Sous le feu des projecteurs durant la crise sanitaire, l’artemisia est une plante herbacée utilisée depuis plus de 2000 ans dans la médecine traditionnelle chinoise (MTC). Traditionnellement utilisée contre les fortes fièvres, elle possède des vertus prétendues ou avérées non négligeables au quotidien. Comment expliquer cet engouement pour l’Artemisia ? Comment cultiver et entretenir cette plante herbacée ? Faisons le point.
L’artemisia est à nouveau sous le feu des projecteurs
Plante aux airs de fougère et originaire des hauts plateaux de Chine, l’artemisia a progressivement été utilisée en Amérique, en Afrique puis en Europe pour sa teneur en artemisinine. Ce principe actif a permis au Dr Tu Youyou d’obtenir le Prix Nobel de physiologie ou médecine en 2015, conjointement avec l’Irlandais William Campbell et le Japonais Satoshi Ōmura, découvreurs de l’ivermectine. Il est présent dans les principaux traitements antipaludiques et s’est retrouvé sous le feu des projecteurs dans le contexte de la pandémie de Covid-19.
Covid-Organics (CVO), une boisson à base d’extraits de cette plante, pourrait d’ailleurs être un remède contre le nouveau coronavirus SARS-CoV-2 selon le président malgache Andry Nirina Rajoelina en 2020. La République démocratique du Congo et d’autres pays africains avaient même envisagé de lancer un essai clinique afin de mesurer l’efficacité de la tisane d’Artemisia annua dans le traitement de l’infection.
18 pays d’Afrique dont la Côte d’Ivoire ont également créé plusieurs « Maisons de l’artemisia » en à peine 5 ans. Cette campagne lancée par l’association humanitaire française de lutte contre le paludisme incitait à traiter les malades avec des capsules de feuilles séchées ou des tisanes de la plante. Selon eux, “l’artemisia annua soigne et prévient le paludisme”, à raison de “5g infusés 15 minutes dans un litre d’eau bouillante à boire sur la journée pendant sept jours”. Rappelons qu’en Afrique, le paludisme touche 90% des 219 millions de cas dans le monde et 91% des 445.000 décès annuels (Source).
Mais pourquoi un tel engouement pour l’Artemisia ? Est-elle réellement une plante « miracle » ?
L’expérience historique sur l’artemisia
Outre ses vertus purement décoratives avec ses airs de fougères, l’artemisia est aussi utilisée pour soigner certaines pathologies. D’ailleurs, elle doit son nom à Artémis, la déesse grecque de la chasse, de la nature sauvage et de la chasteté. La médecine chinoise en a fait usage depuis plus de 2000 ans. Mais durant la guerre du Vietnam, de 1955 à 1975, la plante a été utilisée par les soldats Viêt-Cong pour lutter contre la malaria ou paludisme, car cette maladie tuait plus de leurs hommes que d’adversaires.
Ce sont des chercheurs chinois de l’Institut chinois de Materia medica qui ont découvert que la population d’une région chinoise se soignait à l’aide d’une décoction d’artemisia annua dès l’apparition des premiers symptômes du paludisme.
Mais cette pratique date déjà de plusieurs siècles : plusieurs régions de Chine utilisaient et utilisent encore d’ailleurs l’Artemisia sauvage pour traiter les fièvres et le paludisme. Les premières études de grande envergure portant sur les plantes traitant cette maladie ont été menées en Chine en 1967, dans le cadre du « Projet 523 » auquel plusieurs centaines de chercheurs ont participé.
Ce ne sera qu’en 1972 que les premières études avec des extraits d’Artemisia annua ont commencé, l’administrateur principal du projet étant Zhang Jianfang. Celui-ci impliquait des équipes de recherche à Hainan, dans le Yunnan, dans le Shandong et à Beijing. L’artemisinine, comparé aux effets déjà connus de la chloroquine, a montré son efficacité. Plus tard, ce principe actif de l’Artemisia a permis au Dr Tu Youyou d’obtenir le Prix Nobel de physiologie ou médecine en 2015.
Aujourd’hui, l’artemisia revient sur le devant de la scène. Dans les pays tropicaux, et en particulier en Afrique, elle continue d’être incluse dans la pharmacopée destinée au traitement du paludisme, une solution intéressante dans les zones enclavées où le manque d’infrastructures médicales ne permet pas aux malades de se soigner dans de bonnes conditions. Il est important de noter que depuis 2017, l’artemisia et ses dérivés ne peuvent être administrés en monothérapie pour lutter contre le paludisme. Cette restriction a pour objectif d’empêcher que le parasite Plasmodium falciparum ne développe une résistance au traitement.
