11 mars 2024

« Je trouve tout cela si bizarre »

Nous évoquions ici notamment l’hypothèse que le monde politique américaniste, en plus de ses spasmes spectaculaires sans nombre, bouge comme sous l’effet d’un gigantesque séisme souterrain, non pas brutal et spectaculaire, mais pour le cas que nous évoquons, puissant et d’une ampleur du déplacement de plaques tectoniques grandes comme des continents. Cela n’est qu’une hypothèse et qui, bien entendu, relie ce phénomène souterrain et encore caché à la bruyante ‘écume des jours’ qui bouillonne sur la carapace extérieure, faite plastiquer vulgaire aux couleurs criardes de type ‘fluo’ du même monde politique.

Nous allons énumérer plusieurs faits et domaines qui nous font pousser notre analyse dans ce sens, et nos lecteurs notent que ce texte n’est pas placé dans la seule rubrique RapSit (Rapport de Situation)-USA2024 qui concerne les seuls USA géographiques et politiques, mais sur une page du ‘Journal-dde.krisis’, d’un tempérament assez  éparpillé, et dans ce cas adapté à la question traitée dans la mesure où les événements hypothétiques évoqués concernent le reste du monde occidental-compulsif directement et affublé d’une folie également directe, et le reste du monde indirectement avec la Russie comme pont entre les deux.

...La Russie qui est, aujourd’hui, le pays-clef de l’évolution du monde, celui à partir duquel tout le monde se décide et auquel tout le monde se réfère, – que cela plaise ou que cela déplaise ô combien... Les Occidentaux sophistiqués et civilisés n’aiment pas la Russie parce que c’est la mode de ne l’aimer pas mais, désolé, ils en croquent désormais parce qu’il faut en passer par là.

Nous allons développer un certain nombre de faits qui entretiennent cette hypothèse que nous envisageons, qui garde les USA en ligne de mire comme facteur de fracturation du monde fabriqué et mis en place par... les USA. En raison de leur immensité et de leur formalisme absolument contraignant, – la liberté “qui éclaire le monde” a ainsi d’étranges effets contradictoires dans les eaux glauques où le Potomac rencontre l’Océan Atlantique, – ont, plus que tous les autres pays, deux niveaux d’activités : celui qu’on entend et qu’on voit, visible assourdissant, plein de lumières au néon et de machineries informatiques, ce que nous avons décidé de nommer “l’écume des jours” comme disait Boris Vian ; et celui qui évolue souterrainement en fonction des véritables forces, terribles et paraît-il maîtresses du Monde... Et l’hypothèse que nous évoquons, fait extraordinaire et sans doute sans précédent, fait coïncider ces deux courants pour courir dans le même sens qui se précipite vers la fracturation du monde.

Trump et l’OTAN, bras-dessus bras-dessous

Il est vrai qu’on a fait, hier, grand cas des rumeurs concernant le sort de l’OTAN si Trump était élu président. On l’a fait notamment en fonction des nouvelles que donnait le quotidien londonien ‘Daily Telegraph’ qui, en plus d’être un disséminateur zélé du simulacre ukrainien, est également un fidèle “petit télégraphiste” des nouvelles transatlantiques que les USA voudraient voir diffuser d’une façon discrète. D’où l’intérêt que nous portons à une remarque d’Alexandre Mercouris, fin connaisseur des pratiques de la presse londonienne, s’arrêtant à un “détail” de l’article cité du quotidien britannique.

« ... Et nous avons aussi dans un article du ‘Daily Telegraph’ l’information selon laquelle des “officiels américains” sont désormais en train d’avertir les pays européens que les Etats-Unis pourraient bientôt se retirer de l’OTAN et que les Européens seront laissés à eux-mêmes pour leur propre défense.

» Pour ma part, je me demande qui exactement, aux USA, parmi les “officiels américains”, sont en train d’effectuer une telle mission. Je présume que cette information est vraie, qu’elle n’est pas inventée, et alors cela serait un fait évidemment remarquable que des “officiels US” soient envoyés pour avertir les Européens de cette façon. J’ai déjà beaucoup parlé de l’atmosphère de panique qui prévaut en ce moment à l’OTAN ... Et du coup, cette information expliquerait cette atmosphère de panique qui règne à l’OTAN... »

Les clips de synthèse rapide de ‘Hindustan Times’, qui sont tenus pour les moyens électroniques les plus suivis pour connaître en quelques images très rapides des divers échos et remarques concernant les problèmes politiques les plus brûlants du jour ne ménagent pas les séquences sur les remous que provoquent ces rumeurs sur un éloignement des USA de l’OTAN, comme part exemple on le voit ici. Effectivement, la reprise sur ces séries de clips de la seule information enfouie dans un article du ‘Daily Telegraph’ montre bien que Mercouris voit sans doute juste et qu’on se chuchote dans les milieux dirigeants qu’il s’agit d’un réel avertissement...

