18 septembre 2023

Les zombies sont des coureurs de fond comme les autres

Deux monuments m’ont aidé à garder le cap pour traverser la démence coronavirale : Soljenitsyne et Philip K. Dick.

Avec l’Archipel, je comparais, avec K. Dick, je me marrais (et je comparais aussi, mais ne nous perdons pas dans les détails). À côté de ces deux balises, il y eut des météores. Par exemple Knock, avec l’immense Louis Jouvet. La résonnance du film avec ce que nous vivions était tellement frappante que c’en était indécent.

C’était une mise à nu. Au point que je m’étais demandé par quel miracle ce chef-d’œuvre qui, dans la joie, déglingue la mécanique de l’emprise et de l’absurde, avait pu échapper à la censure de la canaille qui nous tordait le bras (et qui continue de le faire, tiens, zut, je me suis emballé).

Aujourd’hui, l’eau a coulé sous les ponts. La démence coronale a reflué, mais comme une araignée recule dans son coin. Et surtout, rien, dans cette France sous cloche, ne heurte notre marche vers l’abîme.

La décadence d’un pays c’est donc cela, ce rythme lent de l’agonie, cette odeur de pourriture qui ne prend que certains nez. Nous sommes désemparés, comme des marins à l’arrêt dans le pot-au-noir (la maudite « zone de convergence intertropicale » au milieu de l’Atlantique). Là-bas, sous la chaleur humide, c’est « pétole » : pas de vent. Les masses d’air (comme ici les événements) se comportent de manière ironique. Elles arrivent de nulle part, soulèvent l’espoir puis s’effilochent comme elles sont venues. D’accord, le ciel y est souvent spectaculaire avec des nuées cathédrales à couper le souffle, et c’est bien plus sympa à observer que les deux minutes de la haine contre Poutine ou les rituels d’exorcisme contre le carbone mangeur d’homme. Mais au bout d’un moment les nuages, le marin ça lui fait une belle jambe.

Alors, que faire ? Eh bien c’est simple, on fait comme Woody Allen écoutant du Wagner : on envahit la Pologne. C’est ce que j’ai fait en tombant sur un objet étonnant, écrit dans les années 1980 par Andrew Lobaczewski, psychiatre polonais ayant vécu sous le communisme. Son livre, La Ponérologie politique (l’étude du mal), est mal fagoté, boursoufflé de passages très techniques, difficile d’accès car utilisant une terminologie psychiatrique qui n’a plus cours et, cerise sur le gâteau, sa thèse est discutable. Mais pour autant, l’ouvrage fait écho de manière stupéfiante à la période que nous vivons, et il y a là-dedans, il me semble, une intuition.

Pour bien comprendre le propos de Lobaczewski, revenons rapidement à notre époque. Je ne heurterai personne ici en avançant que nos dirigeants occidentaux, au-delà de leur corruption et de leur duplicité, donnent tous l’impression nette qu’ils sont des réchappés d’un asile. Trudeau, Biden, Sholtz, Macron, Van der Layen… J’abrège, on voit de quoi je parle (ou alors c’est à se pendre). La question, dès lors, est la suivante : tout ce paquet de tarés toxiques dans une unité de temps et d’espace… Comment un tel phénomène peut-il s’expliquer ?

Lobaczewski nous donne sa singulière réponse. Une fois pris dans l’étau communiste après la Seconde guerre mondiale, entre ses incarcérations, il décide d’étudier les profils psychologiques des exécutants d’un régime où les repères volent en éclats. Il analyse son corpus et en tire cette théorie générale : l’histoire est faite de cycles au cours desquels, selon une montée en puissance décrite avec une application clinique par l’auteur, différents profils de psychopathes se succèdent ou s’agglomèrent. Ils infiltrent les institutions puis les structures de pouvoir pour donner finalement corps à une sorte de psychopathocratie dans laquelle infuse la population, peu à peu contaminée. Puis ce règne des fous tombe grâce aux défenses immunitaires secrétées par la société qui se protège du mal, dont les expressions deviennent de plus en plus violentes. Le cycle recommence quand le corps social baisse de nouveau la garde.

Je ne vais pas citer ici la typologie des fous, avec chacun leurs fonctions spécifiques qui permettent l’avènement de cette toxicocratie, cela serait long et maladroit car l’univers des réducteurs de tête (psychiatres, psychologues, psychanalystes et autres bougres du même acabit) n’est pas mon rayon. Mais arrêtons-nous quand même sur la première phase du processus. Selon le schéma de montée en démence exposé par l’auteur, le démarrage du cycle prend place avec les « schizoïdes ». Le schizoïde est non-violent (par conséquent quasi invisible dans la population), mais dénué de la compréhension d’autrui. Il ne discerne pas très bien le réel et a tendance à y plaquer des théories abstraites, avec une appétence marquée pour la séparation entre les hommes. C’est lui qui fait le lit du règne des fous en devenir. Et Lobaczewski de placer Karl Marx au rang des schizoïdes…

On voit par là que le niveau a baissé. Personne ne me fera croire que Harari par exemple, ce défoncé du ciboulot qui pourrait être placé en équivalent de Marx dans le système Lobaczewski, arrive à la cheville du fou allemand en termes de puissance intellectuelle (pour la nocivité, le débat est ouvert). Et si nous faisons le même exercice en prenant plus sottement Klaus Schwab comme point de comparaison avec Marx, alors la dégringolade est folle. Refermons la parenthèse sur cette prodigieuse gamelle.

Je l’ai dit, le système de Lobaczewski me paraît peu convaincant. La politique et l’histoire des hommes ne sont pas réductibles à un déterminant psychologique. Pourtant, je n’arrive pas à me défaire de l’idée que l’auteur ouvre une lucarne (repensez simplement à la liste non exhaustive des timbrés que j’ai dressée plus haut en moins de dix secondes). Certes, je le reconnais, j’ai un regard affectif sur Lobaczewski. Intellectuellement, il prenait un risque et humainement, m’est avis qu’il était fait du même tonneau que Victor Klemperer (ce dernier, pardon pour cette énième parenthèse, vécu volontairement en RDA après-guerre, ce qui prouve que l’on peut être d’une clairvoyance de très haute intensité sur la fabrication du vulgum nazicus, mais aveugle comme une taupe sur le communisme).

De manière assez buissonnière et en attendant mieux, je garde du livre de Lobaczewski une pépite dont j’ai d’ailleurs déjà touché un mot. En effet, comme beaucoup, il m’arrive régulièrement de vouloir distribuer des beignes aux zombies qui, par leur servitude nombreuse, ont rendu possible nos temps crépusculaires. Leur pardonner d’avoir éteint la lumière est parfois difficile.

Or, grâce à Lobaczewski, j’aime bien l’idée que nos zombies soient en définitive toujours des hommes et qu’ils travaillent, même à leur insu, à la production d’anticorps.

Mais bon, apparemment ils le font à leur rythme. Et c’est long.

Edmond Dantès

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