15 mai 2023

Bientôt la possibilité de « payer partout » avec l’euro numérique ?

Le 24 avril 2023, Fabio Panetta, membre du directoire de la Banque centrale européenne (BCE), présentait un rapport sur le projet d’euro numérique, une monnaie unique issue de la BCE. Projet actuellement en dernière phase d’étude devant la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen.

◆ Une monnaie présentée comme une version numérique des espèces

Selon Fabio Panetta, « dans une économie moderne, la possibilité de payer sous forme numérique est un besoin fondamental. […] Avec les espèces, les banques centrales proposent déjà un moyen de paiement sans risque, largement accessible, facile à utiliser et inclusif. Mais la numérisation rapide de nos économies implique que nous les complétions par un moyen de paiement adapté : l’euro numérique. »

Cet euro numérique devrait « être disponible dans l’ensemble de la zone euro et permettre d’effectuer des paiements du quotidien : en magasin, en ligne ou entre personnes ».

Fabio Panetta explique que « les Européens voient la possibilité de “payer partout” comme la caractéristique la plus importante d’un éventuel euro numérique » en s’appuyant sur deux études, dont celle de Kantar Public.

◆ Pas de contrainte… en apparence !

« Que chacun puisse, dans la zone euro, avoir accès à l’euro numérique et l’utiliser si et quand il le souhaite, quel que soit son établissement bancaire ou son pays d’origine », poursuit Fabio Panetta, qui précise : « Nous ne serons pas contraints à utiliser l’euro numérique. Mais nous en aurons toujours la possibilité, comme avec les espèces à l’heure actuelle. »
Mais il déclare plus loin : « Il serait donc plus bénéfique et plus pratique pour les utilisateurs que les commerçants acceptant les paiements numériques soient obligés d’accepter l’euro numérique comme monnaie ayant cours légal. »

Fabio Panetta prévient : « Les tentatives précédentes de mise en place d’initiatives de paiement européennes ont montré qu’il est toujours nécessaire, pour assurer un accès universel dans la zone euro, de prendre des mesures réglementaires. »

Il invite donc les membres du Parlement à prendre des décisions qui seront « essentielles » pour les aider à atteindre leurs objectifs et dit attendre « avec intérêt la proposition législative de la Commission européenne ».

◆ Un euro numérique, même pour les prestations sociales ?

Quand on regarde de plus près le rapport disponible en anglais, on y lit que l’euro numérique « pourrait être utilisé par des particuliers pour payer d’autres particuliers (de personne à personne, P2P), pour payer des détaillants en ligne pour des achats en ligne (commerce électronique) ou pour des paiements par carte de crédit. […] L’euro numérique pourrait également être utilisé par des entreprises pour payer des particuliers (business to person, B2P) ou pour payer d’autres entreprises (business to business, B2B). […] Enfin, l’euro numérique pourrait être utilisé pour les paiements (par exemple, pour payer des impôts ou recevoir des prestations sociales) ou pour des paiements initiés par des machines (c’est-à-dire des paiements entièrement automatisés initiés par un appareil ou une machine sur la base de conditions prédéterminées). »

◆ Les étapes d’après ?

Le rapport répond : après la proposition d’un règlement visant à établir l’euro numérique, « L’Eurosystème continuera à s’engager activement auprès d’un grand nombre de parties prenantes, y compris les décideurs politiques européens, pendant le reste de l’année. […] Le Conseil des gouverneurs décidera à l’automne 2023 s’il convient de lancer une phase de réalisation pour développer et tester les solutions techniques appropriées et les accords commerciaux nécessaires pour fournir un euro numérique. Cette phase pourrait durer environ trois ans. »

L’euro numérique pourrait donc être utilisé dès 2026…

◆ Et la confidentialité ?

La CNIL, en février 2023, donnait l’alerte sur le fait qu’en septembre 2022, pendant la phase d’investigation, la Banque centrale européenne a arrêté « des premiers choix en matière d’architecture de l’euro numérique en ce qui concerne la confidentialité des transactions » et a retenu « une approche qui conduirait à ce que les transactions aient lieu en ligne, soient répertoriées sur un compte, soient intégralement traçables et validées par un intermédiaire ». Cette façon de faire ne correspond pas « aux premières recommandations faites par les autorités de protection des données ».

Dans le cadre de la consultation publique préparatoire de la BCE, les répondants avaient pourtant considéré que la confidentialité des transactions était le paramètre le plus important dans la conception de l’euro numérique (43 %).

La CNIL appelle donc  à un large débat public et démocratique à ce sujet, à l’échelon européen ainsi qu’à l’échelon national. « Il appartient aux citoyens et à leurs représentants de choisir à présent quelle sorte d’euro numérique ils souhaitent et comment cet euro numérique protégera leurs données et leurs libertés. ».  Reste à savoir si, à part les quelques centaines de personnes consultées pour les deux études qui ont permis l’écriture du rapport présenté le 24 avril 2023, la population européenne sera consultée et si les élus nationaux auront vraiment leur mot à dire…

Estelle Brattesani

Source

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.