Mais s’agit-il d’un avertissement de l’actuelle administration fait pour imposer une pression sur les Européens dans les actuels débats, ou d’un “avertissement” bel et bien sérieux sur la progression d’une décision de plus en plus méticuleusement étudiée à mesure qu’on s’approche de l’élection de novembre. Cela signifie que des fractions grandissantes de l’appareil de sécurité nationale commencent à travailler avec dans l’esprit l’idée qu’en novembre prochain, Trump deviendra leur nouveau, patron comme le suggère un témoignage publié par ‘ThePostMillenium.com’ :

« Douglas London, un ancien responsable de la CIA, a déclaré au média que si l'administration Biden refuse de partager des informations avec Trump [avant son éventuelle élection], cela pourrait se retourner contre la communauté du renseignement. Il a ajouté que cette décision pourrait les entacher aux yeux de quelqu'un qui pourrait très bien redevenir leur patron dans quelques mois”. »

Notre hypothèse conclusive est simple : l’information du ‘Telegraph‘ et les “officiels” en question pourraient bien être des fonctionnaires qui prennent leur précaution en ralliant au moins en partie le camp de Trump et en exécutant ses consignes. Si c’est le cas, il est aussi temps de noter avec une grande insistance que l’opposition à Trump de la communauté de sécurité nationale est cette année nettement, infiniment moins forte qu’en 2016.

On peut alors avancer l’idée que le départ de Nuland est bien le fait d’une pression pour réduire la vigueur du camp pro-guerre qui n’est pas vla tasse de thé de Trump ; et là aussi un signe qu’une fraction plutôt de tendance trumpiste, favorable à un arrangement avec la Russie, se révèle plus forte et plus efficace que prévu.

L’Europe unie-déchirée

On mettra “au crédit” de Macron et de ses déclarations incendiaires et provocatrices la vertu étrange d’avoir mis le feu aux poudres et d’avoir semé au sein de l’UE un désordre tout à fait inattendu qui a magnifiquement renforcé la panique de l’hypothèse d’un possible prochain départ des USA, soit simplement de l’engagement ukrainien, soit de l’OTAN elle-même.

Comme on l’a lu, Fiodor Loukianov avait déterminé qu’une tension maximale, une russophobie sans désemparer était prévisible dans la mesure où il jugeait que c’était le seul moyen de maintenir l’unité européenne. C’était tout à fait juste dans la mesure où les pays de l’UE/de l’OTAN se contentaient simplement de poursuivre leur engagement tel qu’ils l’avaient déterminé. Ainsi Loukianov observait-il :

«  La première est qu’il semble que les désaccords au sein de la communauté d’Europe occidentale, aggravés par l’augmentation générale de l’incertitude, soient résolus par une augmentation des tensions, au lieu de les réduire. Le simple fait de réduire l’intensité de l’hystérie de la “menace russe” mettra immédiatement au jour de nombreuses contradictions qui sont actuellement étouffées. Ainsi, l’establishment préfère une escalade vers la Russie à la détente.

» Deuxièmement, l'idée, qui gagne en popularité dans notre pays, selon laquelle pour sortir du cercle vicieux, il faudrait que les élites occidentales soient effrayées par l’Armageddon nucléaire et qu'elles retrouvent ensuite leur volonté de négocier, pourrait avoir le résultat exactement opposé. L’élite dirigeante d’aujourd’hui est en effet qualitativement différente des générations précédentes. Tout d’abord, elle croit en une sorte de dogme sur l’infaillibilité de l’Occident, c’est-à-dire la certitude que toute déviation du canon idéologique et politique établi après la guerre froide sera une véritable catastrophe pour le monde. Et puisque tout compromis avec la Russie constituerait un tel recul, il faut l’empêcher à tout prix. »

Ce qui s’est passé, essentiellement du fait de Macron, est que les Européens ont été invité d’aller au-devant de la “menace russe”, de provoquer la Russie pour susciter un affrontement, d’en rajouter en augmentant la mise par la perspective ubuesque et surréaliste d’une entrée offensive des troupes européennes de l’OTAN contre la Russie. Andrew Korybko rapporte même que des plans sont en cours d’élaboration pour une attaque selon deux corridors, un au Nord et un au Sud., avec le génial maréchal McMacron comme aspirateur comme il se doit. Cette initiative change tout : l’affrontement avec la Russie n’est plus du tout un unificateur du conformisme UE-OTAN, cela devient un risque majeur pour tous les pays et pour chaque pays, avec l’éparpillement des intérêts nationaux et des folies respectives des dirigeants nationaux, soit un dés-unificateur du conformisme UE-OTAN dont plus personne ne sait exactement quelle direction il indique.

