C’est entendu, la Pologne est de loin le meilleur élève de la classe des fous réunie en Europe pour prier en faveur du succès de Saint-Zelenski. D’où ceci que la Pologne, soutenu par la poigne ferme de Biden, est la voix la plus influente aujourd’hui dans l’“Europe atlantico-collective”. Et pourtant ! La Pologne secoue l’Ukraine comme un prunier à propos des céréales ukrainiennes qu’on lui impose et qu’elle repousse. La Pologne clame que son projet européen à elle, c’est l’« Europe des nations », – comme la voulait le général... « Bizarre, vous avez dit bizarre ? »
En un sens, on doit le réaliser, la Pologne est aujourd’hui intouchable ; et l’on ajoutera pour mettre un grain de sel, un complément avec ce mot entendu par des oreilles ennemies dans un couloir vide du Berlaimont :
« ... Aussi intouchable qu’elle est insupportable, ce qui n’est pas peu dire, dans un cas comme dans l’autre... »
La discussion roulait sur les prochaines élections en Pologne, qui seront chaudement disputées, – c’est pour l’automne, qui sera très chaud. Pour autant, la Pologne occupe une position extrêmement particulière aujourd’hui. Remarquée pour son importance grandissante dans l’UE, tant pour le poids politique que pour l’influence, notamment (essentiellement) à cause de son rôle dans la crise ukrainienne, chuchotée même pour ses ambitions hégémoniques d’un “empire des deux mers” et d’une armée ultra-puissante aux bons soins de l’Oncle Sam, on la perçoit de plus en plus comme un “poids lourd” de l’Europe alors que France et Allemagne ne cessent de perdre du terrain et d’afficher une mine de cadavres.
Mais il s’avère que la Pologne s’affirmant, ce n’est nullement un facteur de stabilisation et d’ordre, – fût-ce un ordre nouveau, disons pour leur faire plaisir “un ordre polonais”. Au contraire, c’est un nœud de contradictions qui s’exacerbent et prennent tout le monde de court, un nœud gordien devenu fou. La Pologne s’inscrit ainsi comme un des principaux instruments (sans doute involontaire) de dévoilement des contradictions d’une époque folle toute entière acquise à l’hypocrisie et au simulacre.
Au diable l’Ukraine
On observe cette activité polonaise d’une façon de plus en plus appuyée ces derniers temps. D’abord, on voit le cas de la soudaine, – et surprenante pour les âmes simples et de bon ton, – tension entre la Pologne et l’Ukraine. Ces deux pays-“frères”, comme au temps du Pacte de Varsovie, sont pourtant liés par des liens salués comme “sacrés” par la narrative illustrant le simulacre du “camp du Bien”.
On suit ici Andrew Korybko, présentant ainsi la querelle entre la Pologne et l’Ukraine (et entre la Pologne et l’UE en toile de fond) à propos de l’invasion céréalières ukrainienne en Pologne, qui fait gronder les fermiers polonais, – bien plus que des éclats de S-300 ukrainiens tiré “par erreur” dans le mauvais sens des aiguilles d’une montre. Korybko vient de nous expliquer, – nous le croyons diablement sur parole, – que la Pologne est totalement immunisé, hors vaccination nécessaire, contre le virus de l’“influence russe” qui est instantanément injecté à tout pays et personne mettant en doute d’une façon ou l’autre la pureté du Zelenskistan... Par conséquent, la Pologne parade sans complexe contre l’invasion céréalo-ukrainienne (sans parler des immigrés) et prend des mesures restrictives et de protection extrêmement fermes, – d’une façon qui met en évidence la justesse de l’accusation russe selon laquelle l’accord sur les céréales favorisé par l’“Occident-collectif” est une escroquerie aux dépens des pays du Grand Sud, ou Sud-Global... Explication de Korybko :
« Il est absolument impossible que [la Pologne soit accusée d’opérer] sous “influence russe”, comme cela a été expliqué précédemment, de sorte qu'il devrait être considéré comme acquis que cette mesure [restriction] a été prise pour protéger ses intérêts nationaux objectifs face à la nouvelle menace posée par l'afflux de produits agricoles ukrainiens sur son marché. À ce propos, la Pologne veut prévenir de manière préventive la montée d’un sentiment anti-establishment dans la société, qui pourrait constituer un risque pour le parti au pouvoir à l'approche des élections générales de cet automne.
» Un nombre croissant de Polonais se sentent mal à l'aise avec le fait que leur pays accueille autant d'Ukrainiens, ce qui a brusquement modifié son homogénéité d’après la Seconde Guerre mondiale, sans parler des coûts financiers inattendus associés à cette situation, qui pourraient être consacrés à l'amélioration de la vie de ses propres citoyens. L'agitation croissante parmi les agriculteurs menaçait de créer une cause populiste autour de laquelle ces dissidents pourraient se rallier, d'où la nécessité pour Varsovie d’agir d’urgence comme elle l'a fait malgré les conséquences pour ses liens avec la Commission Européenne et Kiev.
