02 mars 2023

La récession est à nos portes

Un courtier regarde les résultats de la bourse sur un tableau d'affichage numérique.

L'économiste prévisionniste François Trahan, considéré comme une sommité de Wall Street depuis 25 ans, est sans équivoque : « La récession est juste devant nous. »

Que nous réserve l'économie en 2023? L'animateur Gérald Fillion a posé la question à l'économiste prévisionniste et investisseur québécois François Trahan, considéré comme une sommité de Wall Street depuis 25 ans, dans le cadre de l'émission Zone économie. Ses projections sont sombres : les prochains mois seront très difficiles et le pire est à venir, prévient-il.

Il y a quelques mois, en novembre, vous avez dit que la prochaine année allait être apocalyptique. Est-ce que vous le pensez encore aujourd’hui?

Oui, tout à fait. Si on prend en exemple l’économie américaine, où 68 % du produit intérieur brut (PIB) vient de la consommation, ça la rend très sensible aux changements de taux d’intérêt. Initialement, la banque centrale américaine a mal analysé l’inflation et elle a haussé les taux avec un an de retard. Elle est donc en mode rattrapage. Quand on est obligé de faire des hausses de 75 points de base, on sait qu’on a fait quelque chose de pas correct.

Alors, ce choc sur l'économie, il s'en vient. Les gens ont vu le marché baisser l’année dernière et ils ont la perception qu'on a déjà [évité] la récession. Mais la réalité, c’est que c’est juste devant nous. Il y a généralement un long délai entre les changements de taux d'intérêt et l'impact qu’ils ont sur l'économie. 

On a vu la chute des marchés, mais maintenant, il y a de bonnes nouvelles économiques : il se crée de l'emploi aux États-Unis et l'inflation commence à ralentir. Ça donne l'impression qu'on est en train de s'en sortir avec un atterrissage en douceur, mais je comprends que ce n'est pas le cas, selon votre analyse.

Honnêtement, je pense que c’est à peu près impossible. Dans tous les cycles que j'ai vus, il y a toujours cette période où on débat sur la possibilité d’un atterrissage doux plutôt que d'une récession. C'est normal d'avoir ce débat.

Une autre chose qui est commune dans les marchés baissiers, c'est d'avoir des reprises temporaires qui donnent l'impression aux gens que le pire est derrière. Malheureusement, la récession est devant nous. C'est clair comme de l'eau de roche.

Et à quoi va ressembler cette récession, selon vos prévisions?

Ça n’a pas encore commencé. En fait, le taux de chômage est encore à son creux. Dans les modèles d'économétrie qu'on utilise, ça prend deux ans, quand il y a un changement de taux d'intérêt, avant d'en voir l'impact sur l'économie. Ça donne beaucoup de temps pour penser que les choses vont mieux…

Mais ce qui va arriver, c'est ce qui arrive toutes les fois que la Fed

hausse ses taux : il y a un ralentissement. Et cette fois-ci, c'est plus intense que par le passé. 

Donc, ça veut dire : récession, recul du PIB, hausse du taux de chômage, retour à la baisse des marchés boursiers, mais de façon apocalyptique, pour reprendre vos propos. C'est un gros mot, quand même.

Oui, absolument. La première fois que j'ai utilisé ce terme-là, c'était au début de l'année dernière. Je me sens encore plus à l'aise de l’employer aujourd’hui parce qu’on a encore plus de renseignements. Par exemple, on connaît les hausses des taux d’intérêt. À l'époque, c'était encore des hypothèses.

Et puis, on voit déjà l'industrie immobilière réagir. Ce marché a tendance à s'affaiblir un an avant une récession. Alors, si on veut avoir une idée de ce qui s'en vient, on a juste à regarder ce qui arrive en ce moment sur le marché immobilier. Ça allait très bien et, subitement, à la mi-2022, tout a commencé à changer. Les données sont maintenant atroces. 

Est-ce que les banques centrales doivent cesser d'augmenter les taux d'intérêt?

Ça dépend de l’objectif. Si on veut vraiment éliminer les problèmes inflationnistes, il faut hausser les taux d’intérêt suffisamment pour trouver un équilibre dans le marché de l'emploi, qui est la grande source inflationniste en ce moment.

L'inflation des biens, donc tout ce qui touche aux chaînes d’approvisionnement, ça diminue depuis un an. C’est à peu près réglé. C'est les services, le gros problème. C’est la partie dominante de l'inflation de base, et elle est vraiment dictée par le marché de l'emploi. C'est donc difficile d’entrevoir une baisse soutenue de l'inflation des services avant de voir le chômage monter, et monter beaucoup. 

Qu’est-ce que ça signifie pour les marchés boursiers et le marché obligataire?

C'est vraiment axé sur ce qui se passe avec la politique monétaire. Aux États-Unis, on a une banque centrale qui ne fait que réagir aux données. Elle est clairement incapable de voir venir quelque chose qui est même juste devant elle.

Je pense qu’on va avoir un rebondissement de l'inflation dans trois à six mois, donc la Fed

va être obligée de rehausser les taux plus qu'elle le pense elle-même.

Naturellement, l'économie canadienne est un peu différente de l'économie américaine, mais tous les pays industrialisés sont dans le même bateau. La partie dominante de leur économie, c’est la consommation. Ils sont donc tous sensibles aux hausses de taux d’intérêt. 

Et le marché des actions, lui?

L’an dernier, ce qui a donné une mauvaise impression aux gens, c’est la baisse du prix des actions de croissance. C’est vraiment ça, l’histoire de 2022.

Mais le marché baissier classique, c’est plutôt quand les bénéfices commencent à baisser. Et ce marché baissier, il n’a pas encore vraiment commencé. Il est juste devant nous.

Les propos de cette entrevue ont été adaptés à des fins de concision et de clarté.

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