08 août 2023

Crise au Sahel : la gaffe de trop pour Macron?



En jouant les fiers à bras, quand Macron tel un matamore promet une réponse militaire à la junte au pouvoir à Niamey et soutient (ou même pire, suggère) l’ultimatum de la CEDEAO, refuse que son armée quitte le pays. Il met son adversaire en position de fourchette, tel aux échecs : posture où le prochain coup de son adversaire va obligatoirement lui infliger un revers stratégique majeur, lui prendre un ou deux pièces maîtresses. Dans le cas d’espèce, à tous les coups, lui infliger une humiliation de portée internationale dans le meilleur des cas et dans le pire, en plus, un revers militaire et géopolitique majeur.

En effet, penser que la junte va céder à la pression de la CEDEAO et restituer le pouvoir à M. Bazoum tient du vœu pieux, d’un aveuglement incroyable et démontre s’il en était encore besoin le niveau de déconnection des « zélites » de l’exécutif Français, à commencer par son président.

La posture de la France qui consiste à refuser tout dialogue et qui « monte dans les tours » dès les premières annonces du coup de force démontre d’abord le peu de sérénité mentale qui domine dans la tête du président Français. C’est inquiétant.

Et c’est inquiétant d’abord pour les Français.

La fourchette nigérienne

Car enfin, la France peut-elle encore menacer quelque pouvoir que ce soit en Afrique, dans le monde de 2023 ?

La France, ivre d’arrogance pense-t-elle qu’elle peut encore faire « la pluie et le beau temps » avec ses mille-cinq-cents militaires encasernés dans la base aérienne près de Niamey, au milieu d’une population de plus en plus ouvertement et de plus en plus ostensiblement hostile à sa présence ?

Le président Français pense-t-il, tout simplement ? Comment peut-il faire des déclarations à l’emporte-pièce sans avoir évalué toutes les implications de ses déclarations ?

Qu’il soit enclin aux déclarations intempestives et insultantes, c’est une réalité que les Africains ont intégrée.

Que le président lâche son venin, démontrant au monde son incompétence, ainsi que les dysfonctionnements de l’appareil d’Etat Français, c’est devenu une réalité à laquelle les chancelleries africaines se sont habituées, ainsi que bon nombre dans les palais présidentiels Africains.

Mais les institutions Françaises devraient prendre ces faits au sérieux et prendre les dispositions politiques et institutionnelles adéquates.

Car en France, aucun conseiller de l’Élysée, aucun ministre (qui dans le monde connaît le nom de la fade Ministre des Affaires Étrangères Française?) n’est en mesure de conseiller, de tempérer les délires fantasmatiques de leur président ? Aucun président des deux chambres (les députés, les Sénateurs) n’est capable d’interpeller le président sur les dangers géopolitiques et géostratégiques pour la France que représentent les grossièretés malodorantes de leur président ? Aucun groupe de députés n’engagera de procédure de destitution envers ce président qui démontre au monde entier soit son incompétence, soit sa malhonnêteté (ou les deux), soit sa folie soit sa perversité (ou les deux) ?

Pas un militaire Français, suffisamment « burné » pour faire comprendre à son chef suprême qu’il dit des conneries et qu’il est temps qu’il se ressaisisse ? Seraient-ils à ce point transformés en courtisans serviles et veules ?

Le président serait sourd, aveugle, déconnecté à tel point qu’il serait le seul, seul à prendre les décisions, transformant tout l’appareil d’État en système psittaciste institutionnalisé ?

Si rien, si aucune institution ni personne ne réagit en France alors cette décadence mentale est systémique et dès lors, la France n’est plus la France aux yeux du monde. Elle est une ruine politique, philosophique, institutionnelle et géopolitique, en plus de devenir un nain menteur économique.

Et des conséquences, quelque soit le scénario qui se déroulera désormais, il y en aura : au Niger, en Afrique et en France. Et dans aucun scénario la France n’en ressortira grandie et renforcée. Bien au contraire.

Macron, déconnecté de la réalité africaine

Si malgré le refus du sénat nigérian (du Grand voisin Nigéria, la véritable locomotive économique de la sous-région), malgré le soutien aux putschistes Nigérien du Burkina-Faso, du Mali, de la Guinée Conakri, malgré la neutralité affichée du nouveau pouvoir de N’Djaména (l’armée la plus aguerrie de la sous-région), malgré le sentiment anti-France des populations sahéliennes, affiché désormais ostensiblement lors des nombreuses manifestations dans les différentes capitales sahéliennes ou centrafricaines ces derniers mois, les militaires Français engageaient un bras de fer avec la junte au pouvoir à Niamey, les conséquences et les soubresauts géopolitiques dans la sous-région agiteraient pour de longues années l’ensemble des pays de la sous-région, y compris ceux qui soutiennent encore officiellement l’Élysée. (la Côte d’Ivoire notamment).

