L’accord AUKUS est une soumission stratégique illogique de l’Australie, car il mettra le pays en faillite en achetant des sous-marins nucléaires américains. Ces sous-marins sont, en théorie, destinés à assurer la sécurité de l’Australie, mais ils resteront, au moins officieusement, sous commandement américain.
L’un des principaux points de l’accord est qu’il a lésé la France, qui avait conclu un important contrat avec l’Australie pour la construction de sous-marins conventionnels. Le ministre français des affaires étrangères a déclaré qu’il s’agissait d’un “coup de poignard dans le dos“. La France n’a même pas été informée de l’accord, mais l’a appris par la presse.
Que les États-Unis fassent un tel coup à la France, un grand allié européen de l’OTAN, pour leurs propres intérêts politiques et économiques n’est pas nécessairement sans précédent, mais le faire aussi publiquement et ouvertement qu’avec l’accord AUKUS aurait dû être un grand signal d’alarme.
Malheureusement, le président français Macron et son gouvernement se sont rendormis et ont donné aux États-Unis l’occasion de réitérer le même genre de coup à la France.
C’est ce qu’ils ont fait avec l’AFRICOM, l’instrument américain destiné à saper les pays africains par le biais de la “coopération” militaire.
La France a de gros intérêts en Afrique où certaines de ses anciennes colonies, la Françafrique, sont liées à elle par l’utilisation d’une monnaie, le franc CFA, qui est uniquement sous le contrôle du gouvernement français.
Les États-Unis ont utilisé leur formation d’officiers africains pour trouver et former subtilement des personnes avec lesquelles ils pouvaient travailler. Un nombre étonnant de ces officiers ont ensuite été impliqués dans des coups d’État qui se sont souvent révélés anti-français et pro-américains :
[Depuis 2008, des officiers formés par les États-Unis ont tenté au moins neuf coups d’État et en ont réussi au moins huit dans cinq pays d’Afrique de l’Ouest seulement : Trois fois au Burkina Faso, trois fois au Mali et une fois en Guinée, en Mauritanie et en Gambie.
La formation et le soutien des États-Unis à la région passent par le département d’État et le Commandement pour l’Afrique, une branche du département de la défense, en charge des opérations militaires sur le continent.
Depuis la rédaction de cet article, le Niger a suivi :
Le général de brigade Moussa Barmou, commandant des forces d’opérations spéciales nigériennes formées par les Américains, était tout sourire lorsqu’il a embrassé un général américain de haut rang qui visitait la base de drones du pays, financée par Washington et d’une valeur de 100 millions de dollars, en juin dernier.
Six semaines plus tard, Barmou a contribué à renverser le président démocratiquement élu du Niger.
Pour les officiers militaires et les diplomates américains, cette histoire est devenue trop familière et profondément frustrante.
Le Niger est l’un des nombreux pays d’Afrique de l’Ouest où des officiers formés par l’armée américaine ont pris le contrôle depuis 2021, notamment le Burkina Faso, la Guinée et le Mali. Certains chefs de coup d’État ont entretenu des relations étroites avec leurs formateurs américains, dont le mentorat comprenait des leçons sur la sauvegarde de la démocratie et des droits de l’homme ainsi que sur les tactiques militaires.
Ohh – s’il vous plaît, épargnez-moi les larmes de crocodile sur la “sauvegarde de la démocratie“. Elles sont vraiment exagérées. Les États-Unis disposent d’une grande base militaire au Niger et c’est tout ce qui compte, ainsi que l’influence qu’ils exercent.
Après le coup d’État, le contingent militaire français au Niger et son ambassadeur ont été priés de partir, tandis que la grande base de drones américaine devrait rester.
S’agit-il d’un mauvais résultat pour les États-Unis ou du résultat d’un plan ?
Les États-Unis ont des intérêts stratégiques en Afrique et, comme l’écrit Michael Shurkin, ancien analyste de la RAND et de la CIA et membre du Conseil atlantique, ils veulent que la France se retire :
J’ai salué les efforts de la France pour aider les pays du Sahel – notamment le Burkina Faso, le Mali et le Niger – à se défendre contre les insurrections djihadistes affiliées à Al-Qaïda ou à l’État islamique.
Et pourtant, la seule conclusion raisonnable à tirer aujourd’hui est que la France devrait fermer ses bases et partir.
