Bien que cet article aborde la guerre en Ukraine, il s’agit surtout des États-Unis et de l’administration Biden, et de la façon dont ils vont faire face à leur défaite dans leur guerre contre la Russie. Gardez cela à l’esprit lorsque vous commenterez.
Le moment où Washington reconnaîtra sa défaite en Ukraine et ses conséquences n’est pas encore arrivé.
Dans son dernier article (archivé), Seymour Hersh fait le point sur l’état de la guerre et sur les divergences d’opinion entre les services de renseignement américains :
Certains éléments importants de la communauté américaine du renseignement, qui s’appuient sur des rapports de terrain et des renseignements techniques, pensent que l’armée ukrainienne, démoralisée, a abandonné la possibilité de vaincre les lignes de défense russes à trois niveaux, lourdement minées, et de porter la guerre en Crimée et dans les quatre oblasts saisis et annexés par la Russie. En réalité, l’armée meurtrie de Volodymyr Zelensky n’a plus aucune chance de remporter la victoire.
La guerre se poursuit, m’a dit un fonctionnaire ayant accès aux renseignements actuels, parce que Zelensky insiste pour qu’elle se poursuive. Dans son quartier général ou à la Maison Blanche de Biden, il n’est pas question de cessez-le-feu et on ne s’intéresse pas aux pourparlers qui pourraient mettre fin au massacre. “Ce ne sont que des mensonges“, a déclaré le fonctionnaire, en parlant des déclarations ukrainiennes sur les progrès à petit feu de l’offensive qui a, en réalité subi des pertes stupéfiantes pour gagner du terrain dans quelques zones éparses que l’armée ukrainienne mesure en mètres par semaine.
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L’agent de renseignement américain avec lequel je me suis entretenu, qui a passé les premières années de sa carrière à lutter contre l’agression et l’espionnage soviétiques, respecte l’intelligence de Poutine, mais méprise sa décision d’entrer en guerre contre l’Ukraine et d’avoir provoqué la mort et la destruction que cette guerre entraîne. Mais, comme il me l’a dit, “la guerre est terminée. La Russie a gagné. Il n’y a plus d’offensive ukrainienne, mais la Maison Blanche et les médias américains doivent maintenir le mensonge.”
“La vérité, c’est que si l’armée ukrainienne reçoit l’ordre de poursuivre l’offensive, elle se mutinera. Les soldats ne sont plus prêts à mourir, mais cela ne correspond pas au mensonge dont la Maison Blanche de Biden est l’auteur”.
Les différences entre la CIA actuelle et la Defense Intelligence Agency, plus néoconservatrice, s’étendent à leur vision de la Chine :
L’hostilité néoconservatrice de l’administration Biden à l’égard de la Russie et de la Chine – illustrée par les remarques du secrétaire d’État Tony Blinken, qui a déclaré à plusieurs reprises qu’il n’accepterait pas un cessez-le-feu en Ukraine – a entraîné une scission importante au sein de la communauté du renseignement. Les National Intelligence Estimates, qui définissaient les paramètres de la politique étrangère américaine depuis des décennies, en ont été les premières victimes. Certains services clés de la CIA ont refusé, dans de nombreux cas, de participer au processus des NIE en raison d’un profond désaccord politique avec la politique étrangère agressive de l’administration. Un échec récent concerne un plan NIE qui traitait des conséquences d’une attaque chinoise sur Taïwan.
J’ai évoqué pendant de nombreuses semaines le vieux désaccord entre la CIA et d’autres éléments de la communauté du renseignement sur le pronostic de la guerre actuelle en Ukraine. Les analystes de la CIA se sont toujours montrés beaucoup plus sceptiques que leurs homologues de la Defense Intelligence Agency (DIA) quant à la perspective d’un succès en Ukraine. Les médias américains ont ignoré le différend, mais pas The Economist, dont le siège est à Londres et dont les journalistes bien informés n’évitent pas le sujet.
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La DIA continue d’affirmer que l’armée ukrainienne a une chance, bien que minime, de percer les lignes russes. La Maison Blanche semble encore y croire. La CIA sait que l’Ukraine est finie.
Alastair Crooke, dans un entretien (vidéo) avec le juge Napolitano, affirme que le moment de vérité n’arrivera qu’en novembre.
