Mais puisqu’on vous dit que Macron, c’est Le Grand Réformateur ! Puisqu’on vous dit qu’il n’a pas arrêté de réformer, d’affûter avec habileté la France pour la prochaine décennie ! Les petits dérapages budgétaires n’y changeront rien : les réformes sont sur des rails, elles passeront. Quoi qu’il en coûte.
C’est sans doute dans cet esprit que l’actuel gouvernement planche à nouveau sur la réforme des retraites qui avait été subrepticement mise en pause suite à la déclaration de guerre (non, pas contre Poutine, contre le virus il y a deux ans, suivez un peu) et dont tout indique qu’elle est loin de faire l’unanimité chez les différents partenaires (caisses, syndicats, retraités actuels et à venir, …).
Pour le Président, peu importe finalement qu’il n’ait qu’une majorité relative au Parlement, peu importe que sa réforme tombe au moment où grandit une grogne sociale directement corrélée aux températures extérieures et au prix du baril, et peu importe qu’il n’ait pour porter cette réforme que des tromblons ministériels approximatifs et des députés dont l’intelligence moyenne est clairement ouverte à débat : il va falloir faire cette réforme, scrogneugneu, et puis c’est tout.
Et tant pis s’il faut pour cela pousser des quasi-cavaliers législatifs afin de reporter l’âge de départ à la retraite à 64 ou 65 ans par un amendement dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale : comme d’habitude, Macron veut surtout montrer qu’il fait preuve de ce courage en carton qui met directement sa majorité, ses ministres et ses députés en position délicate et lui pas du tout, le déni, le mensonge et la pirouette rhétorique étant devenus son mode opératoire habituel dès son premier quinquennat.
On est en droit de se demander ce que cache cette fermeté, pour ne pas dire cette obstination voire cet acharnement du chef de l’État à vouloir à tout prix passer en force son projet de réforme et ce alors que d’autres pistes n’ont été que peu mentionnées ou explorées (le cumul emploi-retraite pourrait en faire partie, par exemple).
C’est ici que s’impose un petit rappel sur l’état des retraites actuelles, leur mode de fonctionnement et leur financement. Et ça tombe bien, l’Institut Molinari a récemment produit une étude détaillée sur la question qui permet de rappeler quelques éléments essentiels du débat, qui éclairent assez bien les raisons de l’empressement de Macron à pousser ses idées, « quoi qu’il en coûte » ou à peu près.
Premier constat, d’évidence pour ceux qui suivent même vaguement la question : s’il y avait quatre cotisants pour un pensionné dans les années 60, on peine à trouver un cotisant et demi pour le même pensionné actuellement, et la tendance nous amènera à un unique cotisant par pensionné dans les prochaines années. Entre l’explosion du nombre de pensionnés, l’augmentation bien moins rapide du nombre de cotisants, l’augmentation drastique de l’espérance de vie (10 ans gagnés depuis les années 70), le constat est sans appel : le mode actuel de financement des retraites ne peut plus fonctionner.
Second constat de l’analyse, nettement plus gênant : on découvre que le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) persiste depuis 20 ans à présenter des chiffres beaucoup plus roses qu’ils ne le sont en réalité, oubliant commodément 33 milliards d’euros de déficits. Ces derniers, provenant du mode de financement (particulièrement généreux et assez peu équitable) des retraites de fonctionnaires, ne sont pas intégrés dans les calculs du COR au motif qu’en tenir compte « stigmatiserait » ces cotisants. Il faut dire que les pensions des anciens fonctionnaires représentent aujourd’hui 15% du budget général et pèsent donc très lourdement sur les ministères ayant une forte masse salariale qui représente, par exemple, 28% des dépenses de l’Education nationale.
Une fois corrigés, le déficit des retraites est en moyenne de 1,5% du PIB depuis 2002, soit huit fois plus que le déficit calculé par le COR, fort loin du « quasi-équilibre » des retraites mis en avant par certains et qui justifieraient un statu quo.
Autrement dit, l’État, dans son impéritie habituelle, n’a pas été capable de provisionner un tant soit peu d’argent pour financer les retraites de ses propres employés, qui ne doivent le versement de leurs pensions qu’aux efforts de plus en plus importants consentis par les salariés du privés, et qui se traduisent notamment par des tensions aux versements de plus en plus visibles.
Tout compte fait, la situation actuelle des retraites ne tient qu’à l’empilement de dettes, et ce alors que l’État, sous la direction fébrile d’un Macron de plus en plus nerveux, n’a pas arrêté d’en générer comme jamais, passant de 98% avant l’arrivée au pouvoir du Mozart de la Finance à plus de 116% à présent. En fait de symphonie budgétaire, le Mozart en question nous joue une véritable charge atonale cacophonique avec un emballement très inquiétant, et ces questions de retraites s’y ajoutent donc avec force.
Il apparaît alors clairement que l’acharnement de Macron à pousser cette réforme des retraites et dans ces termes ne tient encore une fois qu’à sa volonté de ménager le personnel de l’État à commencer, probablement, par celui qui gravite autour de lui et qui pourrait, à tout moment, se retourner vertement contre lui avec tout ce que cela peut supposer de mains moites pour l’actuel occupant de l’Élysée.
Macron ne veut pas sauver les retraites : tout comme « la santé des Français » dont les deux dernières années ont prouvé qu’il n’avait absolument rien à carrer, tout comme « la sécurité des Français » dont l’état général d’insécurité dans le pays montre qu’il n’y prête, là aussi, absolument aucune attention, tout comme « le bien-être des Français » dont l’actuelle crise énergétique montre qu’il s’en fiche éperdument, les retraites des Français lui « en touchent une sans bouger l’autre ».
Ce que veut Macron, c’est garantir que l’État et ses agents continueront de travailler encore un peu, quelques années tout au plus, pour lui assurer une fin de mandat pas trop bousculée, ni plus ni moins.
Et s’il faut, pour cela, reculer l’âge de la retraite de ces pourceaux de salariés du privé, qu’il en soit ainsi.
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