Le double du moi ou le moi des profondeurs, c’est le « ka » des Egyptiens, le « Doppelgaenger » des traditions populaires allemandes, en tout cas une entité subjective, parallèle au moi, et l’élément dynamique de l’inconscient humain. […]
Dans la conception égyptienne, la personnalité était comprise comme double (à deux pôles), le moi n’en constituant que la moitié inférieure. L’autre moitié était le « ka ». Chez l’homme moderne, victime d’une certaine évolution régressive, il n’y a plus de contact télépathique entre moi et double, nous ressentons ce fait comme une amputation et nous nous cherchons nous-mêmes en poursuivant dans le monde extérieur, le reflet de notre double. […]
Les Egyptiens étaient encore conscients de l’existence parallèle de leur « ka », comme aussi les anciens Amérindiens – d’où les aspects surréels de leur civilisation, que nous n’interprétons plus. En cours d’évolution ou involution récente, des zones importantes du cerveau se sont endormies et notre civilisation est devenue extravertie. […] Ce n’est guère qu’à la mort que l’homme moderne découvre son double qu’il prend généralement pour son ange gardien, soit pour un parent ou ami décédé ; c’est pourtant à un autre lui-même qu’il est à ce moment confronté !
L’imagerie égyptienne montre le « ka », naissant en même temps que le moi : on voit deux bébés jumeaux, exactement semblables, bien qu’il s’agisse d’une seule personne. Dans les hiéroglyphes, le « ka » revêt l’aspect d’une silhouette en blanc, à cause du caractère surréel et spectral du double, bras levés ; ou encore, le signe figure deux bras aux mains levées – allusion à la nature magnétique du double. La force magnétique se capte en effet et se distribue par la pomme et les doigts, et cette activité est le propre du double, en nous.
Dans le sommeil réparateur, total, le moi se fond dans le double – et à la mort aussi ! A l’état de veille, il y a rupture de contact ; le double fonctionne alors en entité séparée, quoique logé dans le même corps, qu’il déborde par ses antennes ; il le déborde aussi, fréquemment, par un phénomène de semi-projection à distance : dans nos états d’«absence», de rêverie vague, le double se concentre pour son compte sur un objectif, par exemple un souci, à démêler. Les intuitifs pressentent l’approche d’une personne aimée (jusqu’à son parfum) comme si son double précédait la personne. Du reste, les parfums se situent sur le même plan parallèle que le double. En Egypte, le double figé des momies étaient nourri de fumigations et de parfums de fleurs ! On suppose par ailleurs que le double exhale un parfum – le parfum naturel de la personne – mais plus subtil que le parfum charnel. On suppose encore que, primitivement, hommes et femmes percevaient ce parfum en partie surréel ; quand leurs sens s’émoussèrent à ce propos, la civilisation inventa les essences parfumées pour remplacer le parfum du double, en somme refoulé.
Découvrir la vie secrète de son double, c’est découvrir sa propre nature profonde, astrologique, et son destin ; c’est découvrir aussi le seul allié vraiment valable dans la lutte pour la vie (et la survie). Fondamentalement, le double représente l’élément dynamique de l’inconscient – et l’erreur de la psychanalyse aura été de baser son système sur le moi, exclusivement.
La nuit, le double flotte horizontalement au-dessus du corps ou s’évade, emportant avec lui la somme magnétique que nous contenons, pour l’investir dans son action surréelle. Plus le sommeil sera profond, avec les yeux vides, plus le double sera détaché. Le moi, alors, flotte entre deux états, entre deux univers parallèles, ce qui le place dans une condition de fœtus : provisoirement mort sur le plan réel, il n’est pas né toutefois sur le plan surréel ; il rêve par conséquent. Le sommeil demeure lourd, non réparateur, quand le double ne parvient pas à s’extraire entièrement du corps endormi.