» Les intérêts politiques du parti au pouvoir dans la perspective des prochaines élections de cette année ont primé sur tout le reste, ce qui explique pourquoi la Pologne ne s'est pas souciée du fait que cette action unilatérale ait, par inadvertance, donné du crédit aux critiques du Kremlin selon lesquelles l'accord sur les céréales était une escroquerie depuis le début et n'avait jamais eu pour but d'aider les pays du Sud. Il importe peu qu'elle soit finalement contrainte de revenir sur ses restrictions temporaires à l'avance ou non, puisque le chat est sorti du sac et que les dégâts en termes de pouvoir de persuasion ont déjà été causés. »
Pour saluer le général de Gaulle
Comme on vient de le voir, l’attitude de la Pologne dans cette affaire céréalo-ukrainienne déplaît énormément à l’UE/CE, notamment, comme l’explique Korybko, parce qu’elle met en évidence que l’accusation russe d’escroquerie portée contre l’accord céréalier magouillée par la CE est complètement justifiée. Mais il est un autre domaine, beaucoup plus important celui-là, et beaucoup plus paradoxal jusqu’à faire marcher sur la tête, qui déclenche la très-mauvaise humeur de l’UE en général. C’est la plaidoirie constante de la Pologne, de plus en plus appuyée, de plus en plus impérative, en faveur de “l’Europe des nations” contre un gouvernement supranational européen.
« L’Europe des nations », clamait le général de Gaulle, – et effectivement c’est de la même chose qu’on parle ! Comme tout le monde est devenu fou, on peut prendre ses aises pour s’expliquer de cette charmante rencontre au “café des nations”, – le général de Gaulle et sa vindicte antiaméricaniste et la Pologne boostée aux stéroïdes américanistes, – pour s’entendre, l’un et l’autre, sur la nécessité d’une “Europe des nations”. Il faut tenir compte de tous ces facteurs, qui ont l’élégance de prospérer côte-à-côte, sans rien remarquer...
• La Pologne, l’UE et les USA soutiennent à fond l’Ukraine.
• La Pologne montre les dents et bloque les importations ukrainiennes de céréales organisées par l’UE au nom de la liberté, du libre-marché et de l’approvisionnement du Grand Sud.
• La Pologne proclame la gloire de la nation et des traditions anti-LGTBQ+, notamment parce que les élections sont proches. Son discours pourrait être celui de Poutine, élections ou pas, et il a même des couleur de vindicte anti-allemande.
• L’UE est contre les nations et pour les LGTBQ+ parce qu’elle est progressiste-sociétale, comme tout le monde dans l’“Occident-collectif”, – sauf la Pologne.
• L’Ukraine est progressiste à fond, en s’appuyant sur un pied néo-nazi et en célébrant son amitié fraternelle avec la Pologne qui veut lui manger une partie de son territoire et n’a aucun goût pour ses céréales.
• L’Amérique s’en fout parce qu’elle fonce, qu’elle aime Zelenski et qu’elle adore absolument la Pologne. Pour le reste, « Fuck the EU », comme dit élégamment la troublante et sensuelle Victoria Nuland.
... Et donc, l’incomparable plume d’Alastair Crooke nous croque un portrait exaltant du néo-néogaullisme prospérant aujourd’hui en Pologne avec cette singularité que cette croissance se ferait au sein même de l’OTAN (l’“OTAN-collective”), à laquelle, on s’en rappelle, le général vouait une affection sans faille in illo tempore. Alastair parvient même à nous faire hocher la tête rêveusement en terminant sur les surprenantes ambitions du nommé-Macron, successeur de taille raccourcie de De Gaulle.
« L'UE est également profondément divisée sur la structure : Varsovie, nerveuse à l'approche des élections générales prévues cet automne, encourage la paranoïa anti-allemande. Sa propagande suggère que les politiciens polonais de l'opposition sont des agents secrets d'un complot allemand visant à prendre le contrôle de l'UE et à imposer la permissivité dégénérée de l'Occident à la Pologne catholique hétérosexuelle, – un “bastion de la civilisation chrétienne occidentale” – contrairement à Bruxelles, qui est considérée comme une conspiration “germanisée” visant à “canceller” le droit des nations indépendantes à établir leurs propres lois.
» Jarosaw Kaczyski, chef du parti PiS, joue avec un avenir alternatif pour l'Europe. Il s'agirait d'une Europe des patries, presque sur le modèle de De Gaulle : une alliance d'États-nations pleinement souverains, au sein de l'OTAN mais indépendants de Bruxelles, qui inclurait la Grande-Bretagne après le Brexit, plutôt que les seuls membres actuels de l'UE. (Il n'y a pas de “troisième empire” de l'UE par ici).
» Dans un discours important, le Premier ministre polonais a souligné que le moment était venu de bousculer le statu quo plus à l'ouest et de dissuader ceux qui, à Bruxelles, voudraient “créer un super-État gouverné par une élite restreinte. En Europe, rien ne peut mieux protéger les nations, leur culture, leur sécurité sociale, économique, politique et militaire que les États-nations”, a déclaré M. Morawiecki. “Les autres systèmes sont illusoires ou utopiques”.
