Depuis... quoi ? Deux ou trois jours, la situation de la crise Hamas-Israël s’est brusquement tendue, à cause de la possibilité d’une intervention du Hezbollah si les forces terrestres israéliennes lancent leur offensive sur Gaza, cette intervention étant annoncée par Israël comme le détonateur d’une attaque contre l’Iran... Enfin, c’est dans tous les cas ce qui semble apparaître et qui peut être symbolisé par une sorte de séquence symbolique fonctionnant pour chaque cas de guerre urgente et probable qui affecte (ou réjouit) les Etats-Unis. Alors, les menaces solennelles et définitives d’une motion de guerre « of the United States Senate » du sénateur Graham sont devenues une coutume, une sorte de rituel désormais, dites sur un ton calme et solennels, avec des yeux roulant des tonnerres à peine dissimulés. Elles apparaissent donc comme la marque de fabrique (‘Made In USA’) de l’événement, comme le fameux lion qui rugit autour du sigle MGM pour faire savoir qui est le producteur du film, plutôt comme une belle image que comme une organisation sérieuse d’un danger avec lequel il faut compter.
Le message n’est d’ailleurs ni pourtant pas nouveau, – preuve de sa pérennité de communication, – puisqu’il est passé le 15 octobre sur un ‘Meet the Press’ de NBC, ici repris par ‘Axios’, – et qui nous dit (lui, Graham) ceci :
« “Voici mon message. Si le Hezbollah, qui est un mandataire de l'Iran, lance une attaque massive contre Israël, je considère qu'il s'agit d'une menace pour l'État d'Israël, d'une menace existentielle par nature. Je présenterai une résolution au Sénat des États-Unis pour permettre une action militaire de la part des États-Unis, en collaboration avec Israël, afin d'éliminer l'Iran du marché du pétrole”, a déclaré Graham.
» Interrogé par la modératrice de l'émission ‘Meet the Press’, Kristen Welker, qui lui demandait s'il allait “déclarer la guerre à l'Iran”, Graham a répondu qu'il était “prêt à utiliser la force militaire pour détruire la source de financement du Hamas et du Hezbollah”.
» “L'idée que l'Iran ait pris connaissance de cette opération dans les journaux ou à la télévision est risible. 93 % des fonds du Hezbollah et du Hamas proviennent de l'Iran”, a ajouté M. Graham. “Ils sont la source du problème. Ils sont le grand mal. Donc, si le Hezbollah monte en puissance contre Israël, c'est parce que l'Iran lui a dit de le faire. Alors, l'Iran est dans le collimateur des États-Unis et d'Israël”. »
Cette intervention a été reprise pour une conversation entre Tucker Carlson et le colonel Macgregor, le 23 octobre dans la série ‘X’ du journaliste hyper-vedette de la presse dissidente, – émission vue déjà par 6,6 millions de personnes 36 heures après sa mise en ligne. L’intervention de Graham illustrait à merveille l’intensité dramatique du dialogue, Macgregor se montrant comme d’habitude extrêmement pessimiste, voire apocalyptique.
On retrouvait ce même climat chez Alexander Mercouris, hier matin. Mercouris s’employait surtout à décrire la “diplomatie” américaniste, du type “Je croise les doigts, je rentre la tête et j’attends que ça passe”, dans le chef d’une dizaine de personnes placées à des postes-clef de l’administration, et d’où viendrait une décision ; groupe qui semblait par ailleurs ni ne vouloir, ni ne pouvoir prendre une décision, ni ne savoir de quelle décision l’on parle, ni rien du tout de ce que vous imaginez... Mercouris mentionnait la présence désormais dans la zone navale de diverses unités navales russes et chinoises pour bien indiquer que ces puissances, officiellement si discrètes, étaient officieusement et opérationnellement présentes, – ce qui est, somme toute et nous double-rassure-t-on, un signe fort rassurant.
Quelques extraits du monologue de Mercouris montrant qu’il ne veut pas et qu’il ne faut pas céder à l’humeur catastrophique, et surtout qu’il considère que ce n’est qu’une humeur, – deux nouvelles rassurantes mais dont on ignore l’efficacité :
« A Washington, on a le sentiment que, conscients des conséquences catastrophiques d’une aggravation de la situation, on en est à croiser les doigts pour que rien de catastrophique n’arrive...
» Mais je vais ici donner mon opinion selon laquelle, à mon avis, rien d’irrémédiablement catastrophique ne surviendra... Parce que, par contraste avec la folie impuissante des gens de Washington, les Russes et les Chinois sont des gens disciplinés et pratiques qui ne veulent pas de guerre régionale m’ajoure, du moment que les Américains ne font rien de complètement irresponsable, comme par exemple attaquer les forces russes en Syrie...
» Mais, bien sûr, s’il y a un conflit avec l’Iran, il existera un très fort potentiel pour une escalade... Mais je pense que même pour cela, il est moins que probable que quelque chose d’irresponsable ne surviennne.... »
Nervosités diverses et israéliennes
Il semble bien en fait que ce climat délétère de Washington se manifeste également, dans une autre version mais selon les mêmes attitudes, chez les Israéliens. On en a, symboliquement et de façon assez ironique, un exemple dans deux textes d’hier de RT.com. On sait bien sûr que RT est russe, donc nécessairement coupable avant même d’avoir été suspecté, mais il ne fait là que rapporter des paroles israéliennes et l’ironie se trouve dans leur rapprochement.