Le double participe à sa façon à la lutte de tous les jours, et son rôle sera bien celui d’un « ange gardien » : corriger les erreurs du jour ; maintenir son « jumeau » dans les lignes de son destin ou l’y ramener ; le soustraire à l’emprise des égrégores pour libérer sa chance… Il provoquera des faits d’apparent hasard, mais de portée fatale (au sens grec), surtout en période de crise mystique : rencontres décisives quant à l’évolution personnelle, découverte, au bon moment, d’un livre philosophique. Les rencontres clefs se préparent sur le plan des doubles, même l’amour ! Un travail préalable de réajustement de longueurs d’ondes à distance permettra le « coup de foudre », dès le premier contact direct. Le double use de télépathie, celle-ci ayant pour véhicule le magnétisme terrestre. De jour, le double agit immobile, dans le corps, comme indiqué, par un mécanisme qui est aussi de la télépathie ; il se fait le pont entre notre inconscient et celui d’autrui. La nuit, il peut voyager au loin, quoique au sein de sa dimension (où distance et temps n’ont déjà plus la même valeur). Les initiés capables de s’identifier consciemment à leur double, rejoignent des lieux surréels de réunion, périodiquement ; les sorciers voyagent de même, mais identifiés à leur ombre. Les doubles s’allient ou se combattent. Il y a des doubles voleurs qui prennent, par osmose, le magnétisme des dormeurs, mal garantis par leur ombre gardienne… (L’ombre, en égyptien « shout », est reliée au tellurisme. Le double se relie, lui, au magnétisme, force aérienne.)
D’autres savent récupérer le magnétisme des foules, gaspillé stupidement par celles-ci (elles l’investissent dans les jeux passionnels à grand spectacle, tel le sport). C’est que le magnétisme humain n’est pas mieux réparti que l’argent ! Tous les phénomènes d’attraction et de répulsion (sympathie, antipathie) concernent le magnétisme individuel, donc le double. Le sixième sens lui appartient, mais dans son aspect supérieur d’intuition, de prémonition. Pour ressentir l’intuition, il faut être le médium, au moins occasionnel, de son double, faculté qui est liée à la croissance de l’anima, chez l’homme, et de l’animus, chez la femme. […]
Le double apparaît, finalement, comme notre vraie personnalité (l’opinion des Egyptiens), la plus complète, la plus libre. Et, d’ailleurs, joie et souffrance sont plus intenses au niveau du double. Dans l’état de rêve profond, quand il y a fusion entre le moi et le double, nous ressentons avec une acuité paradisiaque toutes les émotions oniriques. Dans le tantrisme, la vie érotique passe progressivement sur le plan du double, au fur et à mesure que se développe l’introversion de la sexualité, jusqu’à se métamorphoser en ivresse dionysiaque (il s’agit d’une forme insolite d’orgasme généralisé).
Note :
Il va de soi que le vrai maître spirituel est le ka, il faut y insister. Mais, l'individu ne pouvant le contacter autrement que dans le rêve profond, ce ka se dédoublera pour se fixer sur le maître extérieur, le mécanisme étant déclenché par l'admiration. De rares personnages historiques, tels Socrate et le fameux Comte de Saint-Germain (époque de Louis XV) parvenaient par don naturel à capter les vibrations de leur ka en ultra ou infrasons. Socrate nommait son ka daïmon, c'est-à-dire génie.
Jean-Louis Bernard, « Les archives de l’insolite », 1978.
Autres livres de Jean-Louis Bernard :
- Mystères égyptiens
- Tout-Ankh-Amon ou l’Egypte sans Bandelettes, le Dauphin, 1967
- Le Démonologue, le Dauphin, 1968
- Le Tantrisme, yoga sexuel, Belfond, 1973
- Aux origines de l’Egypte, Laffont, 1976
- Apollonius de Tyane et Jésus, Laffont, 1977
- Histoire secrète de Lyon et du Lyonnais, Albin Michel, 1977
Autres livres de Jean-Louis Bernard :
- Mystères égyptiens
- Tout-Ankh-Amon ou l’Egypte sans Bandelettes, le Dauphin, 1967
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- Le Tantrisme, yoga sexuel, Belfond, 1973
- Aux origines de l’Egypte, Laffont, 1976
- Apollonius de Tyane et Jésus, Laffont, 1977
- Histoire secrète de Lyon et du Lyonnais, Albin Michel, 1977
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