» Les élections doivent avoir lieu cet automne en Pologne et les sondages suggèrent que le résultat sera serré.
» Il semble que Macron ait ouvert une véritable boîte de Pandore. Peut-être était-ce là son intention, ou peut-être s'en moquait-il, son objectif étant avant tout national : façonner une nouvelle image dans le contexte d'un paysage électoral français changeant et turbulent.
» Quoi qu'il en soit, l'Union européenne est prise au milieu d'un maelström de changements géopolitiques à un moment où elle est confrontée à la possibilité d'une crise bancaire, d'une forte inflation et d'une contraction de l'économie. La simple survie pourrait devenir plus urgente que les réflexions spéculatives de Macron sur la transformation de l'UE en une troisième force. »
L’Évènement dirige tout
Nous ne pouvons pas échapper à toutes ces contradictions, notamment parce que tout le monde est fou et que, ni Blinken ni Nuland ne savent qui est de Gaulle et ce qu’il voulait. Leur horizon s’arrête à Zelenski. A la base de ce tourbillon crisique de la psychologie, donc de la pensée, donc du jugement et du pouvoir, se trouve la folie américaniste, avec l’état extraordinaire du pouvoir US. C’est essentiellement cela qui permet à un dirigeant du pays apparemment le plus tenu dans les griffes du complexe militaro-industriel US de proclamer “Nous voulons une Europe des nations, comme la voulait le général de Gaulle”.
Contrairement à nos jugements courants, la Pologne n’est pas la vassale de l’Amérique (« The US’ most important European vassal nowadays », écrit Korybko). Les Polonais sont fous à leur manière, ils sont intenables, incontrôlables, ils ont des rêves de grandeur et ce sont eux qui mènent les USA plus que le contraire, en leur faisant croire qu’ils sont indispensables pour tenir les Ukrainiens. Abrutis par l’hystérie haineuse de leurs jeux intérieure et l’ivresse de leur simulacre de saltimbanque hollywoodien, les acteurs américanistes ne s’aperçoivent de rien.
Korybko écrit que le PiS (le parti au pouvoir) a trahi sa mission et est devenu globaliste, et pour cette raison devenu vassal de l’Amérique, mais c’est mal lire les choses. Les Polonais sont plus Polonais que jamais et ils haïssent Bruxelles presque plus qu’ils ne haïssent Moscou ; et les USA applaudissent à ces orgies de nationalismes d’Europe de l’Est, même avec la croix gammée s’il le faut. Les Polonais sentent bien que, s’il le faut également, les USA les protègeront face à l’UE (« Fuck the EU ») et que l’UE s’aplatira comme d’habitude ; ils sentent bien que les USA jouent le tout pour le tout sans savoir ni pourquoi, ni comment, ni dans quel but, puisqu’occupés avec zèle à creuser leur tombeau... Alors qu’eux, les Polonais, ils savent bien.
Tout cela a-t-il vraiment de l’importance, et la moindre signification, – disons, géopolitique ? C’est se bercer d’illusions. Comme il se doit dans un tourbillon (“crisique”), rien n’est fixé, les étiquettes volent et s’effacent, les rangements volent en désordre, plus personne ne se reconnaît. Les simulacres en arrivent même, par le mouvement, à se déformer et à paraître autre chose que ce qu’ils sont. Croit-on une seconde qu’au sein de cette OTAN-collective en folie l’on puisse établir une hiérarchie et distinguer les ruses de la raison ? Contentons-nous d’observer, voire de savourer le spectacle, en bons complotistes prompts à l’ironie et au sarcasme. Il faut reconnaître que parvenir à faire de la Pologne, – les fous polonais, – un pays où le parti de la tradition peut passer pour globaliste tout en disant, dans l’ombre des USA, qu’il veut une “Europe des nations” à-la-de Gaulle, – voilà qui donne à penser et à sourire.
C’est alors que, se tournant vers les cieux où trônent les dieux, et saluant l’Événement qui domine le monde et bouscule le sapiens obèse de son hubris fabriquée à Hollywood, vient aux lèvres cette appréciation pour saluer le spectacle de la GrandeCrise : chapeau, l’Artiste !
« Je sais bien que nous avons le devoir d’observer sans chercher à comprendre ; que nous avons le devoir de décrire sans prétendre expliquer... L’Événement décide pour nous. Nous nous inclinons, nullement vaincus car nous préférons l’“idéal de perfection” à l’“idéal de puissance”, – mais plutôt, comment dirais-je, confiants après tout, – si possible avec un brin d’une ironie moqueuse pour nous-mêmes, nous qui croyions être nous-mêmes L’Événement en question... Homme qui se crut créateur de toi-même, va jouer avec cette poussière.
» La Vitesse du Temps emporte l’Histoire dans sa course folle. Elle réduit prodigieusement vite l’espace de notre simulacre poussif et chargé de prétentions extravagantes, et ainsi libère-t-elle le monde de ses chaînes enjôleuses et trompeuses, comme des sirènes, faussaires séductrices. La Vitesse du Temps chante le retour d’Ulysse qui a fait un si long voyage. »
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