Comme on le voit, il s’agit de la même maison : le ministère israélien des affaires étrangères, puisqu’il y a une déclaration d’un officiel de ce ministère au ‘Times of Israel’ et une autre du vice-ministre à propos d’une déclaration du secrétaire général des Nations-Unie, semble-t-il sur le point d’entrer dans une sorte de “liste noire” à-la-Zelenski, – et dans tous les cas de démissionner d’ici là comme on l’en prie... Cettte déclaration où il est question de “balanced” position/ou approche qu’il faut avoir ou ne pas avoir.
Donc, la première déclaration concerne la Russie, dont on juge qu’elle a une position suspecte malgré tout..:
« Jérusalem-Ouest a également exprimé son “mécontentement quant au rôle joué par la Russie” dans la guerre contre le Hamas et espère que Moscou adoptera des positions “plus équilibrées”, a déclaré un autre fonctionnaire du ministère au journal Times of Israel. »
...tandis que la seconde s’adresse au secrétaire général de l’ONU à qui il est demandé de démissionner pour des propos tenus dans un discours concernant l’attaque du 7 octobre
« Le ministre israélien des affaires étrangères, Eli Cohen, a annoncé qu'il boycotterait à nouveau les réunions avec M. Guterres, ajoutant qu’“après le 7 octobre, il n'y a plus de place pour une approche équilibrée. Le Hamas doit être éliminé du monde !”. »
Certes, nous mentionnons cette contradiction avec une certaine ironie, malgré le caractère tragique de la crise, parce que l’incident mesure bien la nervosité extrême jusqu’à l’absurde des Israéliens, – dans ce cas, des directions civiles, et la distinction doit être soulignée. La cause de cette nervosité est de deux ordres, et les deux aspects méritent également d’être soulignés car ils sont également symboliques, sinon emblématiques d’une situation générale.
• Premièrement, au niveau de la communication Israël s’aperçoit que l’élan de compassion dont il avait bénéficié après l’attaque du 7 octobre est très largement en train de se transférer pour les Palestiniens, dont le massacre par air, à-la-LeMay, se poursuit méthodiquement (plusieurs milliers de morts, sans guère de doutes). Israël perd une position qui lui assurait, au départ, une certaine impunité sinon une impunité certaine. Sa mauvaise humeur se manifeste, et tout le monde la subit, même ceux qui lui sont les moins défavorables parmi les plus ou moins “non-engagés”.
• Deuxièmement et d’une façon plus préoccupante, il y aurait semble-t-il du tirage entre les civils et l’armée (voir Mercouris ce matin). Cela fait au moins deux semaines que les militaires annoncent leur grande offensive pour “demain” et ils ne semblent en réalité nullement enthousiastes pour l’aventure en se contentant d’une posture du type “Retenez-moi ou je fais un malheur”. On est entré dans une zone critique à cet égard, et les civils, Netanyahou en tête, commencent à être excédés des hésitations militaires, et vice-versa cela vaut également pour des généraux qui ne veulent pas porter le chapeau d’éventuelles pertes gravissimes ou de tout autre incident. Il n’échappera à personne que cet affrontement qu’on résume ici à des circonstances opérationnelles, reflète l’affrontement national entre les intentions jugées “totalitaires” de Netanyahou et des suprémacistes juifs et les tendances plus libérales qui s’opposent férocement à lui, – et qui se sont effectivement manifestées dans divers occasions dans l’armée, bien avant le conflit actuel et sans rapport avec lui...
Obama la joue finaude mais ferme
C’est donc bien un pays en crise (Israël) qui est engagé dans ce terrible conflit. Mais c’est aussi un pays en crise (les États-Unis) qui s’affirme soutien fondamental d’Israël, vote des motions incendiaires et croise les doigts pour n’arrive rien de catastrophique. A cet égard, et après avoir rappelé les prises de position pro-palestiniennes récentes de certains mouvements ‘Woke’/antiracistes, comme les ‘Black Lives Matter’, on accordera une grande importance, voire une importance considérable à l’intervention très discrète mais catégorique, – bien dans sa manière, ça, – de Barack Obama sur le conflit. On prend un assez long extrait du texte qui le présente pour montrer l’aspect catégorique du jugement.
« L’ancien président américain Barack Obama a soutenu le droit d’Israël à se défendre contre la “violence gratuite” du Hamas, mais a averti Jérusalem-Ouest qu’une stratégie qui “ignore le coût humain” serait contre-productive.
» Dans un essai publié lundi sur Medium, Obama a approuvé l’appel du président Joe Biden aux États-Unis pour qu’ils “soutiennent notre allié de longue date dans la poursuite du Hamas, en démantelant ses capacités militaires” et en libérant les otages pris lors de l’attaque du 7 octobre.
