Les écolos n’ont jamais été aussi puissants. Mais aujourd’hui, le retour de bâton commence sérieusement...
La Plante du siècle, originaire du Mexique, est une fleur qui peut atteindre 30 pieds de haut, rester végétative pendant 10 à 30 ans jusqu’à ce qu’elle fleurisse avec une rosette de deux mètres de large aux couleurs vertes. Elle meurt ensuite.
Le parti écolo allemand est la Plante du siècle de la politique européenne. Créé en 1979, ce parti est resté longtemps dans l’ombre. Au fil du temps, il a commencé à définir discrètement l’agenda politique du pays. Mais ce n’est qu’au cours des deux dernières années qu’il s’est véritablement épanoui en jouant le rôle de force irrésistible au sein de la coalition tripartite d’Olaf Scholz. Ils ont débranché l’énergie nucléaire et favorisé la transition vers les énergies renouvelables.
Ces dernières semaines, la fleur des écolos a commencé à se faner. Les électeurs commencent à mesurer le coût des politiques vertes.
Deux événements consécutifs ont déclenché la réaction anti-écolos. Le premier est un scandale de népotisme à l’ancienne au sein du ministère de l’économie dirigé par les écolos. Il s’est déroulé comme tant d’autres scandales politiques : il a commencé par un démenti, suivi de déclarations de loyauté jusqu’à l’inévitable limogeage du coupable. Cela nous a rappelé que les politiciens écolos ne sont pas si différents après tout.
L’autre événement, plus important, a été l’adoption d’une loi obligeant les propriétaires à remplacer leur système de chauffage au fioul et au gaz par des pompes à chaleur, à partir de janvier prochain. Les coûts pour les ménages sont potentiellement écrasants. Le coût estimé est de 15 000 à 40.000 livres sterling, en fonction de la taille de la maison. Dans les régions les plus pauvres, comme l’Allemagne de l’Est, et dans certaines poches de l’Ouest, le prix des maisons ne dépasse souvent pas 80 000 livres. Cette législation aurait pour effet de réduire de moitié la valeur des biens de certaines personnes.
Le gouvernement étudie actuellement les moyens d’indemniser les perdants. Mais cela ne sera pas facile dans un contexte de restrictions budgétaires. Les propriétaires les plus pauvres appartiennent pour la plupart à la classe moyenne inférieure, la partie de l’électorat la plus ouverte à l’extrême droite.
Les Pays-Bas sont un bon exemple de ce qui peut arriver lorsque des électeurs en colère se rassemblent. Lors des élections provinciales de mars, le Mouvement des agriculteurs et des citoyens (BBB) a remporté la victoire en s’opposant à la réduction des émissions d’azote. Lors d’une récente élection dans la ville allemande de Brême, un nouveau parti, baptisé “Citoyens en colère”, est sorti de nulle part et a obtenu 10 %, profitant de ce qui est en grande partie une humeur anti-écologiste.
Le retour de bâton a également atteint Bruxelles. Le Parti populaire européen, qui représente le centre-droit, a appelé à une pause réglementaire pour tout ce qui est écologiste. Le parti a également changé de position sur la législation phare de la Commission européenne en matière de protection de l’environnement. Le centre droit craint de perdre les communautés rurales, sa base de pouvoir traditionnelle.
Ce qui se passe en Europe est un changement décisif aux conséquences importantes. Auparavant, la CDU et les autres partis de centre-droit courtisaient les écolos en tant que futurs partenaires potentiels de coalition. Aujourd’hui, ils les considèrent comme leurs principaux adversaires politiques. Le retour à la politique de confrontation est politiquement logique pour le centre-droit. Dans le même temps, il réduit considérablement les possibilités de coalition.
La CDU allemande n’aurait plus que deux possibilités si l’on excluait toute constellation avec les écolos : la première est une grande coalition avec le SPD. La seconde est une coalition avec l’extrême droite. La première ne suscite guère d’intérêt. Bon nombre des problèmes que connaît l’Allemagne aujourd’hui, une dépendance excessive à l’égard de la Russie et de la Chine, un sous-investissement et une armée mal équipée, sont le résultat d’immondes compromis obtenus par les grandes coalitions sous la direction d’Angela Merkel.
Une coalition avec l’AfD, l’extrême droite, est un tabou pour la CDU, pour l’instant. Mais je m’attends à ce que cela change lorsque cela deviendra la seule véritable option de pouvoir restante. Ailleurs en Europe, cela commence déjà à se produire. Les Démocrates de Suède, parti d’extrême droite, ont conclu un accord de confiance et d’approvisionnement avec un gouvernement minoritaire de centre-droit composé de trois partis et dirigé par Ulf Kristersson. Dans la Finlande voisine, un nouveau gouvernement est en train d’être formé, dans lequel les Finlandais d’extrême droite pourraient devenir un partenaire mineur de la coalition.
En Allemagne, nous n’en sommes pas encore là. L’Alternative pour l’Allemagne, parti d’extrême droite, recueille 17% des suffrages. Je dirais que son potentiel se situe autour de 30%. Lorsqu’elle atteindra 20% ou plus, les partis centristes auront de plus en plus de mal à former des coalitions.
Il en résultera une fragmentation politique. La politique au Royaume-Uni ou aux États-Unis n’est pas moins fragmentée, mais le conflit se joue à l’intérieur des principaux partis, qui sont protégés par le système de vote uninominal à un tour. Le glissement des Républicains vers la droite trouve son pendant en Europe dans une coalition entre les partis de centre et d’extrême droite.
Les groupes d’extrême droite ne sont pas tous identiques. Giorgia Meloni, la première ministre italienne, a surpris beaucoup de monde par son respect des règles européennes et son soutien à l’OTAN et à l’Ukraine. Marine Le Pen est plus radicale. L’AfD allemand est plus extrême. Le parti couvre tout le spectre de l’extrême droite, des nationalistes démocrates aux néo-nazis. Il a été fondé par un groupe de professeurs d’économie qui s’opposaient à l’adhésion de l’Allemagne à l’euro. Ils voulaient créer une version allemande du parti conservateur, mais ils ont fini par être évincés par des groupes d’extrême droite qui ont infiltré le parti.
Je m’attends à ce que la politique européenne évolue dans la même direction que la politique américaine, avec les retards habituels. Elle se fragmentera en deux groupes. L’un sera dominé par les questions relatives aux écolos, mais pas nécessairement par le parti écolo. L’autre se définira par une opposition radicale à la politique du changement climatique.
L’image que j’ai des écolos, celle d’une fleur en train de flétrir, n’est donc pas complète. Lorsque certaines de ces plantes dormantes meurent, elles laissent souvent derrière elles des bulbes. Quel que soit l’avenir du parti écolo lui-même, ses politiques resteront, et diviseront le centre droit en deux.
Wolfgang Münchau
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.