Mais que se passera-t-il lorsque tout le monde reconnaîtra et admettra, même en silence, que la guerre contre la Russie a échoué ?
Michael Brenner affirme que les États-Unis ne peuvent pas faire face à la défaite :
Aujourd’hui, l’Ukraine a subi d’énormes pertes d’une ampleur (proportionnelle) encore plus grande [que la Wehrmacht allemande lors de la bataille de Koursk], sans réaliser de gains territoriaux significatifs, incapable même d’atteindre la première couche de la ligne Surovikine. Cela ouvrira la voie vers le Dniepr et au-delà à l’armée russe, forte de 600 000 hommes et équipée d’un armement équivalent à celui que l’Occident a donné à l’Ukraine. Moscou est donc prête à exploiter son avantage décisif au point de pouvoir dicter ses conditions à Kiev, Washington, Bruxelles, etc.
L’administration Biden n’a rien prévu pour une telle éventualité, pas plus que les gouvernements européens obéissants. Leur divorce avec la réalité rendra cet état de fait d’autant plus stupéfiant – et exaspérant. Dépourvus d’idées, ils vont patauger. On ne sait pas comment ils réagiront. Nous pouvons dire avec certitude une chose : l’Occident collectif, et en particulier les États-Unis, aura subi une grave défaite. Faire face à cette vérité deviendra la principale préoccupation.
Voici un menu d’options pour y faire face :
Redéfinir ce que l’on entend par défaite, victoire, échec, succès, perte, gain. Il y a un nouveau récit qui est scénarisé pour mettre l’accent sur ces points de discussion : …
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Ce récit a déjà été diffusé dans les discours du secrétaire d’État américain Antony Blinken, du conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan, du secrétaire à la défense Lloyd Austin et de la vice-secrétaire d’État par intérim Victoria Nuland. Son public cible est l’opinion publique américaine ; personne en dehors de l’Occident collectif n’y croit cependant – que Washington ait ou non enregistré ce fait de la vie diplomatique.
Réduire rétroactivement les objectifs et les enjeux
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Cultiver l’amnésie
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Suivant : La Chine
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Il est probable que l’administration utilisera les quatre options pour faire disparaître la douleur et le souvenir de la défaite. Déclarer la victoire sur la Russie parce que celle-ci a été arrêtée à la frontière polonaise. Oublier ensuite tous les détails et toutes les conséquences et se diriger vers une guerre contre la Chine.
Cela pourrait se terminer de manière catastrophique :
Le déplacement du centre de gravité de la Russie européenne vers la Chine asiatique est moins un mécanisme de gestion de la défaite que la réaction pathologique d’un pays qui, ressentant un sentiment lancinant de diminution de ses prouesses, ne peut rien faire d’autre que de tenter une dernière fois de se prouver à lui-même qu’il a encore ce qu’il faut – puisque vivre sans ce sentiment exalté de soi est intolérable.
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Les États-Unis ont eu la chance, dans le cas du Viêt Nam, que leur position dominante dans le monde, en dehors du bloc soviétique et de la RPC, leur permette de conserver respect, statut et influence.
Mais les choses ont changé. La force relative des États-Unis dans tous les domaines s’est affaiblie, de fortes forces centrifuges dans le monde produisent une dispersion du pouvoir, de la volonté et des perspectives parmi d’autres États. Le phénomène des BRIC est l’incarnation concrète de cette réalité.
Par conséquent, les prérogatives des États-Unis se réduisent, leur capacité à façonner le système mondial conformément à leurs idées et à leurs intérêts est de plus en plus contestée, et des primes sont accordées à une diplomatie d’un ordre qui semble dépasser leurs aptitudes actuelles.
Les États-Unis sont déconcertés.
Selon Hersh, les principaux services de la CIA ont reconnu le danger de ces plans. C’est peut-être la raison pour laquelle le porte-parole informel de la CIA, David Ignatius, et d’autres ont écrit que Biden devait se retirer.
S’il ne le fait pas, les néoconservateurs qui l’entourent auront tout intérêt à s’attaquer à la Chine le plus rapidement possible. Comme Biden aura des difficultés à gagner les élections de l’année prochaine, il a besoin d’un objectif qui puisse unifier le pays. Une guerre dont il peut affirmer que les États-Unis sortiront vainqueurs en est un. Des échanges navals hostiles avec la Chine vont arriver.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone
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