23 octobre 2022

Le chef de l’état-major US, Mark Milley : « Si nous perdons en Ukraine, l’ordre mondial que nous avons créé il y a 80 ans s’effondrera »


Le chef de l’état-major américain, le général Mark Miley, a reconnu publiquement que la guerre en Ukraine est de nature existentielle pour les États-Unis. « Si l’Ukraine tombe, le système international qui a été créé 80 ans avant et après la fin de la Seconde Guerre mondiale, s’effondrera. Ce combat n’est pas seulement dans l’intérêt de l’Ukraine, il est d’intérêt global de protéger l’ordre mondial fondé sur les règles », a martelé le chef de l’état-major US, affirmant être en contact au moins trois fois par semaine avec le commandement ukrainien.

Mark Miley admet tout simplement que l’avenir de l’Amérique se joue en Ukraine et les élites américaines refusent d’accepter un système multipolaire promotionné par Poutine. Ils veulent une superpuissance unique et diriger le nouvel ordre mondial comme l’a annoncé Joe Biden devant les dirigeants de General Motors, Apple, Amazon, JP Morgan…

Mark Miley fait remonter la domination des États-Unis à 80 ans, avant la Seconde Guerre mondiale, Pourquoi compte-t-il si mal ? En remontant de 80 ans, on arrive à 1942, date de la signature de l’accord Clark-Darlan. Ce dernier était commandant en chef des forces de Vichy. Cette erreur de date aurait-elle pour objectif de cacher que les États-Unis auraient été des profiteurs de la Seconde Guerre mondiale ? et pourquoi pas d’une Troisième ?

Le même Miley, le 4 octobre 2016, furieux de l’intervention russe en Syrie fin 2015, avait déclaré : « Nous détruirons n’importe quel ennemi, n’importe où, n’importe quand […] La guerre entre grands États est pratiquement certaine, elle sera hautement mortelle […] Ceux de nos ennemis qui ont sous-estimé nos capacités, notre puissance de combat, ont fait un choix fatal qui s’est terminé pour eux dans les poubelles de l’Histoire. Nous sommes à la fin du jeu maintenant. »

Transcription de Mike Miller, le 4 octobre 2016 :

« Voilà votre armée : 187 000 soldats, actuellement déployés dans 140 pays. […]

La volonté stratégique de notre nation, les États-Unis, est remise en cause et nos alliances sont testées. […]

Mais je veux être clair ; je veux être sans ambiguïté. Je veux être clair avec ceux qui tentent de s’opposer aux États-Unis. Je veux être clair avec ceux qui veulent nous faire du mal. Je veux être clair avec ceux, qui, à travers le monde, veulent détruire notre mode de vie, nos alliés, nos amis. Avec l’armée des États-Unis – en dépit de tous nos défis, en dépit de notre tempo opérationnel, en dépit de tout ce que nous avons fait -, nous allons vous stopper et nous allons vous battre plus durement que vous ne l’avez jamais été auparavant. Ne vous méprenez pas à ce sujet.

Ne vous y trompez pas ! Et l’armée des États-Unis… [Applaudissements] Et l’armée des États-Unis est la force de combat décisive de l’Amérique. Et quand la direction politique des États-Unis décide de déployer son armée, quand nous arrivons sur votre pelouse, vous comprenez que le jeu est réel et vous soupesez pour de bon les enjeux. Et l’autre chose que vous comprenez, c’est que vous allez perdre ; vous perdrez face à l’armée américaine, ne faites aucune erreur à ce sujet !

Nous possédons et nous conserverons à l’avenir, la capacité de nous déployer rapidement et nous détruirons n’importe quel ennemi, n’importe où, n’importe quand.

Je suis donc ici aujourd’hui, et je mets en garde les ennemis de l’Amérique qui doutent ou méconnaissent nos capacités. De nombreux ennemis ont largement sous-estimé les États-Unis et son peuple dans le passé ; ils ont sous-estimé notre détermination nationale ; ils ont sous-estimé nos capacités, nos compétences, notre puissance de combat et tous ont fait un choix fatal qui s’est terminé par leur transfert dans les poubelles de l’Histoire. Il en sera de même de tout ennemi qui fera cette erreur, aujourd’hui ou demain.

Mais alors que nous sommes maintenant prêts, et que nous le resterons à l’avenir, nous sommes confrontés à des choix stratégiques très difficiles, nous sommes de plus en plus contestés par des adversaires potentiels très compétents qui agissent clairement en s’opposant à nos intérêts. Notre but est de dissuader de faire la guerre, mais si la dissuasion échoue, nous, en tant qu’armée, nous, en tant que nation, devons être prêts à nous battre ! […]

D’autres pays, Russie, Iran, Chine et Corée du Nord ont appris de nous. Ils ont regardé avec attention comment nous nous sommes battus en 1991 et 2003. Ils ont étudié notre doctrine, nos tactiques, nos équipements, notre organisation, notre entraînement et nos dirigeants.

Et en retour, ils ont révisé leurs propres doctrines et ils modernisent rapidement leurs armées aujourd’hui pour déjouer nos forces, dans l’espoir d’arriver à nous vaincre un jour.