Aussitôt, le désordre des intentions diverses et souvent contradictoires remplace l’unité jusqu’alors observé, et justement, par Loukianov. Les Polonais soi-disant bellicistes et les Anglais  très modérés sont en grave désaccord (alors que dans les plans Korybko, les Anglais sont catégorisés attaquants). Les Italiens dénoncent les Français et les Polonais qui parlent de partir en guerre, de prétendre parler au nom de l’UE. Et lorsqu’on parle des Polonais qui veulent la guerre, de qui parle-t-on ? Du ministre des affairées étrangères Sikorski, agent bien connu des neocon et pas nécessairement du Premier ministre Tusk, proche de l’Allemagne qui ne veut rien entendre de la folie belliciste de Macron.

... Et Mercouris de s’écrier, alors que nous précisons que la France a déjà une coalition formée avec les trois pays baltes et le Sikorski de Pologne, – bigre, impressionnante cohorte du type Chevaliers Teutoniques.. :

 « En Allemagne, et de plus en plus aux Etats-Unis, on est de plus en plus furieux devant les initiatives de Macron... On se demande quels sont les buts de Macron mais, quoi qu’il en soit, ce qu’il fait est naturellement dangereux pour la France et pour l’armée française, et s’il s’avère qu’il veut entraîner les pays baltiques dans cette aventure, il méritera absolument toutes les condamnations possibles à son encontre.

» Quoi qu’il en soit des conséquences de l’action du Français et des raisons précises pour lesquelles il agit d’une façon si bizarre... »

Retour outre-Atlantique

Mais nous n’arrêterons pas là sans retourner faire un tour du côté de Washington où se prépare peut-être, – nous vous l’avions promis –  un événement extraordinaire. On sait que la Sénat, alors que la Chambre est plus turbulente, est tenu depuis des décennies par le “parti unique” (démocrates classiques gaucho-corrompus et les RINOS, ou ‘Republicans In Name Only’). Mais le chef de la minorité républicaine qui pourrait devenir majoritaire en novembre, le RINO McConnell, s’en va à la fin de son mandat, touché par la fardeau mélancolique de l’âge et de son abrutissement. Qui le remplacera, prenant ainsi la direction républicaine éventuelle du Sénat ? Deux noms de RINOs avaient été avancés, mais voilà qu’un outsider de poids entre sur les rangs, et avec un fort soutien : Rand Paul, fils de Ron, le plus populiste-trumpiste des sénateurs républicains avec J.D. Vance. Rand Paul déclenche aussitôt une dynamique en sa faveur, conduite par Elon Musk :

Une perspective unique s’ouvre alors dans l’histoire politique moderne des USA, alors que Trump déclenche des liesses incroyables et que Biden récolte des doigts d’honneur : que le parti républicain régénéré en trumpiste-populiste puisse tenir à la fois la Maison-Blanche, le Sénat et la  Chambre.

Hypothèse, là aussi, hypothèse, comme l’aventure macronienne est l’hypothèse d’ « un idiot racontant sa propre histoire “qui ne signifie rien” ». Il paraît tout de même qu’il y a de la stratéguie-tactique dans tout ça, – chez Macron, veux-je dire : il lance sa colonne de 15 000 gus, avec une cinquantaine d’Estoniens, et il renverse la tendance des sondages pour les élections européennes  en France avant d’affronter la 58ème Armée de la Garde avec ses drones, ses ‘Kinzhal’ hypersoniques et ses T-90. C’est Austerlitz-sur-Moscova, en algorithmes et en agitations un peu lascives de notre Premier  ministre.

Voulez-vous, – pour vous récompenser de cette belle patience qui se contente d’une narrative enrobée d’un simulacre au sein d’une histoire “qui ne signifie rien”, –  une conclusion justement, une belle conclusion ? Elle est de notre bon, de notre excellent Mercouris, au sortir de son récit accablé des dernières péripéties du maillot-jaune Macron :

« Je l’avoue une fois de plus, je trouve tout cela si bizarre que cela me laisse sans voix... »

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