L’agriculture, partout dans le monde, mais plus particulièrement en France, a plusieurs fonctions ; celle de la fourniture de l’alimentation, qu’elle soit directe ou indirecte avec, par exemple, la production végétale alimentant l’élevage ; une fonction liée à l’aménagement du territoire, à la fois consommatrice d’espace et actrice de sa structuration ; elle fournit aussi de l’énergie (méthanisation, carburants biosourcés etc) et joue un rôle qui – malgré ce qu’en dit l’agri-bashing des Khmers Verts – n’est pas toujours négatif pour le maintient de la biodiversité. On peut aussi lui adjoindre des fonctions économiques car elle est pourvoyeuse d’emplois directs et indirects et contribue au maintient de la balance commerciale française.
Si on s’en tient à ces fonctions, la place des produits phytosanitaires est prépondérante puisqu’ils contribuent à assurer une production alimentaire à la hauteur de ce qui est souhaité.
Les phytosanitaires, inévitables pour produire suffisamment
Dans ce cadre, du point de vue du paysan, l’utilisation des produits phyto fonctionne comme un facteur de réduction des risques et donne au paysan plus de chances d’obtenir un revenu à la hauteur de ses espérances.
En France, le pourcentage des paysans dans la population active se situe autour de 2 à 3% et la grande majorité de la population est hors-sol. Dans ce contexte, il est impératif qu’un système de production intensif existe et fonctionne quelque part dans la monde. Je préférerais que ce soit en France plutôt qu’ailleurs, et cela pour différentes raisons : création de la valeur ajoutée dans notre pays, capacité de contrôle de la qualité de la production et des processus de production, contribution à la défense d’un modèle d’agriculture familiale marchande et d’occupation du territoire qui fait vivre la ruralité…
NDLR : “l’écologisme parisien – inspiré des préceptes verts et décroissants du Great Reset – en prônant une agriculture sans pesticides, à l’ancienne et productive malgré tout, n’est qu’une utopie qui débouchera inévitablement sur l’effondrement du secteur agricole français et sur la nécessité d’importer des produits venant de l’étranger, ouvrant ainsi la porte à la viande d’Amérique du Sud, ou au blé d’Ukraine…sans que le consommateur puisse s’informer sur la qualité réelle de ce qu’il achète. Pour en savoir plus sur l’écologisme agricole des Verts en France, nous vous conseillons la vidéo que Eric Verhaeghe a consacré à ce sujet.“
Pourquoi je ne suis pas un adorateur des produits phyto
Attention : je pense qu’il est illusoire de s’en passer dans les conditions ci-dessus exposées. Cependant, sans être ni ayatollah du bio ni pro agriculture « chimique », il faut rester nuancé et savoir aussi accepter quelques données importantes : Le Ministère de l’agriculture évoque l’utilisation de plus de 1000 molécules utilisées en agriculture, que l’on regroupe sous le vocable de pesticides : herbicides, insecticides, fongicides, auxquels il faut également ajouter des molécules qui agissent sur la croissance de certaines parties des plantes (je pense notamment aux « raccourcisseurs » qu’on met sur les céréales pour limiter la croissance des tiges pour favoriser l’alimentation du grain).
Ces molécules ont des compositions chimiques diverses et des modalités d’actions différentes. Je ne suis pas un spécialiste de ces questions. Je ne suis plus à la page sur les nouvelles molécules. Bien qu’ayant étudié un certain nombre de ces molécules par le passé, je me considère comme un néophyte sur ces questions. Pour simplifier, on distingue deux grands types de mode d’action de ces molécules : produits « par contact » ou produits dits « systémiques ». Ces derniers sont conçus pour agir sur les mécanismes physiologiques des plantes ou des animaux qu’ils visent.
Aucune étude officielle des risques liés à l’utilisation de produits phytosanitaires
Je note aussi un certain nombre de faits qu’il est officiellement impossible de relier à l’utilisation des produits phytosanitaires. Je me permets cependant de poser ici quelques questions : En termes de santé publique, on note une augmentation très significative des maladies neuro-dégénératives (Alzheimer, Parkinson…), une baisse de la fertilité des humains (hommes et femmes, qui se traduit notamment par une baisse de la concentration des spermatozoïdes dans le sperme ainsi qu’une baisse de la motilité spermatique), une féminisation des populations de poissons (et on ne peut que constater une baisse de la virilité humaine aussi). Les chiffres du ministère de la santé montrent qu’il y a environ un million de personnes atteintes d’Alzheimer en France (une personne sur 67 !) et qu’on doit s’attendre à atteindre le chiffre de 1,8 million en 2050. Rien que ça. Cela signifie que, statistiquement, nous connaissons tous plusieurs personnes atteintes de cette maladie.
