Quelques années après la sortie de l’Union européenne décidée par le peuple britannique – à vrai dire, essentiellement les Anglais, contre l’avis des Ecossais, des Gallois et des Nord-Irlandais, mais les Anglais sont tellement plus nombreux que la sortie a été décidée quand même – les commentaires, de ce côté-ci de la Manche, donnent aux peuples restés dans l’Union l’impression que ce choix a été catastrophique, que l’économie britannique souffre terriblement de ce vote. Ne nous contentons pas des rumeurs, essayons d’y voir clair sur la base de données objectives.
D’abord, il faut rappeler une chose très importante : le Royaume-Uni n’a jamais totalement appartenu à l’Union européenne, mais plutôt a continué d’appartenir à la Communauté Economique Européenne, c’est-à-dire à l’institution précédente, celle d’avant le Traité de Maastricht.
Mise au point et contexte
En effet, l’essentiel de ce traité était la renonciation à nos monnaies nationales au profit d’une monnaie unique, l’euro. Or le Royaume-Uni a refusé de renoncer à la Livre sterling, donc est resté en dehors de la zone euro qui englobait les autres puissances européennes. Cela signifie que le Brexit, à vrai dire, entraînait moins de conséquences sur l’économie britannique que ne l’entraînerait un « frexit », par exemple : chez nous, la dette extérieure, libellée en euros auprès de créanciers étrangers, serait immédiatement traduite en francs dévalués, ce qui l’alourdirait considérablement ; rien de tel pour la Livre qui est restée la Livre.
Indicateurs économiques avant et après le Brexit
Ceci étant rappelé, nous pouvons recourir à quelques chiffres pour vérifier la rumeur continentale d’un effondrement de l’économie britannique consécutif au Brexit. Il y a un peu plus de vingt ans, avant la mise en application du Traité de Maastricht et donc la mise en route de l’euro sauf pour l’Angleterre, la production industrielle britannique était comparable à la nôtre. Mais, l’euro étant une monnaie trop forte pour notre compétitivité, la production française a chuté de 9% depuis lors, tandis que la production britannique a gagné 2% : donc, 11% d’écart entre les deux pays, et au profit de la Grande-Bretagne. Lequel des deux pays souffre le plus ?
Avant Maastricht, la marche brute d’autofinancement des entreprises françaises était supérieure à celle les Britanniques, elle était de 25%. Rappelons que la marge brute d’autofinancement – autofinancement, c’est-à-dire sans emprunt – est ce qui reste à l’entreprise quand elle a tout payé, les frais de fonctionnement, les salaires, etc., autrement dit la quintessence du bénéfice net. Cette marge est tombée à 22%, tandis que depuis 2016, année du Brexit, celle de l’Angleterre a augmenté pour aujourd’hui dépasser la France à 22,5%, mais il est visible que cette courbe continue d’être ascendante. Lequel des deux pays souffre le plus ?
Avant le Brexit, les exportations britanniques vers la zone euro étaient supérieures aux nôtres, et il est exact qu’avec l’élévation des barrières douanières consécutives à la sortie du marché commun, elles sont devenues légèrement inférieures ; mais en revanche, à l’étranger, elles sont devenues beaucoup plus fortes, de sorte que la Grande-Bretagne est un exportateur bien plus important que la France. Alors, où est la faillite de l’économie britannique ?
Loin de l’effondrement économique présumé, le Royaume-Uni est devenu un acteur commercial majeur
En vérité, il y a bien un problème ; mais il est ailleurs et ne concerne pas la sortie de l’Union européenne, qui, je le répète, n’en était pas vraiment une, puisqu’en réalité cette union, conditionnée par l’adoption d’une monnaie unique, ne s’est jamais réalisée. Le problème de l’économie britannique vient de deux choses, la première entrainant la seconde. Elle est beaucoup trop absorbée par les services, aux dépens de la production primaire et secondaire, et cette activité presque monomaniaque est évidemment concentrée à Londres, vaste comme une province, capitale monstrueuse d’un arrière-pays négligé. D’ailleurs Londres, si elle est beaucoup mieux tenue que Paris, est de moins en moins britannique et de plus en plus une ville mondialisée où se rencontrent des populations venues des quatre coins du monde, souvent de l’ancien Empire, mais pas seulement.
On assiste à un chassé-croisé entre l’élite locale qui émigre dans le monde entier, aidée par l’universalité de sa langue, à la recherche de meilleurs revenus, et une élite étrangère venue de pays en développement qui trouve ici de quoi s’enrichir. De surcroît, la capitale, deuxième place financière mondiale, ne profite pas au pays, mais investit à l’étranger ou dans des paradis fiscaux, protégée par l’anonymat des fiducies. Ce déséquilibre économique et social intérieur reste un problème intérieur qui remonte à loin, au renoncement industriel, et n’a pas de rapport avec le Brexit.
Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2024/02/13/quel-est-le-bilan-du-brexit-par-yves-marie-adeline/
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