Un sujet fréquent parmi les contributeurs et les commentateurs de ce site est la discussion pour savoir si l’opération militaire spéciale en Ukraine prendra quelques mois ou quelques années. C’est une question courante et les avis divergent. Permettez-moi de dire dès maintenant que je ne suis même pas qualifié pour spéculer sur ce sujet, et encore moins pour avoir une opinion. Je ne connais pas la réponse et je soupçonne que de nombreuses personnes haut placées dans l’armée et parmi les politiciens ne connaissent pas non plus la réponse.
Dans tous les cas, pourquoi la réponse à cette question est-elle si importante ? À l’origine, il ne s’agissait pas d’une guerre, mais d’une opération limitée, n'impliquant toujours qu'une petite partie des forces armées russes. Si la Russie avait voulu occuper l’Ukraine avec une violence militaire massive, en allemand avec une « Blitzkrieg », en américain avec du « shock and awe », avec des centaines de milliers, voire des millions, de victimes, tout aurait pu être fait en quelques semaines. Mais nous ne sommes pas à Hollywood. Ce n’était pas l’objectif.
L’objectif était clairement de libérer la partie russe de l’Ukraine et de démilitariser et dénazifier le reste, afin qu’elle ne représente plus une menace pour le monde russe. Évidemment, faire cela signifiait non seulement gagner la guerre génocidaire que les soutiens du régime de Kiev avaient commencée en 2014, mais aussi la faire, en causant le moins de victimes possible parmi les militaires russes et alliés et les civils ukrainiens, et en faisant en même temps le moins de dégâts possible aux infrastructures civiles.
Les photos montrant d’énormes dégâts aux infrastructures civiles, notamment à Marioupol et Donetsk, montrent surtout l’énorme quantité de dégâts causés par les bombardements du régime de Kiev soutenus par l’OTAN au cours des huit dernières années. Il était clair pour les planificateurs militaires et politiques russes que l’opération prendrait au moins des mois, peut-être des années, car l’ensemble des forces armées de Kiev se sont retranchées ici depuis huit ans. La Russie savait que pour gagner une guerre, il fallait ensuite gagner la paix.
Il n’est pas bon de faire comme les Américains au Vietnam, en Irak et en Afghanistan, de détruire les infrastructures, de se faire haïr par la population puis, une fois que l’on se rend compte que l’on a perdu, de s’enfuir en laissant le chaos et la misère. Les autorités russes savaient également que, puisque l’OTAN avait déjà déclaré de facto la guerre à la Russie en 2014, l’Opération de libération de l’Ukraine par la dénazification et la démilitarisation activerait davantage leur effort de guerre et provoquerait de nombreuses autres « sanctions ». Maintenant que l’Opération est devenue une guerre de l’OTAN contre la Russie, un peu comme prévu, il est d’autant plus difficile de prévoir l’avenir.
Beaucoup sont passés à côté de l’essentiel. L’opération militaire spéciale n’est pas là où l'on pense qu'elle se trouve. L’Ukraine n’est que le lieu, le champ de bataille, et la junte de Kiev ne sont que les acteurs sur la scène, des marionnettes. Il ne s’agit pas principalement d’une bataille militaire et de ses technologies, bien qu’elles soient très importantes, il s’agit avant tout d’une bataille de visions du monde et des réalités qui en découlent. Cette bataille est politique et économique, spirituelle et morale. Pour quelle autre raison le régime Johnson a-t-il interdit au patriarche orthodoxe russe de visiter le Royaume-Uni ?
Nous comprenons ici les propos tenus par le président Poutine le 7 juillet 2022 devant les parlementaires russes, selon lesquels la Russie « n’a même pas encore commencé à agir sérieusement en Ukraine », et que l’opération militaire en Ukraine signifie « une rupture cardinale avec l’ordre mondial américain, le début de la transition du globalisme libéral de l’égocentrisme américain vers la réalité d’un monde multipolaire » (….). La marche de l’histoire est imparable et les tentatives de l’Occident d’imposer son nouvel ordre mondial au monde sont vouées à l’échec.
Quels que soient les événements militaires qui se produiront en Ukraine au cours des prochains mois, et il s’en produira beaucoup, il y a d’autres histoires, qui sont finalement beaucoup plus importantes. Il y a eu la tentative de la petite Lituanie de bloquer l’enclave russe de Kaliningrad, qui a déjà échoué. Il y a eu le renversement du Premier ministre britannique en faillite, qui voulait mener une guerre sans argent, il y a eu l’assassinat de l’ancien Premier ministre japonais par des forces inconnues, il y a eu l’occupation du palais présidentiel de Colombo au Sri Lanka par une foule affamée confrontée à une énorme inflation et à la faillite nationale.
Ensuite, il y a l’effondrement naissant de l’euro, qui a déjà atteint la parité avec le dollar, alors que l’Europe s’arrête de fonctionner sans l’énergie russe. Il y a aussi l’effondrement possible du dollar à mesure que le monde se dédollarise, sous l’impulsion de la Russie. Il y a aussi la tentative de la puissante Allemagne de survivre sans le pétrole et le gaz russes, qui est déjà un échec. Il y a bien d’autres choses que les élites inquiètes cachent aux populations du monde occidental : grèves, protestations et effondrement de la cohésion sociale.
Nous sommes en juillet. Dans huit semaines, le temps se refroidira. Dans seize semaines, l’hiver commencera. Attendez que la panique commence et que les palais des dirigeants du monde occidental tombent également devant des foules affamées, confrontées à une énorme inflation et à la faillite nationale dans les capitales européennes et nord-américaines. Il n’y aura peut-être pas seulement quelques morts, comme lors de la chute du palais présidentiel de Washington le 6 janvier 2021, mais des violences et des incendies en masse. Attendez que les troupes chinoises libèrent Taïwan, comme elles le feront au bon moment, lorsque les États-Unis seront pris au dépourvu, trop occupés par leurs propres immenses problèmes. Alors commencera le Jugement des Nations.
L’Europe occidentale semble passer par un cycle de jugement tous les 500 ans environ. Vers l’an 500 (les pédants mentionnent l’an 476), la Rome occidentale est tombée aux mains des Barbares, ce qui a été suivi de grandes perturbations et d’un bain de sang. Vers l’an 1000 (les pédants mentionnent l’année 1054), le catholicisme romain a vu le jour, suivi de ses invasions impérialistes, croisades et inquisitions. Vers 1500 (les pédants mentionnent l’année 1517), c’est le début du protestantisme, suivi de la persécution des femmes (« sorcières ») et des « guerres de religion », tant en Europe continentale qu’en Grande-Bretagne et en Irlande sous Cromwell. Et maintenant, vers l’an 2000 (les pédants mentionneront-ils l’an 2022 ?), un autre jugement commence.
Pour nous, où nous sommes, étroitement liés à l’Ukraine, la guerre a commencé déjà au début de 2021. Mais ce sera une histoire à raconter une autre fois.
Batiushka
Traduit par Hervé, relu par Wayan, pour le Saker Francophone
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