» Cependant, a soutenu Obama, il est important que la stratégie israélienne “respecte le droit international” et minimise les morts et les souffrances des civils. Non seulement parce qu’elle est “moralement juste et reflète notre croyance dans la valeur inhérente de chaque vie humaine”, mais parce qu’elle est “vitale pour construire des alliances et façonner l’opinion internationale – autant d’éléments essentiels pour la sécurité à long terme d’Israël”.
» Soulignant que des milliers de Palestiniens ont déjà été tués, y compris des enfants, et que des centaines de milliers ont été déplacés, Obama a affirmé que la répression contre Gaza pourrait “durcir davantage les attitudes palestiniennes pendant des générations, éroder le soutien mondial à Israël, faire le jeu des ennemis d'Israël, et saper les efforts à long terme” pour parvenir à la paix.
» Obama a conseillé à Washington et à Jérusalem-Ouest de tendre la main aux “dirigeants et organisations palestiniennes qui reconnaissent le droit d'Israël à exister” et de commencer à “articuler une voie viable” pour un État palestinien, comme “le meilleur et peut-être le seul moyen de parvenir à une paix durable et à la création d'un État palestinien”, la sécurité à laquelle aspirent la plupart des familles israéliennes et palestiniennes.
» Il a également exhorté les deux pays à “faire de notre mieux pour afficher nos meilleures valeurs, plutôt que nos pires craintes”, et à s’opposer à “l’antisémitisme sous toutes ses formes” et à des sentiments “antimusulmans, anti-arabes ou anti-palestiniens”.
» Cela signifie “se garder de tout langage déshumanisant envers la population de Gaza, ou de minimiser la souffrance palestinienne – que ce soit à Gaza ou en Cisjordanie – comme étant hors de propos ou illégitime”, a conclu Obama. »
Obama a donc choisi un média plutôt discret pour s’exprimer, sachant que les gens de sa communauté ne sont pas des lecteurs assidus du New York ‘Times’ ; et pour leur dire, à ces gens-là, les BLM et autres, qu’il les comprend et qu’il n’en faudrait pas beaucoup pour qu’il soit de leur côté.
Si Obama dit cela, c’est parce qu’il sait de quel avis, de quel bord sont ses “troupes”, et qu’il ne tient pas à les perdre. Par conséquent, et connaissant l’habileté démagogique de l’ancien président, on doit en déduire que l’engagement anti-Israël de proportions non négligeables des électeurs démocrates de type communautariste est une attitude ferme et qui doit être prise en compte si on veut les avoir du bon côté des votes, de sa popularité et de sa capacité d’influence.
Comme nous disions plus haut, les USA sont autant un pays en crise que l’est Israël, et “en-crise” hors de l’actuelle phase crisique Hamas-Israël. Nous en avons la preuve, – nous dirions “par-Obama”, comme si nous parlions d’une “preuve par neuf”.
Les évènements maîtres du jeu
Qui s’en étonnera, notamment chez nous autres, à ‘dedefensa.org’ ? L’impression est grandissante de la force d’entraînement considérable des évènements hors de toute capacité humaine à influer sur eux, ni même à les susciter. Il ne s’agit nullement de mécanismes d’alliances, comme par exemple en 1914 pour ceux qui jugent un peu vite que 1914 éclata à cause des obligations d’alliances, mais de mécanismes d’un autre genre, psychologiques, d’influence, voire d’orientations spirituelles si l’on prête à ces évènements une sorte de grand dessein de cette sorte, – comme nous faisons souvent, nous autres.
Mercouris a recueilli cette impression lors d’un grand débat développé, nous semble-t-il, dans un “espace-X” (espace de débat sur X), avec des participations importantes et des contributions à mesure (notamment celle de Elon Musk, qualifiée de contributeur « très actif et très en profondeur » par Mercouris). Même si Mercouris prétend expliquer l’influence de ces évènements, il ne fait que décrire le mécanisme sans pour autant en expliquer les causes... Ainsi nous dit-il, avec des arguments tout à fait recevables, que les dirigeants “arabes et iranien” vont voir leur discipline et leur détermination de ne pas entrer dans la guerre s’éroder du fait de l’extension de la guerre, alors que leur propre évolution nourrit évidemment cette extension de la guerre, – cette chose qu’on a déjà désignée comme une sorte de complicité des évènements.
« Au cours de ce débat il m’a semblé qu’il y avait chez les uns et les autres la reconnaissance que, si l’invasion avait lieu, l’extension de la guerre serait déterminée plus par les évènements, plus par les évènements eux-mêmes que par les décisions politiques que les dirigeants essaient de prendre parce que dès lors que les évènements prennent forme il y a la perspective que la pression exercée sur les dirigeants arabes et iraniens va grandir et leur discipline politique et leur détermination de rester en-dehors d’une guerre plus importante vont commencer à s’éroder... »
Tout cela n'est-il pas comme à l'habitude dans toutes les crises qui se succèdent sans jamais se résoudre, pour rester empilées, pour former comme une Grande Pyramide de la modernité, –– qui est nommée GrandeCrise ?
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