Car oui, le constat ne souffre aucune remise en question : les enfants, dès leur plus jeune âge, sont livrés à eux-mêmes sur les intertubes les plus glauques et vont, inévitablement, tomber sur les pires vidéos possibles, depuis les politiciens vendant dans des mouvements électoraux lascifs le corps de leurs administrés pour un peu plus de pouvoir, des scènes de stupre et de luxure les plus brutes impliquant de grosses administrations dépensant des milliards pour des projets ridicules jusqu’aux images de boucheries guerrières subventionnées par les différentes alliances politico-capitalistiques, en passant (bien sûr) par des gens qui s’emboîtent plus ou moins joyeusement les uns dans les autres ; c’est surtout ces dernières qui déclenchent chez nos élus et nos ministres des petits mouvements spasmodiques de ces mains qui écrivent les textes de lois.
Voilà donc nos autorités gouvernementales voulant absolument bander leurs gros muscles législatifs : pour Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé du Numérique, 2023 devra être l’année où le porno a enfin été interdit aux mineurs français ! On va voir ce qu’on va voir ! Sapristi ! Lancez les légions de Rambolégaux sur les sites interlopes pour en débusquer les mineurs ! Sus ! Etc.
Immédiatement se pose la question du procédé – forcément technique, légal, avec d’habiles tubulures chromées, des textes turgescents et des décrets amoureusement concoctés – qui va permettre d’enfin restreindre l’accès des vidéos sulfureuses aux seules personnes majeures.
De nombreuses pistes ont été étudiées : imposer l’enregistrement d’une carte bancaire ou donner son numéro de carte d’identité ou de passeport, voire demander le secours d’une intelligence artificielle capable de reconnaître à votre visage si vous êtes ou non majeur – ce qui, au passage, est particulièrement cocasse lorsqu’on voit le nombre de soi-disant mineurs non accompagnés sur le territoire tendant à prouver ou bien que déterminer la majorité est quelque chose d’éminemment complexe ou qu’on se moque du visage de pas mal de contribuables et justiciables français…
Manque de bol et péniblerie insistante de la réalité au crépi duquel les fesses administratives se sont un peu trop frottées : tous ces précédents moyens techniques ont largement prouvé leur inefficacité.
Heureusement, le ministricule et ses sbires ont – ENFIN ! – trouvé la parade : l’internaute prouve son identité à une entité administrative très propre sur elle, bien sous tout rapport, et qui a en plus le bon goût de ne pas se servir des données collectées pour de néfastes projets. Ensuite, l’internaute, confronté à un site réclamant une preuve de majorité, peut alors rediriger ce site vers l’administration en question à laquelle le site fait totalement confiance, cela va de soi.
Dans ce schéma, l’identité réelle de l’internaute n’est pas divulguée par l’autorité administrative et le site est dans les clous : l’internaute est rassuré, le site respecte la loi, l’administration a fait son travail, c’est du Win-Win comme on dit chez McKinsey et tout le monde repart joyeux mater des vidéos salées sans plus aucun risque.
Sauf que, patatras, tout ceci est bien évidemment franco-français et sera contournable en trois minutes chrono : non seulement l’internaute lambda pourra mettre en place différentes techniques gratuites (typiquement, un VPN) qui rendront le procédé parfaitement nul et non avenu, mais en plus tout ceci a déjà été tenté par d’autres pays pour, à chaque fois, se heurter à des échecs aussi cuisants que rigolos.
Ainsi et pour prendre un exemple près de chez nous, rappelons que la même idée avait germé dans l’esprit qu’on a connu plus pragmatique de nos voisins britanniques : en 2017, le Royaume-Uni prévenait, avec les mêmes fanfaronnades qu’on observe actuellement côté français, qu’on allait enfin – ENFIN ! – obliger les sites pornos à vérifier l’âge des visiteurs.
Le procédé fut proprement voté puis mis en place en mai 2019, là encore à grands renforts d’annonces médiatiques, de prises de parole décidées et d’explications subtiles sur le mode “il fallait le faire, voilà c’est fait, l’État a le dernier mot, non mais alors”.
Et puis en octobre de la même année, même pas six mois plus tard, le même Royaume-Uni, dans un petit prout humide, a mis complètement fin à toute idée de vérifier l’âge des internautes.
Depuis 2019, aucun rapport, aucune analyse de l’échec ne furent ni demandés ni transmis aux autorités françaises qui ont de toute façon toute l’ampleur intellectuelle et le courage nécessaire pour réitérer les mêmes âneries à grands frais pour obtenir exactement le même échec à plus ou moins long terme : sapristi de superzut, il semble bien que répondre de façon technique à un problème sociétal ne permet pas de résoudre le problème sociétal !
Le principe est toujours le même et les mêmes causes produisant les mêmes effets, ce sont donc les mêmes échecs qu’on répète pour occuper la galerie.
Tout part de ce fameux constat : les enfants sont donc sont livrés à eux-mêmes sur internet. Il faut penser aux enfants, voyons. Il faut !
Car oui, il faut penser aux enfants, avant tout, et surtout pas, jamais, aux parents. Au contraire des parents qu’il ne faut surtout pas évoquer dans l’équation car, par définition, ces derniers sont majeurs et, surtout, dotés du droit de vote, les enfants sont toujours l’enjeu de l’attention des autorités.
Le rôle des parents, le nécessaire besoin d’autorité parentale, celle qui impose justement des limites aux enfants, à commencer sur leur consommation de bande-passante, sur les contenus, sur l’importance de la qualité de ceux-ci, de tout cela il n’est absolument pas question. Apparemment, les enfants existent désormais dans une sphère différente de celle de leurs parents : cette dernière, cantonnée à la consommation et la production d’éléments taxables par l’administration, n’est en rien connexe avec celle des enfants qu’il convient de remplir et limiter au moyen de technologies plus ou moins foireuses, de règles et de lois mal boutiquées et de bureaucraties toujours plus envahissantes.
Les parents n’étant plus que des mammifères mous parfaitement oubliables, les enfants deviennent pupilles de l’administration responsable de leur inculquer ce qu’il faut, de poser des barrières (peut-être) et des principes (éventuellement). Pour les affidés des ministricules en charge de ces questions, c’est du reste parfaitement clair : “L’accès au porno, c’est la responsabilité des éditeurs” et puis c’est tout.
Le résultat de décennies de déresponsabilisation complète des parents est décidément particulièrement intéressant à regarder. D’un côté, on se retrouve avec des enfants n’ayant plus que des tuteurs légaux et des administrations attachées, et de l’autre, des parents qui ne sont plus que des gamins avec des droits.
Franche réussite.
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