18 octobre 2022

Macron prolonge abusivement la surveillance généralisée de nos téléphones

Le gouvernement a publié hier un décret qui instaure l'obligation, pour un an, pour les communications électroniques, de conserver "les données de trafic et de localisation" des utilisateurs. Il s'agit du prolongement d'un dispositif prévu par un décret adopté l'an dernier. Sauf que... le décret précédent était pris dans le cadre de l'urgence, qui a disparu. Et le décret actuel invoque une bien mystérieuse "menace grave et actuelle contre la sécurité nationale" dont personne n'a entendu parler, et que personne n'a discuté. Voilà une mesure réglementaire purement et simplement illégale, que le cartel de la presse subventionnée s'est empressé de justifier, qui illustre la permanence du capitalisme de surveillance au-delà du COVID qui l'avait (imparfaitement) justifié.

Il faut parcourir avec gourmandise, dans le cartel de la presse subventionnée, la mésinformation qui circule sur le décret publié hier invoquant une “menace grave et actuelle contre la sécurité nationale” pour justifier l’archivage, pendant un an, des données de localisation électroniques. La feuille de propagande 20 Minutes a par exemple repris sans broncher les éléments de langage fournis par le gouvernement, ramenant la presse à son rôle de simple perroquet caractéristique de tous les régimes totalitaires :

Ce décret est pris « aux fins de la sauvegarde de la sécurité nationale », vu « la menace grave et actuelle » qui pèse contre elle, justifie le texte. Il renouvelle un dispositif mis en place en octobre 2021 par un précédent texte pour la même durée, et qui arrivait à expiration. 

Voilà comment la presse subventionnée conçoit son rôle : répéter docilement les décrets sans même prendre le temps de les expliquer. Autant fusionner directement avec le service de presse du ministère de l’Intérieur.  

Mésinformation officielle…

Pas de chance pour 20 Minutes, la vraie histoire n’est pas exactement celle racontée par le décret que le quotidien en ligne a scrupuleusement reproduit. On peut parler ici de mésinformation complète de la part des pisse-copies qui bâtonnent sans esprit critique les communiqués officiels. 

Dans la pratique, tout part de la loi du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, passée inaperçue dans le malström du passe sanitaire et de l’obligation vaccinale. Au passage, si certains cherchaient encore à comprendre l’utilité de moins en moins admise de ce passe, il leur suffit de compter les mesures scélérates qui ont été adoptées derrière le rideau de fumée de cette invention “intelligente et proportionnée”, selon Macron, pour répondre à leurs interrogations sur le sens des choses…

Donc, l’article 17 de cette loi a prévu l’obligation, pour les opérateurs Internet, d’archiver les données d’identification des utilisateurs :

Pour des motifs tenant à la sauvegarde de la sécurité nationale, lorsqu’est constatée une menace grave, actuelle ou prévisible, contre cette dernière, le Premier ministre peut enjoindre par décret aux opérateurs de communications électroniques de conserver, pour une durée d’un an, certaines catégories de données de trafic, en complément de celles mentionnées au 3° du II bis, et de données de localisation précisées par décret en Conseil d’Etat.

C’est ce dispositif qui est actionné par le décret du 17 octobre 2022.

Le décret de 2021 invoquait l’urgence

Les initiés aux arcanes du droit public auront noté que le décret du 17 octobre 2022 évoque la “menace grave et actuelle contre la sécurité nationale” pour justifier la surveillance généralisée dont nous faisons l’objet, alors que le décret du 20 octobre 2021 ne mentionnait que l’urgence

Stricto sensu, il n’y a donc pas de continuité réglementaire entre les deux décrets, même si nous avons tous bien compris que la seule chose qui compte, pour le pouvoir, c’est de continuer à surveiller Internet, quel qu’en soit le motif. Hier, c’était l’état d’urgence, aujourd’hui, c’est une menace grave et actuelle. 

Comme le rappelle 20 Minutes, la sécurité nationale est le seul motif pour lequel la CEDH autorise cette très grave entorse aux libertés.

Donc, on l’invoque, cette menace. 

La menace est-elle crédible ?

Reste que cette invocation pour ainsi dire religieuse de la sécurité nationale qui serait menacée gravement et actuellement paraît bien mal étayée en droit, et crée une véritable faiblesse dans le dispositif gouvernemental. Qui peut, en effet, préciser de quelle menace il s’agit ? Qui en a débattu ? Qui la contrôle ?

Tout se passe (avec le soutien du cartel des médias subventionnés, bien entendu) comme s’il suffisait de crier au loup pour justifier la pause de pièges à loups dans nos rues. Mais qui l’a vraiment vu ce loup ? à quoi ressemble-t-il ? 

Le fait qu’aucun journaliste ne s’insurge contre cette parodie de démocratie est en soi l’aveu du terrible état de notre régime politique en pleine décomposition. D’ici là, on se demande bien quelle menace grave et actuelle pèse sur la sécurité nationale, qui justifie que le gouvernement ait un accès pendant un an à toutes les données de navigation des internautes. 

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