Récemment, un haut responsable russe, l’ambassadeur au Royaume-Uni, Alexander Yakovenko a dit, je cite : « L’ordre mondial actuel subit un bouleversement fondamental avec la Crimée, l’Ukraine et le Brexit. »
il a ensuite appelé au démantèlement de l’Otan et de l’Union européenne puis il a dit, je cite : « La Russie peut mener une guerre conventionnelle en Europe et la gagner. La Russie est le seul pays qui restera pour toujours indispensable, alors qu’on peut se passer des autres pays, et cela inclut les États-Unis. Nous sommes désormais dans la phase finale. »

Il a déclaré ceci il y a à peine 30 jours. Menaces, arrogance, bravades ? Que veut-il dire par là ? Y croit-il vraiment ? Et plus important, les dirigeants au Kremlin croient-ils ceci ?

Eh bien, l’Histoire nous apprend à être prudents. Il est toujours sage de croire les déclarations publiques des dirigeants étrangers, alors que la plupart des nations tendent à camoufler leurs intentions stratégiques. […]

Malheureusement, je pense qu’il est très peu probable que la guerre entre les États-nations reste reléguée aux livres d’Histoire. Parce qu’il n’y a pas d’autorité supérieure et parce que la sécurité est l’intérêt fondamental de chaque État, le conflit entre les États-nations est pratiquement certain à plus ou moins long terme. […]

Et aujourd’hui, aujourd’hui, nous sommes au milieu d’un autre changement géopolitique majeur. Après la chute du mur de Berlin, les États-Unis détenaient sans conteste le pouvoir mondial politique, économique et militaire ; nous vivions ce que certains ont appelé un moment unipolaire, qui est en train de changer, et de changer rapidement.

Les États-Unis sont confrontés à un important défi en Europe, en Asie et au Moyen-Orient. En Europe, nous voyons une Russie revancharde, qui a modernisé son armée et mène une politique étrangère agressive en Géorgie, Crimée, Ukraine et ailleurs. En Asie, nous sommes dans la troisième décennie du plus grand changement économique mondial des cinq derniers siècles, avec le centre de gravité économique mondial qui se déplace de l’Atlantique Nord au Pacifique Nord. Cela découle d’une Chine en croissance rapide, qui est une grande puissance à la politique étrangère révisionniste, soutenue par une armée de plus en plus forte. […]

Et nous avons appris de l’Histoire que les systèmes internationaux unipolaires et bipolaires ont tendance à être très stables, mais nous savons aussi que les systèmes multipolaires sont intrinsèquement sujets à la compétition, la confrontation, l’instabilité et à des guerres entre États. Nous entrons dans cet avenir multipolaire, et en fait, nous y sommes probablement depuis quelques années… […]

L’instabilité imprévisible est la nouvelle norme. Nous devons gérer le plus haut taux d’instabilité depuis au moins 1992. La Russie se voit elle-même en confrontation directe avec l’Occident ; la Chine poursuit son programme d’une vigoureuse modernisation militaire directement destinée à se hisser à notre niveau, avec des exercices de formation sans précédent par leur étendue, ampleur et complexité. […]

Le domaine [des technologies de l’information] connaît des changements vraiment dramatiques, avec des implications militaires très importantes. D’inquiétantes cyber-capacités sont en cours d’élaboration en ce moment même et utilisées par de grands États-nations ; et il est désormais tout à fait possible d’infliger des dégâts considérables à l’économie ou à l’armée de pays adverses uniquement en utilisant des outils informatiques. Nous constatons désormais ceci dans notre vie quotidienne, avec les hackers, la cybercriminalité, les imposteurs, etc. Mais tout ceci n’est qu’une nuisance relativement mineure par rapport aux ressources dont dispose un État-nation avancé, comme la Russie, la Chine ou même la Corée du Nord et l’Iran. […]

La structure et l’organisation de notre armée, tant au niveau institutionnel qu’opérationnel, doivent changer radicalement, et nous devons être ouverts à ce changement. Nous menons actuellement une importante campagne d’étude afin de comprendre ces changements, et je peux vous dire que nous devons les comprendre très vite et qu’il vaut mieux pour nous abattre nos vaches sacrées nous-mêmes plutôt que de perdre une guerre parce que nous sommes trop sclérosés pour penser l’impensable. […]

À ce stade, nous pouvons développer quelques points que nous avons appris au cours de l’étude que nous avons menée intensément cette année sur la guerre future de haute intensité entre des États-nations de grande puissance. Et le premier est, sans surprise, qu’elle sera hautement mortelle, très hautement mortelle, contrairement à tout ce que notre armée a connu au moins depuis la Seconde Guerre mondiale.

En outre, le champ de bataille sera hautement complexe et presque certainement dans des zones urbaines denses et contre un ennemi insaisissable, obscur, qui combine la guérilla terroriste avec des actions conventionnelles, au sein de larges populations civiles. […]

Donc, en résumé, les 25 prochaines années ne vont pas être comme le 10 dernières, ni même comme les 25 dernières. Les défis qui s’accumulent et auxquels nous sommes confrontés, tout comme le caractère de la guerre en pleine mutation, ne ressemblent à rien que nos forces actuelles aient jamais connu en intensité et mortalité. […]

Un très grand historien [NdT. Victor Davis Hanson] a récemment écrit qu’il constatait une augmentation du nationalisme, des courses à l’armement régionales, des revendications territoriales non résolues, des conflits sectaires interminables, et un retour à l’équilibre des puissances politiques du 18e siècle avec des sphères d’influence. Il a alors indiqué qu’il y avait actuellement une légère brise dans l’air, mais qu’elle pouvait se transformer en une tempête. Et il a conclu à la fin de son papier qu’une forte averse était sur le point de s’abattre sur nous… »

Général Mark Miley, 4 octobre 2016

Transcription Olivier Berruyer

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