26 mai 2023

Le G7 ou la fin de l’universalisme

La réunion du G7 à Hiroshima a démontré une nouvelle fois la fin de l’universalisme et l’isolement de l’Occident qui parvient de moins en moins à parler aux autres pays. Alors que le reste du monde se reconfigure, cette réunion du clan des 7 manifeste une rétractation occidentale.

Créé en 1974 à la suite du premier choc pétrolier, le G5 (États-Unis, France, Royaume-Uni, RFA, Japon) regroupe les principales économies du monde libéral. Une façon de se retrouver face à l’URSS et ses satellites, dans un club d’Occident, entre chefs d’État, pour parler de sujets économiques et politiques. Les premières réunions ont lieu dans la bibliothèque de la Maison-Blanche, ce qui montre bien qui est la puissance invitante et qui sont les invités.

Valéry Giscard d’Estaing innove en 1976 en organisant cette réunion au château de Rambouillet, en y conviant l’Italie et en instituant une présidence tournante. Puis le Canada rejoint le groupe pour ce qui se présente comme les 7 pays les plus développés de la planète. La disparition de l’URSS modifie la donne. La nouvelle Russie est conviée aux réunions dès 1994 puis officiellement intégrée en 1997. Ce qui témoigne d’une volonté réelle de l’intégrer aux puissances mondiales et de ne pas la laisser à la marge. On trouve encore des photos d’un autre temps montrant Chirac, Schroeder et Poutine, verre de bière à la main, riants de bon cœur. Nous sommes désormais loin de cela. Dans les années 2000, les réunions sont émaillées de nombreuses violences perpétrées par des mouvements anti-mondialisation. À Gênes, en 2001, les émeutes aboutissent à de multiples destructions et au décès d’un manifestant. Le mouvement antimondialiste est à son apogée, il organise des contre sommets, notamment à Porto Allegre au Brésil, accueilli par Lula, alors idole de la gauche européenne. Le fait qu’il y ait de telles oppositions démontre que ces réunions intéressaient, ce n’est plus le cas aujourd’hui : qui se préoccupe de ce qui a pu se dire à Hiroshima ou même lors des précédentes réunions ? C’est que depuis l’éviction de la Russie en 2014, à la suite de l’annexion de la Crimée, et surtout à la montée en puissance de l’Inde et de la Chine, le G7 n’est plus le club de ceux qui peuvent dominer la planète.

Quel G7 ?

La création d’un G20 a cherché à ouvrir ces réunions à d’autres puissances économiques, qui ont émergé au cours des années 2000. Cela témoigne d’un rééquilibrage manifeste du monde : le G7 de 1976 n’est plus tout puissant. À quoi bon discuter de sujets économiques s’il manque la Chine et l’Inde ? Cette fois-ci, le Brésil fut invité, mais ses préoccupations ne sont pas à l’interdiction des vols aériens de moins de 2h ou à la réduction de la consommation de viande. Il y a deux générations, le G7 pouvait faire rêver : parce que les pays étaient puissants et développés. Mais depuis que l’horizon des membres est la fin de la puissance et le sabordage de l’économie par une volonté assumée de « décroissance », c’est-à-dire de retour de la pauvreté, il n’y a pas de quoi se rendre aimable par les pays du G20, ni par les autres.

À Hiroshima, on a beaucoup parlé de l’Ukraine, le président Zelensky s’invitant en hôte surprise. Si la guerre en Ukraine intéresse les Européens et les Américains, elle n’est pas un sujet pour le Japon. Du moins pas plus que la guerre au Yémen. Elle ne l’est pas non plus pour le Brésil, qui a d’autres problèmes plus urgents à régler que les combats de Bakhmout. On peut donc comprendre que Lula soit quelque peu agacé par Zelensky et par la monomanie des sujets abordés. Il en va de même des questions écologiques, dont la « décarbonation » de l’économie n’est au programme nulle part qu’en Europe, n’en déplaise aux gesticulations de Mme Borne. Bien que réuni au Japon, ce club des 7 est isolé, sa voix ne porte pas au-delà de son cercle, de plus en plus restreint. Conçu dans les années 1970 comme le club des pays développés puis, dans les années 2000, comme celui des champions de la mondialisation, il est désormais une réunion d’Occidentaux qui se parlent à eux-mêmes. Au même moment se tenaient le sommet de la Ligue arabe et un forum en Asie centrale, tout aussi important pour leurs protagonistes, prouvant que le monde est de plus en plus sorti de l’universel.

Ligue arabe : le retour de la Syrie

Le sommet de la Ligue arabe fut marqué par le retour de la Syrie et de Bachar al-Assad, exclu depuis plus de 10 ans. Pour Damas, c’est une réintégration officielle dans le concert des nations, pour un pays qui est toujours au ban des Occidentaux, toujours soumis à un embargo qui provoque des drames humanitaires et qui aujourd’hui tue plus que la guerre, qui a pratiquement cessé. Assad, celui qui devait être renversé facilement et ne tenir que quelques semaines, est toujours aux commandes de Damas, treize ans après le déclenchement des hostilités. Pour l’Occident qui s’est coupé de la Syrie et qui a rompu tous les ponts, ce retour dans la Ligue arabe est d’autant plus un camouflet que les Européens ne savent pas comment revenir dans le jeu oriental. L’Arabie saoudite s’est rapprochée de l’Iran et est sur le point de trouver un modus vivendi. Des négociations sont en cours au Yémen pour trouver une solution à la guerre qui traverse le pays et qui verra probablement la victoire des Houthis. La Syrie a d’autant plus besoin du soutien de ses alliés arabes qu’il lui faut d’importants capitaux pour reconstruire le pays. De quoi exciter les prêteurs et les entreprises du BTP qui lorgnent déjà sur un marché des plus prometteurs. Damas et Alep sont les nouveaux eldorados des familles saoudiennes de construction. En accueillant Assad en leur sein, ces pays démontrent qu’ils sont moins soumis aux injonctions occidentales et qu’ils sont désormais prêts à aller à l’encontre de la diplomatie européenne.

Il en va de même pour les pays réunis lors du forum d’Asie centrale, qui ont compris que l’Eurasie était la grande zone économique et politique de demain. Tout comme Lula n’a que faire de poursuivre ses liens avec la Russie et de ne pas céder aux injonctions de Zelensky.

Sur la photo finale du G7, encadrant les chefs d’État ou de gouvernement, figurent Charles Michel, le président du Conseil européen et Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission. La présence des représentants des institutions européennes se voulait une preuve du poids géopolitique de l’Union européenne ; elle n’est que la démonstration du rétrécissement du G7 à un club d’Occidentaux. Loin d’être, désormais, la figure de proue de l’économie mondiale, le G7 est la manifestation de l’Empire américain.

Jean-Baptiste Noé

Source

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.