Si l’on en croit le cartel de la presse subventionnée, qui s’exprime souvent avec un fanatisme détonnant (on pense ici aux éditoriaux d’Etienne Gernelle, du Point, qui s’éloignent de toute forme raisonnable de déontologie journalistique) sur le conflit en Palestine, nous assistons à un combat binaire du bien contre le mal, et nous sommes aujourd’hui intimés de défendre le prétendu droit d’Israël à venger ses 1.300 victimes d’une attaque terroriste sans plus se soucier du droit international. Sans le moindre droit à la moindre nuance, les chiens de garde de la presse mainstream stipendiés par leurs maîtres nous enjoignent de lutter contre l’antisémitisme du Hamas, contre la nouvelle Shoah que les Palestiniens préparent, et autres points Godwin franchis quotidiennement par des donneurs de leçons tapis dans les beaux quartiers parisiens. Mais, d’ores et déjà, la violence du Hamas et l’opiniâtreté des Palestiniens ont infligé de sévères défaites à la moraline occidentale. Et les jours, les semaines qui viennent devraient confirmer ce naufrage de l’idéologie sur le tragique principe de réalité.
Ce jeudi soir, il est plausible que les Israéliens aient bombardé l’église grecque orthodoxe Saint-Porphyre, à Gaza, où étaient réfugiés de nombreux Palestiniens. Bien entendu, il faut prendre le temps de vérifier cette information qui ne surprend pas nos lecteurs, puisque nous avions la semaine dernière annoncé “une guerre de crimes de guerre” où aucun camp ne peut guère se targuer de défendre le bien contre le mal.
La suite des événements nous a montré que nous ne nous étions pas trompé : la guerre est sale, et, lorsqu’il s’agit d’une guerre urbaine, elle est par nature abominable.
Nous ne sommes qu’au début des abominations
Depuis plusieurs années, l’Occident aime bien fermer les yeux sur les abominations qu’il commet, et expliquer que les Barbares, ce sont les autres. Nous, nous sommes la civilisation. Nous sommes le camp du bien. Nous représentons le droit international, la démocratie, la lutte contre l’obscurantisme.
Notre combat est donc juste, et nous devons avoir bonne conscience de ce que nous faisons.
Dans l’affaire palestinienne, tout le problème est que la guerre se fait à front renversé. Beaucoup de Palestiniens sont chrétiens. La guerre se passe sur la terre de Jésus, et le pouvoir des images ébranle le narratif simpliste du bien contre le mal qui nous est servi quotidiennement.
Tout le problème tient à l’impact de ces images : les bébés ensanglantés, les enfants traumatisés par les bombardements israéliens, les petits cadavres sans vie dont le spectacle nous arrive quotidiennement par les réseaux sociaux, ruinent en une émotion tous les discours idéologiques fanatiques sur le droit des Israéliens (purement imaginaire et décrété par des médias propagandistes) de venger leurs morts sans aucune règle. Edouard Husson le disait encore hier dans nos colonnes.
Le temps joue en faveur des Palestiniens
Plus le temps passera, plus la posture (imposée par la presse subventionnée) sur le droit des Israéliens à se venger sera difficile à tenir.
La sympathie que les Israéliens inspirent dérive directement de la Shoah, et c’est probablement ce que Netanyahou et un certain nombre d’institutions juives ont mal analysé. On défend les Israéliens parce qu’ils sont nés de la Shoah, des camps d’extermination, des souffrances sans nom, infligées à leurs ancêtres, à des enfants, à des femmes, à des innocentes et des innocents. Pour peu que, ostensiblement, les victimes se transforment en bourreaux, et leur capital de sympathie fondra comme neige au soleil.
Il faut, à ce point, ajouter une mention essentielle sur l’avachissement occidental. Il fut un temps où l’Occident pouvait endurer des souffrances pour défendre une juste cause. Cette pugnacité est bien révolue. L’Occidental tient plus que tout à son petit confort, à ses séries Netflix savourées avec une bonne bière, à ses “shorts” et ses “réels” rassurants sur les réseaux sociaux, truffés de petits chats mignons et dégoulinants de bons sentiments aussi appétissant qu’une poutine québécoise.
Le spectacle de l’horreur, la lassitude des alertes “attentats”, la propension à ce que Houellebecq appelle la soumission, auront tôt fait de légitimer, de rendre urgent un cessez-le-feu, au besoin honteux, au Proche-Orient. L’opinion occidentale, même la plus farouche, le demandera. Seuls quelques fanatiques feront exception, mais l’immense majorité des Européens et des Américains réclamera rapidement l’arrêt de cette guerre.
L’abandon viendra d’autant plus vite que l’embrasement sera large. Les attaques contre les ambassades, contre les navires, les attentats sur notre sol, balaieront fissa toutes les leçons de moraline sur le droit des Israéliens à tuer des civils, et même probablement sur le droit des Juifs du monde à se considérer chez eux sur un bout de terre qu’ils ont conquis au vingtième siècle.
Bref, le temps joue en faveur des Palestiniens. Le Hamas l’a compris.
Le piège du suprémacisme blanc
Une grande victoire d’ores et déjà remportée par le Hamas, nous y reviendrons la semaine prochaine, tient au dévoilement de la véritable nature du soutien apporté à Israël.
Longtemps, l’Occident a vécu sur le mythe d’Israël comme réparation des dégâts causés par le suprémacisme blanc, dont le nazisme fut le porte-drapeau le plus brutal et le plus assumé du vingtième siècle. Cet “antifascisme” dont Israël était le symbole a longtemps justifié le “cordon sanitaire”, en France, autour du Front National, prôné sans rondeur par le CRIF.
Que découvrons-nous aujourd’hui ? Que les meilleurs soutiens du CRIF se trouvent dans les univers où la lutte contre l’islamisme est un leit-motiv, notamment au Rassemblement National et dans les milieux identitaires. Il faut lire les publications des milieux zemmouristes pour comprendre que la cause d’Israël cache de moins en moins son lien avec le suprémacisme blanc.
Telle est la pire ironie de l’Histoire, et telle est la grande victoire remportée par le Hamas, qui a pourtant combattu le régime syrien avec le soutien d’Israël : il n’aura pas fallu deux semaines aux Palestiniens pour faire voler en éclats la moraline de gauche sur l’antifascisme. Dans la pratique, entre un identitaire comme Damien Rieu, le CRIF et Julien Dray, au parti socialiste, il y a beaucoup plus de proximité qu’entre Julien Dray et Jean-Luc Mélenchon, qui animèrent pourtant, en leur temps, la Gauche Socialiste, le courant trotskyste du PS sous Mitterrand puis Jospin.
Lutter contre le fascisme, dites-vous ? Tant de responsables israéliens, que nous sommes contraints de soutenir aujourd’hui, en sont si proches…
Le Hamas a intelligemment fait tomber les masques : nous savons aujourd’hui que la guerre qui commence est celle du suprémacisme occidental contre le tiers-monde. Cela va mieux en le disant. Nous nous imaginions hérauts de la civilisation… nous ne sommes, au fond, rien d’autre que ce que nous sommes.
Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2023/10/20/comment-la-moraline-occidentale-va-se-fracasser-a-gaza/
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