09 décembre 2022

EDF : les prévisions de disponibilité du parc nucléaire continuent de se dégrader pour janvier

Les retards pris dans les travaux de maintenance des centrales ont provoqué une nouvelle dégradation des capacités nucléaires prévues par EDF, tombant à 47 GW disponibles pour le début de l’année 2023.

C’est une course contre la montre pour éviter les coupures d’électricité cet hiver. Alors que le parc nucléaire français connaît une indisponibilité historique, la remontée de la disponibilité des réacteurs ne cesse de prendre du retard. Début septembre, EDF prévoyait environ 54 GW de disponibilité pour la première semaine de janvier (sur les 61 GW théoriquement disponibles quand les 56 réacteurs sont en marche). Fin novembre, EDF prévoyait finalement 50 GW disponibles au mois de janvier. Le 4 décembre, la prévision est tombée à 47 GW, d’après la synthèse réalisée par Enerpresse qui suit chaque semaine l’évolution de la disponibilité du parc.

«Nous nous appuyons sur le calendrier de maintenance de EDF. Dès qu’il y a un report, ils ont l’obligation légale de le dire sur le marché», détaille Philippe Rodrigues, rédacteur en chef du média spécialisé sur les questions d’énergie. «On observe, effectivement, une dégradation de la disponibilité par rapport aux projections d’EDF», commente le physicien-climatologue, François-Marie Bréon qui publie régulièrement des graphiques sur l’état du parc. Des prévisions de l’entreprise que le chercheur juge «extrêmement optimistes», estimant «regrettable» qu’elles ne soient pas «plus réalistes» et que les dates de remises en service des réacteurs, soient «toujours repoussées d’au moins quinze jours».

«Il y a toujours un retard»

Depuis plusieurs mois, la remontée du nucléaire français est entravée par les retards pris sur les travaux du «grand carénage», le plan d’EDF pour prolonger la durée de vie des centrales les plus anciennes, ainsi que sur d’autres travaux de maintenance, notamment liés à un problème de corrosion découverts en début d’année. Globalement, «la disponibilité du parc nucléaire s’est beaucoup dégradée, ces dernières années. Il était autour de 80% jusqu’en 2016 et est descendu nettement en dessous de 70%», détaille François-Marie Bréon. «Il y a toujours quelques jours de retard, en général 10% de la durée d’arrêts de tranche, sur la date de remise en réseau. Sur le grand carénage, avec les visites décennales, les arrêts sont plus longs. Donc si vous avez le même glissement, vous pouvez avoir douze jours de retard», observe Thierry Caillon, de la société française d’énergie nucléaire.

Par ailleurs, selon Thierry Caillon, les arrêts étaient moins sujets de préoccupation ces dernières années, car «EDF réalisait à ce moment-là plus d’importations auprès de nos voisins pour compenser temporairement». Mais avec la crise énergétique et la réduction des marges pilotables (comme des centrales à charbon), les échanges sur le marché européen se sont tendus.

Est-ce à dire que le risque de coupures d’électricité, qui agite le débat public depuis quelques semaines, va s’accroitre ? La disponibilité du parc nucléaire, si elle est un enjeu central, n’est pas le seul facteur : d’autres jouent aussi sur la saturation du réseau, comme la météo, ou le niveau de la consommation électrique. Cette dernière s’inscrit à la baisse. En raison du prix très élevé de l’énergie, qui se traduit par une baisse de la consommation dans la grande industrie, et plus marginalement du plan sobriété qui commence, selon les autorités, à porter ses fruits dans les secteurs du tertiaire et du résidentiel.

Marge de prudence

Par ailleurs, RTE, le transporteur d’électricité en charge d’élaborer différents scénarios sur le passage de l’hiver, propose d’autres prévisions qu’EDF concernant la disponibilité du parc. «Nous publions chaque année au mois de novembre des prévisions saisonnières pour l’hiver. Cette année, en prévision d’un hiver particulier, nous avons décidé de publier les premières prévisions dès septembre», indique RTE. Dans ce rapport, «nous parlions déjà d’un hiver à risque du recours à écowatt», pour éviter les délestages, explique-t-il.

A l’époque, dans le scénario le plus optimiste, le parc nucléaire devait atteindre une disponibilité de 40 GW au 1er décembre, et de 50 GW, début janvier. La prévision intermédiaire prévoyait 45GW, en janvier. Mi-novembre, RTE avait réactualisé ses prévisions à la baisse, la disponibilité maximum début janvier étant attendue à environ 40 GW. Soit nettement en dessous, donc, de ce que prévoit actuellement EDF.

Le transporteur d’électricité intègre, contrairement à l’électricien, une «marge de prudence» pour estimer la disponibilité du parc, élaborée à partir de «mesures probabilistes», et l’historique des retards de remise en réseau. «L’expérience montre que réalité bcp plus proche de RTE», note François-Marie Bréon. Une nouvelle mise à jour devrait être publiée par RTE, mi-décembre. On verra alors si les déconvenues les plus récentes du parc nucléaire amènent RTE à un scenario plus pessimiste que celui de mi-novembre.

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