Le problème, comme l’ont montré les récents événements au Niger, est que tout ce que fait la France, en bien ou en mal, provoque une réaction allergique de la part de populations depuis longtemps conditionnées à se méfier des motivations françaises et à envisager le pire.
Que ce sentiment anti-français soit juste ou non n’a rien à voir avec le sujet. Les liens avec la France sont désormais devenus un baiser de la mort pour les gouvernements africains – un phénomène démontré par le sort du président du Niger, Mohamed Bazoum.
Mais bon… Qui a créé Al-Qaïda et État islamique ? Qui les a déplacés de l’Asie occidentale vers l’Afrique ?
Oui, la France a conservé certaines de ses mauvaises habitudes et influences coloniales et certains la détestent vraiment pour cela. Mais qui, par sa propagande, les a poussés dans cette direction ?
Le plan est évident. La France doit être poussée vers la sortie pour que les États-Unis puissent entrer :
En attendant, la menace de voir la Russie combler le vide est exagérée et ne devrait pas justifier la poursuite de l’engagement [de la France]. En effet, une partie de l’attrait de la Russie réside dans le fait que de nombreux Africains la considèrent comme une sorte d’anti-France. Et moins la France vivra “de ses rentes” dans l’imaginaire populaire, moins l’attrait symbolique de la Russie sera grand.
L’attrait de la Russie tient également au fait que certains gouvernements africains, dont celui du Mali, sont frustrés par la réticence de la France à les aider dans une stratégie qui consiste trop souvent à cibler certaines communautés ethniques – surtout les Fulanis, mais aussi les Arabes et les Touaregs. Et si c’est pour cela qu’ils veulent de l’aide, la France et les autres puissances occidentales ont raison de refuser.
Le fait que les États-Unis et d’autres partenaires européens comme l’Allemagne ne provoquent pas la même réaction leur offre une ouverture, un moyen de contribuer à combler le vide pour maintenir la Russie à l’écart et aider les États africains à se défendre. Mais pour cela, ils devront se montrer attentifs et faire preuve d’une plus grande créativité que celle dont ils ont fait preuve jusqu’à présent.
Cela signifie également que la France devra leur faire confiance au sujet de son ancien empire. C’était encore une pierre d’achoppement dans les années 1990, mais aujourd’hui, Paris est prête.
Elle n’a d’ailleurs pas le choix.
Pauvre France. On lui dit de partir et de laisser les États-Unis s’emparer de ses anciennes colonies. Elle n’a pas le choix.
Les Français ont mis du temps à se rendre compte de ce plan. Mais ils commencent enfin à s’en rendre compte. Le principal magazine géopolitique français, Conflits, traite de l’article de Shurkin et pose la question suivante :
Pourquoi l’Amérique veut-elle chasser la France d’Afrique ?
Il conclut à juste titre :
Les Américains veulent sacrifier la présence française pour la remplacer et la maintenir.
Depuis que la France a rejeté l’invasion américaine de l’Irak, les États-Unis ont fait de leur mieux pour refuser à la France tout rôle international indépendant. Le magazine examine divers lieux et plans mondiaux où et comment la France peut raisonnablement empêcher cela. Il conclut (traduction automatique) :
Ce qui est en jeu n’est donc pas simplement la présence de la France au Sahel ou en Afrique. C’est son maintien en tant que puissance globale souveraine ou sa réduction à une puissance périphérique « betteravisée » en Europe. Par extension, la nature même des relations entre les grandes démocraties en dépend : formeront-elle un bloc rigide, impérial, derrière les États-Unis ou seront-elles capables de constituer une alliance souple dans un cadre multilatéral, bien plus à même de défendre leurs intérêts et leurs valeurs ?
Sans doute l’Amérique et les Européens ont-ils besoin d’une voix pour leur rappeler les dangers respectifs de leur hubris ou de leur faiblesse. Incontestablement, le monde a-t-il besoin de puissances moyennes autonomes comme la France pour trouver de nouveaux équilibres, donner leur place aux nations émergentes, appuyer sans les étouffer les États les plus fragiles et éviter les logiques de confrontations directes entre blocs.
Je suis d’accord. Une France multilatérale indépendante avec une influence globale serait bonne pour l’équilibre du monde.
Mais pour atteindre cette place et y rester, la France doit contrer les plans américains visant à l’écarter de la place qu’elle souhaite occuper.
La France va-t-elle enfin apprendre à le faire ?
Moon of Alabama
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