Que dire en outre du Sénégal, jusqu’alors fidèle vassal de la France, en préparation d’une élection présidentielle qui s’annonce d’ores et déjà tumultueuse et contestée ?

Quelles seraient en France les réactions quand arriveraient les premiers cercueils des militaires Français à l’aéroport du Bourget, et les premières décorations posthumes données en grande pompe lors des funérailles nationales aux Invalides pour les « héros » tombés pour le pays dans ce sahel, qu’à l’évidence l’Élysée ne comprend pas ?

Même si la France revendiquait la victoire à l’issue d’une confrontation militaire aventureuse, initiée sur un coup de tête, sans véritable évaluation des forces en présence et des soutiens significatifs internationaux aux putschistes, ravis d’ouvrir un front militaire supplémentaire entre les différents blocs internationaux qui se dessinent en ce moment même, confrontation qui ferait des dégâts non seulement matériels et humains, mais surtout politiques et géopolitiques, il n’en resterait pas moins que cela viendrait consacrer une fracture irréversible dans une opinion Africaine qui trouverait là un prétexte qui lui manquait jusqu’alors : trouver un ennemi commun pour catalyser son unité.

Dans le cas où, soudainement, réveillée par un accès de lucidité, la France revenait à une posture réaliste et décidait de céder en faisant quitter le territoire Nigérien à ses militaires, alors elle apparaîtrait sans consistance et faible après les rodomontades que son chef de l’exécutif a proférées. Elle quitterait le Sahel « la queue entre les jambes », risée des populations et opinions africaines et devrait endosser une humiliation que seuls les médias Français aux ordres pourraient minimiser uniquement à l’intérieur du territoire Français. En Afrique, les réseaux sociaux, les médias soutenus alors de plus en plus ouvertement par les puissances étrangères aux aguets, ravies de constater qu’il suffit de profiter de l’arrogance Française pour pousser ses propres pions n’auraient qu’à montrer à l’envi l’inanité de la politique Française en Afrique.

La politique du pire

Dans tous les cas, à l’instar de sa politique intérieure, avec Macron, c’est toujours la politique du pire qui est mise en œuvre.

Pire parce que, quelque soit le scénario, la France perd désormais à tous les coups. Et ces perspectives auront des conséquences à long terme sur la place de la France dans le monde, sur la légitimité de sa place au conseil de sécurité de l’ONU, traditionnellement soutenue par la quasi-totalité des pays Africains, qui la considérait encore récemment (avant l’ère Macron en fait), comme « l’Amie du continent », « son papa ».

Le temps des regards certes paternalistes et néocolonialistes mais bienveillants des De Gaulle ou des Chirac est bien révolu. Politiquement désormais, il ne sera pas bon pour les futurs candidats dans les élections présidentielles à venir sur le continent d’afficher une posture pro-Française. La proximité avec Paris va devenir un marqueur de rejet pour les citoyens et électeurs du continent.

Quelque soit le scénario, Macron apparaîtra comme le fossoyeur de l’image de la France en Afrique et dans le monde et endossera la responsabilité du déclin Français.

Macron n’est pas un joueur d’échec. Ses fonctions l’ont pourtant amené à y jouer face à des adversaires bien plus doués et bien plus intelligents que lui.

Il serait cocasse que ce soit l’Afrique qui révèle aux Français le manque de discernement de leur président, pour ne pas dire ses déficiences mentales et que ce soit l’Afrique qui soit la cause de sa chute, de lui et de sa clique mafieuse. Chute que tous les scandales et les réformes impopulaires que Macron a imposé n’auront pas pu provoquer…

Aléa jacta est. Le sort en est jeté. Macron, président esseulé, dépositaire du pouvoir d’un État en faillite, responsable principal du déclin qu’il a lui-même provoqué vient d’inaugurer une énième gaffe internationale. La gaffe de trop ?
 
Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2023/08/07/crise-au-sahel-la-gaffe-de-trop-pour-macron-par-firmin-yalusaka/

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