14 juillet 2023

Ukraine : fin de partie pour Zelenski

 
On dit souvent qu’une hirondelle ne fait pas le printemps, pas plus qu’une seule voix ne pourrait suffire à établir une vérité. Mais lorsque plusieurs voix se font entendre simultanément, venant de gens différents et indépendants les uns des autres, et disent sensiblement les mêmes choses, on peut alors leur apporter un certain crédit. Ainsi en est-il des informations concernant la guerre en Ukraine.

Alors que la doxa éditorialiste de certains médias est d’afficher une sorte de « foi du charbonnier » concernant la victoire de l’Ukraine sur la Russie, d’autres sources, et pas n’importe lesquelles, font état d’une situation bien différente.

Des voix dissonantes

C’est le cas du colonel Douglas Mc Gregor, qui fut un des conseillers militaires de Donald Trump, qui relate lors d’une interview récente les origines de la guerre, et n’hésite pas à dire qu’il existe une différence importante entre les propose de la diplomatie américaine et le sentiment du Pentagone. Ce dernier pense que ni les Etats-Unis, ni leurs alliés ne sont en mesure de livrer une guerre « conventionnelle » (entendez non-nucléaire) contre la Russie. Les forces russes sont extrêmement importantes et bien équipées alors qu’on a répandu l’idée que la Russie était faible, en s’inspirant de la propagande nazie de la Seconde Guerre mondiale, ce qui est stupide.

Pour la suite des opérations, Mc Gregor se montre très pessimiste et pense que cette défaite de l’OTAN contre la Russie va entraîner la fin de l’OTAN. Cela entraînera également le changement d’un certain nombre de gouvernements en Europe d’ici quelques mois. Ils seront remplacés par d’autres qui remettront en question la position américaine en Europe. Il pense également qu’il y aura d’importantes répercussions aux Etats-Unis et que le peuple américain demandera des comptes aux dirigeants qui ont mis leur pays dans cet état.

C’est également le cas de Richard Haass. Il a exercé durant une vingtaine d’années la présidence du CFR, donc au cœur de l’état-profond américain dont il connaît tous les rouages. Il était un des personnages clés en matière de politique étrangère américaine. Sa parole a donc du poids. Dans une interview du 03 juillet , on trouve le texte:

« Après avoir dirigé l’organisation pendant deux décennies, M. Haass a déclaré qu’il était parvenu à la conclusion inquiétante que le danger le plus grave pour la sécurité du monde à l’heure actuelle était les États-Unis eux-mêmes, a-t-il déclaré dans une interview au New York Times.

L’effritement du système politique américain signifie que, pour la première fois de sa vie, la menace interne a dépassé la menace externe, a-t-il ajouté.

Au lieu d’être le point d’ancrage le plus fiable dans un monde instable, les États-Unis sont devenus la source la plus profonde d’instabilité et un exemple incertain de démocratie, a estimé M. Haass, cité par le journal »


Mais il y a également des diplomates étrangers , comme l’Indien M K Bhadrakumar, qui exprime leurs doutes sur la situation réelle de l’Ukraine face à la Russie. Il écrit notamment, sur la situation actuelle et juste avant la réunion de Vilnius parlant de l’épisode russe:

Il est concevable que Washington en déduise qu’il s’agissait d’une réunion «vérité et réconciliation» présidée par Poutine. D’importantes décisions auraient été prises pour que le Kremlin puisse garder les yeux sur l’Ukraine de manière optimale.

Voilà qui va pratiquement éteindre la lueur d’espoir des Alliés de l’OTAN, qui pensaient que les incertitudes politiques en Russie entraveraient l’effort de guerre du Kremlin. Il est évident qu’il n’y a aucune «fissure» sur le mur du Kremlin. Poutine reste fermement aux commandes et les opérations militaires visant à disperser l’offensive ukrainienne, qui dure depuis un mois, réussissent au-delà des attentes.

En conséquence, les Alliés de l’OTAN devraient faire preuve d’un plus grand réalisme. Hélas, des décisions politiques capitales pour la sécurité européenne ont été prises sur la base de renseignements erronés.

Les Américains n’avaient aucune idée de la capacité de l’armement russe ou de l’industrie de défense du pays, de sa capacité à se mobiliser sans faille pour une guerre continentale, de l’état d’esprit du peuple russe, de la puissance de Poutine, dont la cote de popularité s’élève régulièrement à 80% (plus du double de celle de Biden), de la capacité de l’économie russe à résister aux sanctions, ou du contrecoup des sanctions, qui finiraient par dévaster les économies européennes.

D’autres signes à prendre en compte

Indépendamment de ces analyses, dont la compétence sur le sujet de leurs auteurs ne fait aucun doute, certaines décisions, notamment en matière de fournitures d’armes à l’Ukraine, suscitent la réflexion. Joe Biden dit qu’après plusieurs mois d’hésitation, les Etats-Unis allaient envoyer des armes à sous-munitions. Ces armes avaient été développées durant les années 70, essentiellement dans un but d’anti-guérilla, par un certain nombre de pays. Elles permettent de « neutraliser » une certaine zone en la recouvrant avec une densité importante de petites munitions qui se fragmentent en remplissant l’espace avec des projectiles extrêmement dangereux pour tout être se trouvant dans cette zone. En outre, les munitions qui n’explosent pas à l’impact avec le sol gardent leur caractère meurtrier, notamment pour les civils et en particulier les enfants.

Ces armes fort peu sympathiques ont été détruites par les pays qui se sont engagés à ne plus les utiliser. Malheureusement, les Etats-Unis n’étaient pas signataire, la Russie non plus, de ces accords. Cependant, on a vraisemblablement déduit que si les Etats-Unis les proposent, c’est surtout parce qu’ils n’ont guère d’autres munitions à proposer. C’est l’aveu que tout leur stock disponible pour soutenir un pays tiers est épuisé. Ce qui revient à poser la question de la quantité d’armes dont dispose encore l’armée ukrainienne ?

Poser cette question, c’est en partie y répondre et, de l’avis de plusieurs spécialistes, les approvisionnements ukrainiens sont insuffisants. Ce que confirme par ailleurs le général Zaloujny dans un entretien donné au Washington Post.

MK Bhadrakumar termine son analyse sur ce sujet en écrivant:

« Entre-temps, selon les rumeurs à Kiev, le commandant en chef des forces armées, le général Valeri Zaloujny, a recommandé à son président Zelensky que l’offensive militaire ukrainienne en cours depuis un mois ne soit tout simplement pas viable face à la puissance écrasante des forces russes et qu’elle doive être interrompue »

Le contexte mondial , avec l’émergence de plus plus probable d’un monde « multipolaire » que les médias occidentaux ont tendance à ignorer, va pourtant bouleverser le rapport de forces entre l’Occident et le reste du monde. Vladimir Poutine le sait parfaitement et il est probable qu’il adopte une position purement défensive, du moins tant que la Russie ne sera pas directement menacée. Pour cette raison, le conflit ukrainien risque d’être gelé, les deux adversaires véritables que sont la Russie et les Etats-Unis ayant, pour des raisons différentes, un intérêt à cette situation.

On peut comprendre le dépit de Volodimir Zelinski, mais il est assez probable que, concernant l’Ukraine, comme le disent les Américains, « Game is over! ».

Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2023/07/12/ukraine-fin-de-partie-pour-zelenski-par-jean-goychman/

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