Les ruptures d'approvisionnement des pharmacies s'installent dans le paysage. Le taux de «tension», c'est-à-dire d'incapacité à approvisionner la pharmacie demandeuse pendant au moins une semaine, « a quasiment doublé depuis janvier, pour passer de 6,5% du nombre de références de médicaments à 12,5% mi-août », constate David Syr, du groupement d'intérêt économique (GIE) Gers.
Créé par les entreprises pharmaceutiques, le GIE Gers fournit des données exhaustives sur l'approvisionnement des pharmacies et hôpitaux de France en médicaments. En l'occurrence, la tension de 12,5% calculée par le Gers concerne les médicaments - remboursables ou non - fournis aux pharmacies (hors achats hospitaliers).
Des références en tension
12,5% de références en tension, le taux est très supérieur à la moyenne de longue période, que le Gers estime à environ 8%. Reste à le décrypter, car tension ne signifie pas toujours pénurie.
Chaque médicament se décline, en effet, en plusieurs conditionnements (boîte de 8 ou 16 comprimés, version liquide, etc.) qui sont autant de références. Cela multiplie les alternatives à une référence manquante. Tout comme les génériques , quand ils existent. Par ailleurs, la tension peut porter sur un médicament non remboursable pour la bobologie quotidienne, auquel cas, l'enjeu n'est pas vital.
Pas d'alternative
Les ennuis commencent quand une référence a peu ou pas d'alternative. C'est le cas des médicaments d'importance thérapeutique majeure (anticancéreux, antidiabétiques, etc.), qui ont peu de variété de conditionnements et dont la génération la plus récente n'a pas de générique, limitant là encore la substituabilité.
L'autre cas très problématique est quand la tension concerne des génériques se substituant à plus de 85 % au médicament d'origine, qui ne peut pas prendre le relais sur d'importantes quantités.
Le Gers se veut rassurant. « Une même molécule peut avoir des dizaines de références différentes et actuellement, les ruptures d'approvisionnement n'affectent aucun médicament pour plus de la moitié de ses références », assure David Syr.
Pénurie d'antidiabétiques
Ce n'est pas l'avis de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qui a alerté le 23 septembre sur « de fortes tensions d'approvisionnement » portant sur une classe de traitements du diabète de type 2 (lié à l'obésité) : les « analogues de GLP-1 ». Cette classe est représentée, en France, par deux médicaments sous brevet, désormais en pénurie : l'Ozempic du spécialiste danois du diabète Novo Nordisk et le Trulicity, le produit vedette du diabète de type 2, de l'Américain Eli Lilly. Ce sont des injections, impossible de choisir un autre conditionnement.
En termes de pathologies traitées par les 12,5% de références en tension, toutes ne relèvent pas de traitement pouvant être interrompus ou différés. Il y a certes des références de paracétamol, par exemple, mais aussi, entre autres, « des antidiabétiques, des statines pour le cholestérol, des traitements du trouble de l'érection ou encore un médicament pour le reflux gastrique », recense David Syr.
Pas assez de stocks
Quant aux causes de tensions, elles peuvent être variées. Pour les antidiabétiques en rupture d'approvisionnement, l'ANSM évoque « une augmentation importante de la demande mondiale ». Selon la Fédération internationale du diabète, 8,8% de la population mondiale était diabétique en 2015 avec plus de 80% de type 2. Son lien avec la malbouffe signifie que la croissance de cette pathologie est très rapide dans certains pays développés, le problème est donc structurel.
Il faudrait davantage produire dans l'Hexagone et privilégier le marché français sur l'export. Mais les observateurs voient aussi, dans les tensions actuelles, la conséquence de pénuries liées à l'invasion de l'Ukraine (sur les boîtes en carton, les flacons en verre, les opercules en aluminium…), ainsi qu'un système français d'approvisionnement des pharmacies « archaïque et très coûteux », juge Pascal Perez, économiste et conseil de vendeurs en gros de médicaments.
Les grossistes-répartiteurs approvisionnant les pharmacies ont l'obligation d'avoir quinze jours de stock. Un peu juste si un médicament vient d'Asie. Par ailleurs, les pharmacies s'approvisionnent aussi auprès d'intermédiaires « dépositaires » n'ayant pas d'obligation de stockage, ou directement auprès des laboratoires pharmaceutiques. Depuis l'an dernier, ces derniers sont tenus d'avoir des stocks de sécurité, mais « le décret d'application ne précise pas que le stock doit être en France et la mesure est largement inefficace, comme le montrent les récentes ruptures observées », juge Pascal Perez.
Maintenir la population dans la peur ! Demain ce sera peut-être la bière et les chips ?
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