L’expérience historique de certaines médecines traditionnelles, chinoise et africaine notamment, des recherches phytopharmacologiques et des études cliniques récentes, montrent qu’il serait possible de prévenir et de guérir le paludisme à l’aide de certaines plantes de la famille des Artemisia.
Les principales espèces d’artemisia
Dans la grande famille de l’artemisia, il existe environ 400 espèces, certaines étant plus connues que d’autres, et que nous présenterons progressivement dans plusieurs articles :
- L’artemisia absinthium ou l’absinthe par exemple regroupe plusieurs autres sous-espèces comme la grande absinthe ou l’absinthe romaine.
- Parmi les plus connues, on compte également l’artemisia annua ou l’armoise annuelle, aussi appelée armoise chinoise ou Gin Ghao.
- Il y a également l’artemisia vulgaris ou l’armoise vulgaire, ou encore l’artemisia abrotanum connue sous l’appellation d’aurone.
- L’artemisia afra quant à elle est connue sous le nom d’armoise d’Afrique ou d’absinthe africaine.
Citons également :
- L’artemisia genepi ou Génépi bleu ;
- L’Artemisia dracunculus ou Estragon ou encore Herbe dragon ;
- L’Artemisia umbelliformis ou Génépi gris.
Même si cette plante présente plusieurs espèces et variétés, les précautions d’emploi restent les mêmes. Elle est à éviter chez les femmes enceintes en raison de ses propriétés abortives, ainsi que chez les personnes ayant des problèmes de foie.
Comment cultiver et entretenir l’artemisia ?
Avec son feuillage persistant aux couleurs gris, argenté ou vert, compris entre 20 et 150 cm, l’artemisia est apprécié pour ses propriétés décoratives. Elle est généralement utilisée comme bordure dans un jardin. N’oublions pas non plus qu’elle est utilisée depuis 2 000 ans dans la Médecine Traditionnelle Chinoise (MTC) afin de prévenir et soigner les fièvres intermittentes (paludisme) et d’autres parasitoses.
Pour bien pousser, l’armoise a besoin d’une bonne exposition au soleil. Elle s’adapte généralement à tous types de sol, mais préfère toutefois les sols bien drainés et riches en humus. Il est aussi nécessaire de choisir un sol au pH neutre.
L’artemisia se plante par bouture tout au long de la période estivale. Pour cela, coupez une tige de 15 cm et de plantez-la à l’ombre jusqu’à ce que les racines prennent bien. Vous pouvez ensuite la transplanter à un endroit plus ensoleillé, en faisant néanmoins en sorte que les nouveaux plants soient toujours bien arrosés.
Si vous semez des graines, vous pouvez le faire dans des clayettes en bois, en plastique ou en terre cuite. Assurez-vous qu’elles soient bien abritées pour qu’elles soient moins exposées aux intempéries ou à une trop forte chaleur. L’abri utilisé doit être translucide, car les graines germent à l’air libre et à la lumière.
Le grand débat sur l’efficacité de l’Artemisia
Depuis plusieurs années, la communauté scientifique débat régulièrement sur l’efficacité de divers produits non pharmaceutiques à base d’Artemisia comme des produits d’herboristerie ou certaines infusions. Il s’avère qu’elle a des vertus contre le paludisme, mais les données d’efficacité ne sont pas assez solides selon les scientifiques et l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
Alors que l’OMS recommande des combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (CTA) pour lutter contre le paludisme, elle tire la sonnette d’alarme sur la prise de formes non pharmaceutiques d’artémisinine (infusions, thés et décoctions directement faites à partir des feuilles séchées de la plante).
Dans son avis, elle précise :
« Le contenu des décoctions produites à partir d’Artémisia est souvent insuffisant pour parvenir à éliminer le parasite du paludisme et éviter les rechutes. »
Elle recommande également une posologie particulière pour s’assurer que les niveaux sanguins restent les mêmes tout au long du traitement.
Quoi qu’il en soit, face à la crise sanitaire, à l’antibiorésistance, mais surtout pour un meilleur mode de vie, il est plus que nécessaire d’apprendre à connaître les plantes qui soignent, à les cultiver, même si elles ne sont pas forcément une réponse à tous les problèmes. D’ailleurs, pour l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), « l’idée de cultures locales ou à petite échelle d’Artemisia comme source pour un traitement contre le paludisme est intéressante ».
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