée. J'ai Pépé en très haute estime. Nous nous sommes rencontrés pour la première fois lors d'une conférence à Moscou en décembre 2023 et j'ai immédiatement su que j'avais un nouvel ami.

»  La vraie question est de savoir pourquoi les sources partagent cette histoire. Même si je suis d’accord avec Scott Ritter et Ray McGovern sur le fait qu’il existe des failles majeures dans le récit qui soulèvent des questions sur sa crédibilité, aucun d’entre nous n’a accès à des informations classifiées détaillant les mouvements des Israéliens, des Russes et des États-Unis le 18 avril 2024. Cela pourrait donc être vrai.

»  Alternativement, il s’agissait peut-être d’un plan de désinformation destiné à attaquer la crédibilité de Pépé. Ses reportages sur l’Ukraine et la guerre entre Israël et la Palestine sont une épine dans le pied de l’Occident. C'est donc une explication possible.

» Je suis certain d’une chose : les reportages sur l’attaque manquée d’Israël contre l’Iran jeudi dernier n’ont aucun sens. Nous n'avons pas un juste récit de ce qui s'est passé. Y a-t-il eu une frappe de missile que l’Iran a bloquée ? Ou s’agit-il d’un petit groupe de drones quadricoptères qui ont été abattus ? Ce n'est pas clair. Ce que nous savons, c’est que la Maison Blanche et le Pentagone ont fait grand spectacle en vantant l’attaque d’Israël – une attaque qu’Israël refuse désormais de reconnaître. Les rapports haletants qui ont retenu aux États-Unis les chaînes d'information par câble ont fonctionné pendant plusieurs heures, puis se sont taries. Cela ressemblait à une scène du film ‘Naked Gun’, où le détective Drebin tentait de persuader une foule de spectateurs que les explosions et la fumée qu'ils voyaient n'étaient rien. “Circulez, rien à voir ici !”. »

... Et l’essentiel dans ces interventions est bien la conclusion de Larry  Johnson, : tout cela (la narrative officielle de l’attaque israélienne sur l’Iran réduite à quelques drones-hélicoptères qu’on peut abattre avec un lance-pierre) est un tel amas d’ordures chargées de mensonges minables et de simulacres pour demeurés que, bien entendu, tout est possible... Alors, pourquoi pas, dans ce monde de fou, le F-35 nucléaire ? Ainsi arrive-t-on à cette situation fantastique où la réalité la plus pompeusement présentée par les autorités et les élites les plus prestigieuses est ce qu’il peut y avoir de plus éloigné de la vérité.

Le Destin de toute Résistance

C’est à ce point, après avoir longuement envisagé l’intervention de Pépé et de ses féroces alliés-adversaires que nous pouvons froidement vous déclarer : tout cela n’importe pas. Nous voulons dire qu’il n’importe pas de savoir qui a fait quoi, qui a trahi ou n’a pas trahi, qui a embelli ou s’est trop vite précipité pour parvenir à penser, croire, jurer et faire le serment d’atteindre à la voie menant à la vérité. Il faut conclure que la vérité affirmée de cette situation-là n’est pas, selon notre entendement, une vérité-de-situation. Peu nous importe ce qui est exactement survenu, et aussi le classement des grands “as” de la Résistance, comme on classait auparavant les as de l’aviation de chasse quand l’aviation existait encore.

Ce qui nous importe est la résistance prise comme un bloc. L’idée de Clémenceau sur la Révolution est ici convoquée pour convenir à ce qui est exactement, parfaitement son contraire idéologique tout en étant une sorte de contre-image structurelle de même assemblage et de même forme. La réalité ou la non-réalité du F-35 nucléaire n’est pour nous d’aucune importance, quelle que soit la vérité. La seule chose qui importe c’est l’impulsion de freinage, – s’il y en a une certes, – qui a été lancée contre la progression du monstrueux Système par le biais de la croyance que l’entreprise démente du F-35 nucléaire a été étouffée dans l’œuf, et par le fait des remous qui en sont résultés et dont le premier effet est bien de montrer qu’il existe une considérable diversité dans la Résistance de jugements de qualité, et donc que la Résistance est d’ores et déjà une force puissante capable de faire trembler le Système.

Est-ce vrai ou ne l’est-ce pas, le chaos F-35 nucléaire ? La seule assurance que nous apporte cette affaire s’inscrit dans nos esprits selon l’idée que l’affrontement final se fera à l’ombre terrible de la menace de l’anéantissement final. Le cas F35 nucléaire portait une graine de cette recette et, même s’il n’a pas existé, la graine, elle, a été semée et va proliférer. Cela signifie qu’il est impossible de prévoir de quoi demain sera fait, lorsque le Système se sera évidemment effondré sous le poids de sa pourriture et de sa puanteur (même l’odeur, chez lui, est assez puante pour peser)

Il est également assuré que les concurrences entre vedettes de la Résistance sont réelles et nombreuses, comme il y en eut, en nombre considérable, dans la Résistance française. La différence est bien entendu évidente. Alors que la Résistance française pouvait prétendre exister pour une part importante par l’action et l’esprit des hommes envisageant l’avenir et mesurant le futur, – ce qui permit également de nous couvrir de mensonges sans fin ni foi, –  celle d’aujourd’hui est placée devant l’absolu inconnu de cette étrange terra incognita qui nous attend. Alors que la Résistance française pouvait prétendre avoir des chefs qui pousseraient dans l’une ou l’autre direction, notre Résistance a beaucoup de “chefs” qui ne sont que des moyens auxquels il est demandé de tout faire pour faire avancer ce grande courant qui, lui seul, inspiré des choses d’en-haut, sait où nous allons. Il importe qu’ils fassent leur travail.

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