Bien qu’il n’existe pas d’études de pharmacovigilance sur ces questions, notamment sur le lien entre maladies neurologiques et CSP (Catégories Socio-professionnelles), on retrouve, ici ou là quelques données corroborées par des témoignages de personnes qui travaillent dans les centres d’accueil pour des personnes atteintes de ces maladies : la prévalence des maladies neurologiques est plus importantes dans les populations paysannes que dans les autres CSP.
Certains produits ne sont pas forcément spécifiques à une espèce et leur utilisation entraîne une baisse de la présence d’autres espèces. Cela peut être le cas pour les insecticides.
Sans que leurs détracteurs puissent formellement le prouver, on peut émettre des doutes sur les effets de certains produits sur les populations d’insectes, notamment la gamme des produits néonicotinoïdes sur les populations d’abeilles. Le principe de précaution ne devrait il pas être appliqué ici ?
Remarque personnelle : issu du monde paysan (je suis tombé dedans quand j’étais petit), je suis personnellement entouré de nombreux cas de malades neurologiques : famille, voisins, connaissances dans le milieu agricole, sans parler des cancers, y compris pour des personnes qui ne fumaient pas, qui vivaient d’une manière qu’on aurait pu considérer comme saine. Évidemment, je ne peux que m’interroger sur des causes liées à l’environnement et donc à l’utilisation de produits phyto.
Sans que je ne puisse rien prouver, j’ai personnellement de grandes interrogations sur certains produits insecticides autorisés. Je pense notamment au Fipronil. Cette molécule agit à des doses quasiment indétectables dans le milieu naturel. Il agit sur le développement neurologique des larves d’insectes et empêche leur développement. Je souhaiterais que des experts en embryogenèse m’éclairent sur la question. Vu la similitude du développement embryonnaire des tous premiers jours de toutes les espèces, se pourrait-il qu’un embryon, y compris d’un mammifère soumis à cette molécule puisse en être affecté ?
Pourquoi un tel manque de données ?
A ce stade plusieurs questions se posent auxquelles je n’ai pas véritablement de réponses : Pourquoi ne dispose-t-on pas des données de pharmacovigilance par CSP ?
Pourquoi les seules données d’effets environnementaux sont dictées seulement par les labos phyto (qui sont les mêmes que les labos pharmaceutiques) ?
Quelle confiance avoir dans les structures étatique ou paraétatiques en charge de la validation des molécules ?
Alors voilà, nous sommes face à une problématique intéressante intellectuellement regorgeant de paradoxes : Une agriculture – dans sa fonction de production alimentaire – disposant de peu de main d’œuvre est obligatoirement une agriculture intensive. (Encore une fois, ce ne sont pas les circuits locaux qui peuvent répondre seuls, dans les conditions humaines décrites aux besoins alimentaires de notre population). Cette agriculture est spontanément consommatrice de produits phytosanitaires
Concernant les effets environnementaux et sanitaires de ces produits : on ne sait pas, parce qu’on ne cherche pas. Mais on peut, légitimement se poser des questions et remettre en cause le « tout chimique ».
Un compromis est-il possible ?
Existe-t-il des voies médianes qui permettent de satisfaire aux exigences de la production agricole alimentaire et qui permettraient de réduire les risques sanitaires liés à leur utilisation ?
Là, j’ai bien quelques pistes, mais on entre ici dans une autre dimension de complexité : la définition d’une politique agricole dans son ensemble, c’est-à-dire qui est définie par l’ensemble de ses implications : gestion du foncier, politique de soutien à l’installation, formation professionnelle, politique de crédit à l’agriculture, organisation des marchés, politique tarifaire, politique commerciale internationale (liée aux traités commerciaux en cours ou en discussion : CETA, MERCOSUR…), dans un environnement social, politique, institutionnel (je pense ici à la capacité de notre pays à définir lui-même sa politique sectorielle agricole en restant dans l’UE), humain, énergétique dont on ne fait que percevoir les contours de ce qu’il sera dans les quinze prochaines années.
Et là, en tant que non paysan, détaché du secteur depuis des années, en dehors des réseaux de l’agro-alimentaire et des instances publiques en charge de la définition ou de la coordination des politiques agricoles, je ne suis pas légitime pour formuler seul des analyses ou des propositions (qui seraient de toute façon simplistes face à des problématiques complexes).
Je peux juste poser ici mes questionnements et vous les proposer.
Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2023/06/20/agriculture-produire-francais-ou-perir-par-dominique-delfosse/
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